Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018, la SCI Outremer, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 septembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision implicite précitée ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Tropez de procéder au retrait du permis de construire attaqué, sans délai à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir sur le fondement de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme en sa qualité de voisine immédiate de la parcelle d'assiette du projet ;
- sa requête a été enregistrée dans les délais de recours contentieux ;
- le jugement est irrégulier sur le fondement de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, à défaut de justification de signature de la minute ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'une fraude alors que la tour qui fait partie du projet se trouve sur une dépendance du domaine public pour laquelle l'autorisation d'occupation temporaire du 18 février 2009 n'était pas suffisante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2019, la SARL Financière du Sud, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il appartiendra à la Cour de vérifier que les formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été accomplies ;
- la demande dirigée contre un permis de construire du 10 juillet 2009, régulièrement affiché est tardive ;
- la SCI Outremer n'a pas d'intérêt à agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2019, la commune de Saint-Tropez conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société requérante la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la société requérante ne démontre pas qu'elle a intérêt à agir sur le fondement de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme et elle ajoute qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Saint-Tropez, par une décision implicite née le 5 novembre 2016, a rejeté la demande de la SCI Outremer tendant au retrait du permis de construire accordé le 10 juillet 2009 à la société " Financière Sud " pour la réhabilitation de deux maisons sur les parcelles cadastrées section AV n° 20 à n° 28. Celle-ci relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article R. 741-7 du code de justice administrative dispose : " Dans les tribunaux administratifs [...] la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la SCI Outremer, elle a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature de la minute ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " ...le permis de construire [...] ne [peut être retiré que s'il est illégal] et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, [...] le permis ne [peut être retiré] que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ". Un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai de recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
5. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la SCI Outremer, il ressort des pièces du dossier de permis de construire du 10 juillet 2009, que le pétitionnaire a pris le soin de préciser dans la notice descriptive qu'" en bord de mer certaines parties de terre se situent sur le domaine maritime, notamment le long du mur en pierre sous la maison et partiellement sous la tour. A ce sujet il est joint à cette demande l'arrêté d'occupation temporaire du domaine public - AOT n° 118 en date du 18/02/2009 - qui rend compte de cette situation. " Il ressort clairement de cette mention contenue dans le dossier de demande d'autorisation que, contrairement à ce que soutient la SCI Outremer, la société pétitionnaire n'a pas omis de préciser qu'une partie de la tour était située sur le domaine public maritime. En l'absence d'omission matérielle, l'existence d'une fraude n'est donc pas caractérisée. Par suite, la SCI requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le maire de Saint-Tropez a refusé de retirer, plus de trois mois après cette décision, le permis de construire du 10 juillet 2009 délivré à la SARL Financière du Sud.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel et de la demande de première instance, la SCI Outremer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI Outremer dirigées contre la commune de Saint-Tropez qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Outremer la somme de 1 500 euros, à verser à la SARL Financière du Sud d'une part, et de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Tropez d'autre part, en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Outremer est rejetée.
Article 2 : La SCI Outremer versera à la société " Financière Sud " d'une part, et à la commune de Saint-Tropez, d'autre part, une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Outremer, à la SARL Financière du Sud et à la commune de Saint-Tropez.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.
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N° 18MA04628
hw