Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 2 juillet 2020, la SARL Résidence de France, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la délibération du 13 octobre 2017 du conseil municipal de Seillans ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Seillans la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal n'a pas pris en compte sa note en délibéré ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de ce que les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme ne sont pas issues de l'enquête publique ;
- des modifications ont été apportées au projet de plan local d'urbanisme après la clôture de l'enquête publique ;
- le commissaire enquêteur n'a pas motivé son avis selon lequel les souhaits de la commune relatifs à la modification du projet de plan local d'urbanisme pouvaient être acceptés ;
- le rapport de présentation ne comprend pas les dispositions exigées par l'article R. 151-4 du code de l'urbanisme ;
- le plan local d'urbanisme méconnaît l'obligation de construction en continuité imposée par l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;
- la commune devait prendre en compte l'absence de SCOT dans l'élaboration du plan local d'urbanisme ;
- le dossier de plan local d'urbanisme ne permet pas d'identifier les emplacements réservés qui grèvent la propriété de la SARL Résidence de France ;
- la création de ces trois emplacements réservés méconnaît les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ;
- il y a une contradiction à créer un emplacement réservé sur un terrain classé en zone naturelle ;
- la création de deux emplacements réservés sur la parcelle cadastrée section V n ° 816 appartenant à la SARL Résidence de France porte atteinte à son droit de propriété ;
- l'emplacement réservé n° 24 ne correspond pas à un intérêt général et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement en zones UAb et Np des parcelles de la SARL Résidence de France est entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à la contribution de ses projets aux objectifs de la commune.
Par des mémoires enregistrés les 23 janvier et 17 juillet 2020, la commune de Seillans, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Résidence de France de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, car elle a été enregistrée après l'expiration du délai d'appel et elle ne comporte pas de moyens ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Seillans.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Résidence de France a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 13 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Seillans a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement du 5 juillet 2019, dont la requérante relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient, soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. La note en délibéré présentée par La SARL Résidence de France devant le tribunal administratif de Toulon et enregistrée le 20 juin 2019 ne comportait l'exposé ni d'une circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, ni d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge aurait dû relever d'office. Le tribunal n'a donc commis aucune irrégularité en se bornant à viser cette note et en s'abstenant de rouvrir l'instruction et de la soumettre à débat contradictoire.
4. En deuxième lieu, le tribunal a suffisamment motivé, aux points 6 à 11 du jugement, sa réponse au moyen tiré de ce que les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme après l'enquête publique modifiaient l'économie générale de ce projet et n'étaient pas issues de l'enquête publique en ce qui concerne la modification de l'objet de l'emplacement réservé n° 24, et qu'elles nécessitaient dès lors une nouvelle enquête publique,
Sur la légalité de la délibération du 13 octobre 2017 :
5. En premier lieu, le moyen tiré de ce que les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme après l'enquête publique modifiaient l'économie générale de ce projet et n'étaient pas issues de l'enquête publique en ce qui concerne la modification de l'objet de l'emplacement réservé n° 24, et qu'elles nécessitaient dès lors une nouvelle enquête publique, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal. Doit également être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal le moyen tiré de l'insuffisante motivation du rapport du commissaire enquêteur.
6. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que le rapport de présentation ne comprend pas les dispositions exigées par l'article R. 151-4 du code de l'urbanisme, le plan local d'urbanisme méconnaît l'obligation de construction en continuité imposée par l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, et de ce que la commune devait prendre en compte l'absence de SCOT dans l'élaboration du plan local d'urbanisme, ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien fondé.
7. En troisième lieu, l'article L. 15141 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la délibération attaquée, dispose : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; / 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques... ". Le juge vérifie que le choix de la commune de classer une parcelle en emplacement réservé n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il répond à un intérêt général.
8. D'une part, si la liste des emplacements réservés du plan local d'urbanisme de la commune de Seillans ne précise pas les parcelles concernées par les emplacements réservés, le document graphique du plan local d'urbanisme les localise clairement, notamment en ce qui concerne les emplacements réservés n° 24 et 25 situés sur la parcelle cadastrée section V n° 816 propriété de la SARL Résidence de France.
9. D'autre part, l'article L. 1518 du code de l'urbanisme dispose : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 1011 à L. 1013. ". Pour apprécier la cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision.
10. L'emplacement réservé n° 25, qui porte sur la création d'un chemin piétonnier, est cohérent avec l'orientation du projet d'aménagement et de développement durables de développer l'accessibilité au centre-ville par des liaisons douces et de diminuer la place de la voiture notamment au coeur du centre ancien. L'emplacement réservé n° 24 qui concerne un espace vert/jardin public, est quant à lui cohérent avec l'orientation du projet d'aménagement et de développement durables de ne pas trop densifier les secteurs qui ceinturent la silhouette du village pour préserver le caractère typique du village perché et de son site.
11. En outre la création d'un espace vert-jardin public au pied du village perché de Seillans, poursuit l'objectif d'intérêt général de mise en valeur de ce site. Les auteurs du plan local d'urbanisme, qui ont souhaité, ainsi qu'il résulte du projet d'aménagement et de développement durables, encourager les structures de séjour touristique dans la commune, mais également préserver son caractère en maitrisant son développement, n'ont pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation la création de l'emplacement réservé n° 24.
12. Enfin, la création des emplacements réservés n° 24 et 25 sur la parcelle cadastrée section V n° 816 propriété de la requérante n'a pas pour objet ni pour effet de la priver de la propriété de son bien, mais de réglementer le droit de l'occupation du sol qui relève de l'usage d'un tel bien.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 15124 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".
14. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. À ce titre, ils peuvent identifier et localiser des éléments de paysage et définir des prescriptions de nature à assurer leur protection. Ce faisant, ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
15. Les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant en zone naturelle Np inconstructible la partie non bâtie de la parcelle V 816, qui contribue à la mise en valeur du village perché de Seillans.
16. Il résulte de ce qui précède que la SARL Résidence de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Seillans, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la SARL Résidence de France sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Résidence de France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Seillans et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Résidence de France est rejetée.
Article 2 : La SARL Résidence de France versera à la commune de Seillans la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Résidence de France et à la commune de Seillans.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
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N°19MA04733
hw