Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, procéder au réexamen de sa demande de titre après saisine de la commission du titre de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une irrégularité de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elles portent une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chazan a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité sénégalaise, a demandé au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour en raison de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 28 janvier 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. A..., relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier n'a annulé à sa demande l'arrêté du préfet de l'Hérault qu'en tant qu'il portait interdiction de retour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en 2009, y réside habituellement au moins depuis 2014. Il a pratiqué le football à un haut niveau amateur, en particulier au sein du club de Pezenas avec lequel il a remporté un titre de champion de France amateur niveau 2, le club ayant ensuite participé à un championnat national, tout en exerçant des fonctions d'éducateur auprès des jeunes. Il a obtenu un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire en 2017, pour un emploi auprès de l'association sportive au sein de laquelle il pratiquait qui n'a pas été renouvelé faute d'autorisation et deux mesures d'éloignement ont été prononcées à son encontre le 6 mai 2018 et le 14 juillet 2019. Toutefois, postérieurement à la décision de refus de séjour, M. A... a signé le 6 septembre 2018, un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Viol Frères en qualité d'ouvrier manutentionnaire, assorti d'une demande d'autorisation de travail, qui a été exécuté pendant près de huit mois. Au cours de la même période il a perçu de septembre 2018 à janvier 2019, une somme de l'ordre de 270 euros par mois en qualité de joueur de football. La commune de Paulhan lui a délivré une promesse d'embauche en qualité d'agent municipal à temps complet le 26 juillet 2019. M. A... produit également une demande d'autorisation de travail en qualité d'agent d'accueil sécurité incendie, signée par la société SDS le 7 novembre 2019. Il a signé un contrat de location meublée le 19 novembre 2019. Il justifie avoir bénéficié de défraiements octroyés par le stade beaucairois en 2020 en sa qualité de joueur de football. Les revenus qu'il s'est procurés ont été dûment déclarés à l'administration fiscale, ainsi que cela ressort des avis d'imposition au titre des années 2017 à 2019 qui sont versés au dossier. Enfin, M. A... produit plusieurs dizaines d'attestations émanant de témoins venus d'horizons divers, tant socialement que géographiquement, soulignant non seulement ses qualités d'éducateur sportif auprès de jeunes enfants mais aussi l'étendue de ses qualités humaines. Un grand nombre de ces attestations sont rédigées dans des termes particulièrement circonstanciés et personnalisés qui révèlent leur sincérité. Ces éléments démontrent que M. A... entretenait en France, notamment dans la période récente, des liens sociaux d'une intensité et d'une qualité toute particulière qui témoignent d'une réelle intégration en dépit de sa situation précaire. Il apparaît ainsi qu'à la date de la décision attaquée et postérieurement au refus de séjour qui lui a été opposé en 2018, M. A... avait transféré en France le centre de ses intérêts matériels et moraux et que dans les circonstances de l'espèce, un refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision. Ainsi, à cette date, elle méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... est donc fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre le refus de séjour, de même par voie de conséquence, en tant qu'il a rejeté ses demandes contre les décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, ainsi que de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 janvier 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
5. Il y a lieu, au regard du motif d'annulation retenu, de prescrire au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de séjour temporaire à M. A..., dans un délai de deux mois. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie (...) perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie (...) qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide (...) ".
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2101731 du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : L'arrêté n° 2021-340-092 du 28 janvier 2021 du préfet de l'Hérault portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Ruffel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.
N° 21MA04139 2
hw