Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2021 et le 25 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Oloumi, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 29 juin 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 avril 2020 ;
4°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Me Oloumi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que le préfet pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour consécutivement à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatride ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire sans s'être assuré du respect de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de motivation, pour n'avoir pas précisé en vertu de quelle hypothèse de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile son droit au maintien sur le territoire avait pris fin ;
- en refusant son admission au séjour, alors qu'un recours est pendant devant la Cour nationale du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- le préfet " n'est pas lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile " ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'est " nullement superfétatoire " en ce que le préfet " s'est saisi d'office de l'appréciation de l'admission au séjour de l'exposante " ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet a reconnu implicitement qu'il ne pouvait, à la date de la décision attaquée, prendre une décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire à son encontre ;
- l'arrêté contesté a été abrogé dès lors que le préfet lui a délivré une nouvelle attestation de demande d'asile valable du 28 août 2020 au 27 février 2021.
Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Michel Pocheron, président de la 7ème chambre.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité bosniaque, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 avril 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme B... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020, les conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans d'objet.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
3. En vertu de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) / les présidents des formations de jugement des cours peuvent (...) par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ".
Sur l'étendue du litige :
4. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. ". Aux termes de l'article L. 743-4 du même code : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour. ".
5. Il résulte expressément des dispositions de l'article L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance de l'attestation de demandeur d'asile prévue à l'article L. 741-1 du même code n'emporte pas abrogation d'une mesure d'éloignement prise antérieurement à la demande d'asile mais fait seulement obstacle à l'exécution de cette mesure d'éloignement jusqu'à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile se soient prononcés, pour la rejeter, sur la demande d'asile. Par suite, la délivrance, le 28 août 2020, d'une attestation de demandeur d'asile n'a pas eu pour effet d'abroger la décision portant obligation de quitter le territoire français dont Mme B... a fait l'objet.
Sur la régularité du jugement :
6. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme. B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice aurait commises pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il a été pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 (...) ".
8. Même s'il mentionne, en son article 1er, que " la demande de délivrance de titre de séjour de Mme A... B... est rejetée ", l'arrêté attaqué ne peut être regardé ni comme statuant sur la demande d'asile de l'intéressé, le rejet de cette demande procédant de la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 31 janvier 2020, ni même comme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. S'il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a effectivement recherché, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la situation de l'intéressée était, au vu des éléments dont il disposait, de nature à justifier une dérogation aux conditions d'octroi d'un titre de séjour prévu par la réglementation en vigueur, il n'a pas, pour autant, statué sur une demande de titre de séjour dont il n'était pas saisi. La mention de l'article 1er étant superfétatoire, en application des dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les conclusions du requérant dirigées contre " la demande de délivrance d'un titre de séjour " doivent donc être rejetées comme irrecevables.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". L'article L. 743-2 du même code précise que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I (...) de l'article L. 723-2 ", hypothèse qui vise les cas dans lesquels l'office statue en procédure accélérée notamment quand le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 du même code. Enfin, l'article L. 743-3 de ce code dispose que : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ".
10. La requérante soutient que l'arrêté attaqué ne précise pas sur le fondement de quel alinéa de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile il a été mis fin au droit au maintien sur le territoire. Il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qu'après avoir visé l'article L. 743-1 à L. 743-4 ainsi que l'article L. 723-2 dudit code, cet arrêté précise que Mme B... a présenté auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes une demande d'asile qui a été placée en procédure accélérée, dès lors qu'elle provient d'un pays d'origine sûre, et que cette demande a été rejetée par l'Office Français de protection des réfugiés et apatrides de sorte qu'il permet à la requérante de savoir sur quel alinéa de l'article précité le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit, par suite, être écarté.
11. En troisième lieu, les circonstances selon lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes lui a délivré une attestation de demande d'asile le 28 août 2020 et que, par courrier du 31 août 2020 il a constaté que l'examen de sa demande d'asile se poursuivait auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ne saurait révéler, par elles-mêmes, un défaut d'examen sérieux de la situation de personnelle de Mme B.... Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.
12. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que " l'examen de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressée n'est pas de nature à justifier une dérogation aux conditions d'octroi d'un titre de séjour prévu par la réglementation en vigueur " et que " la présente décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect au droit à la vie privée et familiale de l'intéressé au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ". Par suite la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet se serait cru tenu de l'obliger à quitter le territoire, au seul motif que sa demande d'asile avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.
13. En cinquième lieu, il ressort également des termes mêmes de l'arrêté attaqué que " cette décision ne contrevient pas non plus aux dispositions de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ni aux stipulations de l'article 33 de la convention de Genève dans la mesure où l'analyse, au regard de ces textes, des risques encourus en cas de retour de l'intéressée dans son pays d'origine, n'a pas fait apparaître que ces risques soient avérés ". Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'a pas, compte tenu des éléments dont il disposait et alors qu'elle ne justifie pas avoir adressé aux services de la préfecture des éléments particuliers en ce sens, recherché si elle pouvait être regardée comme encourant des risques en Bosnie pour l'obliger à quitter le territoire. Au demeurant, par une ordonnance du 31 août 2020, la Cour nationale du droit d'asile a, postérieurement à l'arrêté attaqué, rejeté le recours formé par Mme B... et ses enfants mineurs contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides aux motifs qu'elle et ses enfants " ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision du directeur général de l'OFPRA et ne peuvent, par suite, prétendre ni au bénéfice de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève ni à celui de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Pour les mêmes motifs, l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En sixième lieu, les circonstances selon lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a délivré à l'exposante une attestation de demande d'asile le 28 août 2020 et que, par courrier du 31 août 2020 il a constaté que l'examen de sa demande d'asile se poursuivait auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ne peuvent être regardés, contrairement à ce que soutient la requérante, comme valant reconnaissance implicite par le préfet de l'illégalité de la décision attaquée et de son droit de se maintenir sur le territoire jusqu'au terme de la procédure de demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de Mme B..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et à Me Oloumi.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Fait à Marseille, 18 octobre 2021.
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N° 21MA00181