Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2017 et des mémoires complémentaires enregistrés les 16 novembre 2018 et 11 février 2019, la SNC Promoden, représentée par la société d'avocats Plénot-Suarès-Blanco-L..., agissant par Me L... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de mettre à la charge des intimés une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- par arrêté du 26 janvier 2012, le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Var a délivré à la SNC Promoden, au nom de l'Etat, un permis de construire sur un terrain sis 972 route des Pugets, cadastré section BH n° 31,37,348,350,352,365, 366, 368 et 370, pour un bâtiment à usage d'activités, de commerce et de stockage pour une surface totale de plancher de 4 352 m² ;
- un permis de construire de régularisation pour des travaux complémentaires lui a été délivré le 1er juillet 2015, mais a été annulé par le tribunal administratif de Nice le 28 septembre 2017 ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il retient l'intérêt à agir des demandeurs de première instance ;
- les demandeurs ne caractérisent pas les nuisances que leur causerait en propre le projet modificatif censuré ; la perte de vue et d'ensoleillement, les nuisances liées aux miroirs réalisés, aux enseignes lumineuses et au bruit des commerces sont indissociables du projet autorisé en 2012 ;
- le permis de construire en litige était effectivement un permis de construire modificatif ;
Par des mémoires enregistrés le 23 mai 2018 et 18 janvier 2019, M. A... G..., Mme J... G..., M. F... K..., Mme B... E..., M. D... C... et Mme I... C..., représentés par Me M..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SNC Promoden de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable faute pour la SNC Promoden de justifier avoir notifié son recours en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- le permis de construire en litige méconnaît la règlementation en matière de sécurité ;
- les surfaces commerciales ont été agrandies sans consultation de la commission départementale d'urbanisme commercial car la surface de commerces passe de 803 m² dans le permis de construire initial à 1 200 m² dans le permis de construire modificatif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H...,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public,
- et les observations de Me L... représentant la SNC Promoden, et celles de Me M... représentant M. A... G..., Mme J... G..., M. F... K..., Mme B... E..., M. D... C... et Mme I... C....
Une note en délibéré produite pour la SNC Promoden a été enregistrée le 14 novembre2019.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Var a délivré le 26 janvier 2012, au nom de l'Etat, un permis de construire à la SNC Promoden pour la création d'un bâtiment d'activités de commerce et de stockage sur un terrain situé 972 route des Pugets, sur le territoire de la commune. Ce permis de construire est devenu définitif. Le préfet des Alpes-Maritimes a délivré le 1er juillet 2015 au nom de l'Etat, un permis de construire modificatif à la SNC Promoden en vue de la modification des façades et des surfaces de plancher ainsi que de la suppression du sous-sol. M. A... G..., Mme J... G..., M. F... K..., Mme B... E..., M. D... C... et Mme I... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler ce permis de construire modificatif. Par un jugement du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision. La SNC Promoden relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que c'est après avoir requalifié le permis de construire modificatif en litige en nouveau permis de construire que le tribunal administratif de Nice s'est prononcé sur l'intérêt à agir des demandeurs de première instance. Il a ainsi répondu de manière motivée à la fin de non-recevoir tirée de ce que les demandeurs ne justifieraient pas d'un intérêt pour demander l'annulation d'un permis de construire qui se bornerait à modifier un permis de construire devenu définitif.
Sur la nature du permis de construire :
3. D'une part, le permis de construire qualifié par le préfet des Alpes-Maritimes de modificatif autorise une augmentation de la surface affectée au commerce de 803 m² à 1200 m². D'autre part, la décision en litige supprime le sous-sol du bâtiment précédemment affecté au stationnement et prévoit la création de quatre-vingt-dix-sept places de stationnement de voitures en surface. Enfin, sa mise en oeuvre nécessite la réalisation d'importants murs de soutènement du fait des modifications d'accès au bâtiment autorisé. Ces modifications, de par leur nature et leur ampleur, remettent en cause la conception générale du projet. Dès lors, elles n'entrent pas dans le champ du permis de construire modificatif et nécessitaient la délivrance d'un nouveau permis de construire.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la demande devant le tribunal administratif de Nice : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
5. Le projet objet du permis de construire en litige porte sur un établissement à destination de commerce de 5 090 m², sur lequel les villas des demandeurs de première instance ont une vue directe, ainsi qu'il ressort du constat d'huissier joint au dossier. La construction autorisée, qui les prive ainsi d'une vue sur la vallée du Var, est de nature à affecter directement les conditions de jouissance de leur bien. Ils sont ainsi recevables à former un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire en litige en application des dispositions précitées de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
Sur la légalité du permis de construire délivré le 1er juillet 2015 :
6. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, le projet de la SNC Promoden nécessitait la délivrance d'un nouveau permis de construire. Toutefois, cette seule circonstance est en elle-même sans influence sur la légalité de l'arrêté. La requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a jugé que l'arrêté en litige était illégal pour ce motif.
8. En deuxième lieu, l'article 10 UZ du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Laurent-du-Var dispose : " 10.1 Conditions de mesure des constructions : Les hauteurs des constructions sont mesurées à partir du terrain naturel ou excavé jusqu'à l'égout de toiture, qu'elle soit à pan ou en terrasse... 10.4 Hauteur maximale admise des constructions : Dans les secteurs UzA et Uzb : 9 mètres ". Il ressort des pièces du dossier que la hauteur du bâtiment à l'égout du toit situé à la cote 35,40 en façade nord est inférieure à 9 mètres à l'aplomb du terrain naturel, lequel, d'un niveau inférieur à celui du terrain excavé, doit être pris comme référence. La partie du bâtiment située à la cote 38,81 correspond en revanche au faîtage du pan de toiture dont l'égout est situé à la cote 30,81, à une hauteur également inférieure à 9 mètres par rapport au terrain naturel et au terrain excavé. La SNC Promoden est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le permis de construire délivré méconnaît les dispositions de l'article 10 UZ.
9. En troisième lieu, et en revanche, l'article 7 UZ du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Laurent-du-Var dispose : " Les constructions doivent s'implanter en ordre discontinu de telle manière que la distance comptée horizontalement de tout point d'une construction au point le plus proche de la limite séparative soit au moins égale à 5 m ".
10. Il ressort des pièces du dossier que les murs de soutènements que prévoit le permis de construire, qui ont le caractère d'une construction, ne sont pas enterrés, et ne sont pas dissociables de l'ensemble du projet, notamment eu égard au stationnement en surface des véhicules, ne respectent pas la distance minimale de 5 mètres par rapport aux limites séparatives. Le permis de construire en litige méconnait ainsi les dispositions de l'article 7 UZ précité.
11. Il résulte de ce qui précède que la SNC Promoden n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé le permis de construire délivré le 1er juillet 2015.
Sur les frais liés au litige
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Promoden la somme de 2 000 euros à verser à M. A... G..., Mme J... G..., M. F... K..., Mme B... E..., M. D... C... et Mme I... C.... En revanche, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SNC Promoden fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SNC Promoden est rejetée.
Article 2 : La SNC Promoden versera à M. A... G..., Mme J... G..., M. F... K..., Mme B... E..., M. D... C... et Mme I... C..., pris ensemble, la somme de 2 000 euros en application l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Promoden, à M. A... G..., à Mme J... G..., à M. F... K..., à Mme B... E..., à M. D... C..., à Mme I... C... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Laurent-du-Var et au préfet des Alpes-Maritimes.
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N° 17MA04625
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