Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 25 juillet 2019 et le 24 juillet 2020, la SCI du " Domaine de Péchimbert ", représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté interruptif de travaux du 6 octobre 2017 précité ;
3°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt rendu sous l'affaire enregistrée sous le N°19MA00645 ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Eyragues la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté interruptif de travaux n'a pas été pris après une procédure contradictoire régulièrement menée, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, alors qu'il n'a pas été tenu compte des observations qu'elle a formulées le 28 septembre 2017 ;
- cet arrêté méconnait l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Marseille par jugement du 12 février 2012, qui a requalifié la décision de refus de permis de construire en retrait du permis tacite, qu'il a annulé pour défaut de procédure contradictoire.
- le nouveau retrait du permis tacite intervenu le 21 août 2015, plus de trois mois après la naissance de l'autorisation tacite, entache cette décision de retrait d'inexistence ; l'arrêté interruptif de travaux est par suite privé de base légale ;
Par un mémoire en observation, enregistré le 29 avril 2020, la commune d'Eyragues, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., substituant la SCP " F...-Pouyanne-Fouchet ", représentant la SCI " Domaine de Péchimbert ", et de Me E..., substituant Me C..., représentant la commune d'Eyragues.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 14 décembre 2009, le maire de la commune d'Eyragues a refusé de délivrer à Mme G... A... un permis de construire visant à édifier un bâtiment agricole, d'une superficie de 163 m² de surface hors oeuvre nette (SHON), comprenant un hangar avec logement ouvrier incorporé, situé chemin de Couderc, lieu-dit Plaine de Péchimbert, et classé en zone " NC " du plan d'occupation des sols de la commune. Par un jugement n°1001034 du 13 février 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté, après l'avoir requalifié de retrait de permis tacite obtenu le 10 novembre 2009. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille n°12MA01471 du 16 janvier 2014 devenu définitif, le pourvoi en cassation enregistré n'ayant pas été admis. Saisi d'un recours gracieux par courrier du 4 juin 2015 d'un tiers voisin, le maire d'Eyragues, par arrêté du 21 août 2015, a procédé au retrait de ce permis tacite obtenu le 10 novembre 2009. Par un arrêt n° n°19MA00645 du 21 janvier 2021, la Cour a rejeté l'appel de Mme A... dirigé contre le jugement du 10 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que cet arrêté du 21 août 2015 soit déclaré nul et non avenu car inexistant. C'est dans ces conditions que le maire d'Eyragues a, le 27 septembre 2016, édicté à l'encontre de la SCI " Domaine de Péchimbert " et de Mme G... A..., son représentant légal, un arrêté interruptif de travaux. La SCI " Domaine de Péchimbert " relève appel du jugement du 27 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 septembre 2016.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. [...] Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. [...] Dans le cas de constructions sans permis de construire[...] ou de constructions ou d'aménagements poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public... ". Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code.
3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la société " Domaine de Péchimbert " n'était plus titulaire, à la date de l'arrêté litigieux d'une autorisation d'urbanisme, qui a été retirée par une décision devenue définitive. Et il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de constat d'infraction du 6 octobre 2017, dressé par le maire, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que sur les terrains cadastrés BK n°24, 25 et 92 situés chemin de Coudéric à Eyragues, ont été constatés des travaux de "construction d'un vide sanitaire sur fondation, d'une dalle de béton avec réservations réseaux, et de murs périphériques ", d' " une surface approximative [...] d'environ 300 m² ", réalisés " au nom de la SCI Péchimbert gérée par M. et Mme D... et Anne-Marie A... ". De tels travaux entraient dans le champ d'application du permis de construire en vertu des articles L.421-1 et R.421-1 et suivants du code de l'urbanisme. Par suite, le maire était tenu, en application des dispositions précitées du code de l'urbanisme, de dresser un procès-verbal d'infraction. La société requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté comme inopérants les moyens tirés du défaut de procédure contradictoire, de la violation de la chose jugée et de l'erreur de droit.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI " Domaine de Péchimbert " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI " Domaine de Péchimbert " dirigées contre la commune d'Eyragues qui n'est pas, en tout état de cause, dans la présente instance, la partie perdante. Et les conclusions de la commune d'Eyragues formées sur ce fondement doivent également être rejetées, la commune n'ayant pas la qualité de partie, dans la présente instance, le maire agissant au nom de l'Etat lorsqu'il dresse un procès-verbal d'infraction sur le fondement de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI " Domaine de Péchimbert " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Eyragues formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI " Domaine de Péchimbert " et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à la commune d'Eyragues.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.
2
N° 19MA03484
hw