Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler, et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnait les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnait en outre l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;
- la mesure d'éloignement sera annulée, par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour.
Le préfet des Alpes Maritimes n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 8 juillet 2019, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 13 février 2017 Mme D..., ressortissante géorgienne, sur le fondement de sa vie privée et familiale et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme D... interjette appel du jugement du 19 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger peut justifier par tous moyens résider en France habituellement. Et pour l'appréciation de cette durée de présence relative à la seule situation effective de l'intéressé, il n'y a pas lieu de tenir compte de la circonstance qu'il aurait résidé en France pendant tout ou partie de cette période sous une fausse identité.
3. En l'espèce il ressort des pièces du dossier que Mme D... est arrivée en France à la fin de l'année 2009 avec son époux et son fils, né le 6 septembre 2003. Elle a formé une demande d'asile sous une autre identité, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 juillet 2011. Ses parents sont décédés. Entre-temps elle a eu une fille qui est née en France en 2010 puis a divorcé courant 2013, son mari étant retourné en Géorgie. Les pièces qu'elle fournit justifient qu'elle s'est maintenue sur le territoire national, où elle élève seule son fils qui y a suivi toute sa scolarité et sa fille, née et scolarisée en France. Elle justifie enfin être titulaire d'un bail d'habitation à son nom depuis le 2 novembre 2018. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée de présence de l'intéressée et à la scolarisation de son fils au lycée et de sa fille en deuxième année de classe élémentaire, à la date de la décision attaquée, la requérante est fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ".
6. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et dans l'attente, d'une " autorisation provisoire de séjour " l'autorisant à travailler, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme D... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1903684 du 19 mars 2020 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 8 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués, et dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
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N° 20MA01820
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