2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2015 par lequel le maire d'Antibes a délivré à la SCI La Maison des Pêcheurs un permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est motivée ;
- le projet aurait dû être soumis à un avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) au titre du site classé fixé par l'arrêté du 30 octobre 1958 ;
- à défaut, il est excipé de l'illégalité de l'arrêté du 30 octobre 1958 de classement en site classé ;
- le projet méconnait la loi littoral et notamment l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme et le schéma de cohérence territoriale (SCOT) ;
- l'autorisation accordée méconnait le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques et est entachée de détournement de pouvoir ;
- l'autorisation méconnait l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnait l'article UD 9 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- elle reprend ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, la SCI La Maison des Pêcheurs, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Princesse Stéphanie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel, qui se borne à reprendre les moyens de première instance, n'est pas motivée ;
- la société requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisant sur le fondement de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- la demande de première instance est tardive ;
- il n'y a plus lieu de statuer, les travaux autorisés ayant été entièrement exécutés ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 16 avril 2018, la commune d'Antibes, représentée par Me E..., de la SELARL Plenot Suarès, Blanco, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance est irrecevable sur le fondement de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 27 juin 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 30 octobre 1958 qui est un acte non règlementaire devenu définitif.
Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été présentées par la SCI Princesse Stéphanie le 28 juin 2019 et par la commune d'Antibes le 30 juillet 2019.
Une ordonnance de clôture d'instruction est intervenue le 30 juillet 2019.
Les mémoires présentés par la SCI Maison des Pêcheurs le 6 août 2019 et par la SCI Princesse Stéphanie le 26 août 2019, après clôture de l'instruction, n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la SCI Princesse Stéphanie et de Me A... de la SELARL Plenot Suarès, Blanco pour la commune d'Antibes.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire d'Antibes a, par arrêté du 30 octobre 2015, accordé à la SCI La Maison des Pêcheurs un permis de construire valant permis de démolir en vue de l'extension d'un hôtel, de la surélévation d'un étage de la partie restauration avec démolition de la salle de restaurant existante et de la pergola, du déplacement du restaurant gastronomique et de la création de huit places de stationnement, sur un terrain situé 10 boulevard du Maréchal Juin. La SCI Princesse Stéphanie interjette appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le non-lieu à statuer :
2. La circonstance que les travaux autorisés par l'arrêté attaqué ont été entièrement réalisés n'entraîne pas de non-lieu à statuer sur les conclusions de la SCI Princesse Stéphanie.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'avis et de consultation au titre des sites classés de l'arrêté du 30 octobre 1958 :
3. Aux termes de l'article R*425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement ". Et selon l'article L. 341-2 code de l'environnement : " Les monuments naturels et les sites inscrits ou non sur la liste dressée par la commission départementale peuvent être classés dans les conditions et selon les distinctions établies par la présente section ". L'arrêté du 30 octobre 1958 pris en application de la loi du 2 mai 1930, aujourd'hui reprise aux articles précités du code de l'environnement dispose que : " Est classé parmi les sites pittoresques du département des Alpes-Maritimes l'ensemble formé sur la commune d'Antibes par le domaine public maritime constituant la côte du Cap d'Antibes, depuis le carrefour du Boulevard du Cap et du Boulevard James Wyllie jusqu'à la fontaine du Pin. ".
4. En se référant explicitement au domaine public maritime, les auteurs de l'arrêté de classement précité ont nécessairement exclu les propriétés privées. En l'espèce, il ressort d'un courrier du 27 mai 2015 des services de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), qui a été consultée dans le cadre du projet attaqué, que les travaux projetés sont situés en-dehors du domaine public maritime sur des parcelles privées. Si la société requérante soutient que le terrain en litige serait né des lais et relais de la mer formés postérieurement à l'arrêté de classement et aurait ainsi été incorporé au domaine public par l'effet de la loi du 28 novembre 1963, elle ne l'établit pas. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le projet n'était pas soumis à consultation au titre du classement opéré par l'arrêté du 30 octobre 1958 précité.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du classement prévu par l'arrêté du 30 octobre 1958 :
5. L'arrêté du 30 octobre 1958 classant le domaine public maritime du cap d'Antibes en site classé n'a pour objet et pour effet que de rendre applicable au périmètre ainsi délimité le régime juridique défini par la loi du 2 mai 1930 sur le classement des monuments naturels et des sites, codifié désormais aux articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement, sans édicter lui-même aucune règle particulière, et ne présente donc pas de caractère réglementaire. Cet arrêté, publié au journal officiel le 21 avril 1960, est devenu définitif. Dans ces conditions, la SCI requérante n'est pas recevable à exciper de son illégalité.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la loi littoral et du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la communauté d'agglomération (CA) de Sophia Antipolis :
6. En premier lieu, si la SCI requérante soutient que le projet méconnait le SCOT de la CA de Sophia-Antipolis, les extraits qu'elle cite sont issus du rapport de présentation du PLU de la commune d'Antibes. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 146-4 III du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision attaquée : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée. ". S'il est constant que le projet se situe dans la bande dite des 100 mètres, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il se trouve dans une zone classée UD du plan local d'urbanisme, définie comme à " bâti individuel dominant ", sur laquelle sont édifiées de nombreuses constructions. Il est également enclavé entre le Port du Croûton et le Port Gallice. Dès lors, il doit être regardé comme un espace urbanisé au sens du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
8. En troisième et dernier lieu, selon l'article L. 146-4 II du code de l'urbanisme : " II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer ". Une opération qu'il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une " extension de l'urbanisation " au sens du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l'urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d'un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. En revanche la seule réalisation dans un quartier urbain d'un ou plusieurs bâtiments, qui est une simple opération de construction, ne peut être regardée comme constituant une extension de l'urbanisation au sens de la loi.
