Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 4 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'assignation à résidence présentée le 17 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande d'assignation à résidence dans un délai de deux mois et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière en ce que la décision lui fait grief ; la décision porte atteinte à son droit de demander l'abrogation de la décision portant interdiction de territoire ; le magistrat a opéré une confusion entre les mesures prévues au titre de l'article L. 562-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles prévues au titre de l'article L. 561-1 du même code ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation en ce que le préfet n'a pas répondu à la demande de motifs présentée au titre de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été condamné par un jugement du 10 décembre 2017 du tribunal correctionnel de Montpellier à un emprisonnement délictuel de trois mois et, à titre de peine complémentaire, à une interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans. Il a présenté le 17 avril 2019 une demande tendant à être assigné à résidence, en ce qu'il existe une impossibilité matérielle ou juridictionnelle d'exécuter la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet. Il a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'assignation à résidence. Par une ordonnance n° 1906777 du 4 mars 2020, dont il relève appel, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : (...) / 5° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; (...) ".
3. Il appartient à l'étranger qui, à la suite d'un arrêté d'expulsion ou d'une décision de reconduite à la frontière prise à l'initiative de l'administration ou pour l'exécution d'une décision judiciaire d'interdiction du territoire, demande à être assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de justifier soit qu'il se trouve dans l'impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français, soit que sa vie ou sa liberté sont menacées dans le pays de destination qui lui est assigné ou qu'il est exposé dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que, lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire ou ne peut regagner son pays d'origine ou un autre pays, le préfet peut, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, l'autoriser, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet refuse d'assigner à résidence un étranger qui se prévaut, comme en l'espèce, d'une impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement, et lui refuse ainsi l'autorisation de se maintenir provisoirement sur le territoire français, est une décision individuelle défavorable qui fait grief à l'intéressé. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance en litige, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête comme irrecevable au motif qu'une telle décision ne lui faisait pas grief.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'annuler l'ordonnance et de statuer, par voie d'évocation, sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 17 avril 2019, M. B... a demandé au préfet de l'Hérault de l'assigner à résidence en application des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence de réponse de la part de cette autorité, une décision implicite de rejet est née le 18 juin 2019 au plus tôt. Par un courriel du 31 juillet 2019, M. B... a demandé, dans le délai de recours contentieux, au préfet de l'Hérault la communication des motifs du refus de l'assigner à résidence. Le préfet de l'Hérault a accusé réception de ce courriel par un message du 31 juillet 2019, 8h38, lui indiquant qu'une réponse lui serait adressée sous quinze jours. Le préfet n'a toutefois pas répondu à cette demande de communications de motifs. Dans ces conditions, la décision litigieuse, qui n'est pas motivée, doit être annulée pour ce motif, aucun des autres moyens invoqués n'étant en l'espèce de nature à fonder cette annulation.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Eu égard au motif d'annulation de la décision litigieuse, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de l'Hérault procède à un nouvel examen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 4 mars 2020 est annulée.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté la demande d'assignation à résidence présentée le 17 avril 2019 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions du requérant relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 18 février 2021 à laquelle siégeaient :
- M. D..., président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
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N° 20MA03601
hw