Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, Mme B... et M. H..., représentés par la SCP Moulin et Associés, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 4 novembre 2014 du directeur de l'agence régionale de santé Languedoc-Roussillon ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le directeur général de l'agence régionale de santé s'est cru lié par les conclusions du rapport de l'inspection qu'il a diligentée au sein du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et a ainsi méconnu l'étendue du champ de sa compétence ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires, enregistrés le 31 octobre 2017 et le 7 mars 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, représenté par Me I..., a présenté des observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et M. H... ont amené le 6 septembre 2012 leur fils Marlon âgé de quatre mois au service des urgences du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier pour une fracture du crâne. Le 7 septembre 2012, les docteurs D...et G...ont adressé au procureur de la République un signalement pour suspicion de maltraitance de l'enfant, lequel a fait l'objet d'une mesure judiciaire de protection et a été placé en famille d'accueil. Par jugement du 12 octobre 2012, au vu d'éléments de nature à écarter la suspicion de maltraitance, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Montpellier a mis un terme à cette mesure de placement. Mme B... et M. H... relèvent appel du jugement du 15 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2014 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Languedoc-Roussillon a rejeté leur demande tendant à ce qu'il saisisse la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins en application de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique en vue de poursuites disciplinaires à l'encontre des docteurs D...etG....
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier, particulièrement des énonciations de la décision contestée, que pour rejeter la demande de saisine de la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins présentée par Mme B... et M. H..., le directeur général de l'agence régionale de santé Languedoc-Roussillon se serait senti tenu de suivre les conclusions du rapport de l'inspection qu'il avait diligentée au sein du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier pour être éclairé sur les circonstances ayant conduit les deux praticiens à procéder au signalement en cause. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette autorité aurait refusé d'examiner les arguments présentés par Mme B... et M. H... au soutien de leur demande. Le fait que le directeur général de l'agence régionale de santé n'a émis ni critique ni appréciation quant au contenu du rapport ne saurait révéler qu'il s'est cru lié par ses conclusions. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'incompétence négative.
3. Aux termes de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit. (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-1 du même code : " Les dispositions du présent code de déontologie s'imposent aux médecins inscrits au tableau de l'ordre, à tout médecin exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l'article L. 4112-7 ou par une convention internationale, ainsi qu'aux étudiants en médecine effectuant un remplacement ou assistant un médecin dans le cas prévu à l'article R. 4127-88. / Conformément à l'article L. 4122-1, l'ordre des médecins est chargé de veiller au respect de ces dispositions. / Les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l'ordre. ". Aux termes de l'article R. 4127-44 de ce code : " Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. / Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que pour décider de transmettre, dès le 7 septembre 2012, un signalement pour suspicion de maltraitance de l'enfant Marlon au procureur de la République, les docteurs D...et G...se sont fondés, d'une part, sur le fait que Mme B... avait livré la veille, lors de l'admission du nourrisson aux urgences pédiatriques, deux versions des circonstances de l'accident ayant occasionné la fracture située à l'arrière du crâne, l'une selon laquelle, alors qu'elle souhaitait déplacer l'enfant, elle se serait saisie du transat dans lequel il se trouvait, sanglé, et l'aurait laissé échapper des mains, l'autre selon laquelle elle aurait été victime d'un malaise alors qu'elle tenait l'enfant dans ses bras, occasionnant sa chute au sol, d'autre part, sur les conclusions des docteurs Sevette et Saguintaah, radiologues, selon lesquelles les clichés radiologiques pratiqués la veille sur l'enfant consécutivement à son admission aux urgences révélaient, outre la fracture occipitale, la présence de multiples fractures métaphysaires d'âge différents en diverses localisations sur les membres inférieurs et supérieurs. Les praticiens radiologues indiquaient que, compte tenu de l'âge de l'enfant et de l'aspect caractéristique des fractures métaphysaires, il y avait lieu de suspecter des faits de maltraitance. Eu égard aux éléments en leur possession, et alors même que Mme B... et M. H... ont opposé des dénégations s'agissant d'éventuels actes de maltraitance à l'égard de leur enfant, il appartenait au docteurD..., chef de clinique dans le service de neuropédiatrie du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier qui avait pris en charge cet enfant, et au docteurG..., praticien hospitalier au sein du service de médecine légale de l'établissement que le docteur D...avait sollicitée en application des procédures en vigueur, de procéder à ce signalement sans même attendre les résultats des examens complémentaires déjà prescrits ou suggérés, dans le but de protéger l'enfant. A supposer même que soit opposable le rapport rendu par le docteur Saury relatif aux conduites à tenir par les médecins en présence de sévices infligés aux enfants adopté par le conseil national de l'ordre des médecins en avril 2001, ce document préconise, en cas de présomption de sévices, l'information des autorités judiciaires.
5. La circonstance selon laquelle les examens diagnostics et les expertises réalisés ultérieurement ont conduit à invalider l'hypothèse d'actes de maltraitance est à cet égard sans incidence.
6. Dans ces conditions, le directeur général de l'agence régionale de santé Languedoc-Roussillon a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de Mme B... et M. H... tendant à ce qu'il saisisse la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins en vue de poursuites disciplinaires à l'encontre des docteurs D...etG....
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... et M. H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à M. F... H..., à la ministre des solidarités et de la santé, à Mme A... G...et à M. E... D....
Copie sera adressée à l'agence régionale de santé Occitanie et au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 octobre 2018.
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N° 17MA00173
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