9. En l'espèce, le document d'orientations générales-plan de l'unité de voisinage Sud du SCOT de la communauté d'agglomération (CA) de Sophia Antipolis n'identifie pas le secteur comme un " espace paysager sensible ". En outre, la réalisation du projet décrit au point 1, qui consiste à surélever le bâti existant et à créer 243 m² de surface de plancher supplémentaire pour une surface de plancher existante de 2 182 m², dans un secteur déjà urbanisé ainsi qu'il a été dit au point 7, ne saurait être regardée comme une extension de l'urbanisation. A cet égard, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'il convient de tenir compte de la construction préexistante, l'opération n'ayant pas été réalisée dans le cadre de la délivrance de permis de construire successifs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 146-4 II du code de l'urbanisme doit également être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été accordé en contreparties de servitudes et d'une cession de parcelle illégales, révélant l'existence d'un détournement de pouvoir et d'une rupture d'égalité devant les charges publiques :
10. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de permis de construire aurait prévu la cession gratuite d'une parcelle à la commune. Egalement, s'agissant de la servitude de passage prévue par le projet, la société ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, qui ne concerne pas de telles servitudes, mais les participations à la réalisation d'équipements publics exigibles à l'occasion de la délivrance d'autorisations de construire. Enfin, la société n'invoque aucune règle d'urbanisme ni aucun principe de droit qui aurait été méconnu par l'institution de cette servitude.
11. D'autre part, les circonstances que le projet prévoit la réalisation d'une servitude de passage sur une partie de l'emplacement du jardin d'agrément privé répertorié " Port de Croûton " n° 177 et que le permis mentionne que " la réalisation d'une servitude de passage est rendue nécessaire pour l'intérêt général, en ce qu'il représente l'accès au parking public, à la plage publique, ainsi que le désenclavement de la digue du port du Crouton " ne sont pas, à elles seules, de nature à révéler que le permis aurait été délivré uniquement en contrepartie de l'institution de cette servitude, et serait par suite entaché d'un détournement de pouvoir ou d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD 9 du règlement du plan local d'urbanisme :
12. Aux termes de l'article UD 9 du règlement du plan local d'urbanisme : " L'emprise au sol des bâtiments ne doit pas excéder (...) Udf (...) 15 % de la surface du terrain, et pour les constructions destinées à l'hébergement hôtelier, cette emprise est majorée de 30 % "
13. En se bornant à soutenir que le projet d'extension méconnaît l'emprise maximale autorisée par les dispositions de l'article UD 9 précité et aggrave la non-conformité existante, en autorisant un projet d'une emprise de 31 %, supérieure aux 19 % autorisés dans le cadre d'un hôtel, alors que l'emprise a déjà été augmentée de 12 %, sans apporter le moindre élément de calcul pris en compte pour le respect de ces dispositions, la société n'apporte pas de précisions suffisantes pour apprécier le bien-fondé de son moyen qui ne peut, par suite, qu'être écarté.
En ce qui concerne la reprise des moyens de première instance :
14. La SCI requérante déclare reprendre en appel ses moyens de première instance, sans exposer ces moyens devant la cour, ni joindre une copie de sa demande de première instance. Ce faisant, elle ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal administratif aurait pu commettre en écartant ces moyens.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel et de la demande de première instance, la SCI Princesse Stéphanie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI Princesse Stéphanie dirigées contre la commune d'Antibes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Princesse Stéphanie la somme de 1 500 euros, à verser à la SCI La Maison des Pêcheurs et de 1 500 euros à verser à la commune d'Antibes en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Princesse Stéphanie est rejetée.
Article 2 : La SCI Princesse Stéphanie versera à la SCI La Maison des Pêcheurs et à la commune d'Antibes une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Princesse Stéphanie, à la SCI La Maison des Pêcheurs et à la commune d'Antibes.
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 septembre 2019.
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N° 17MA03477
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