Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête enregistrée le 16 mai 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 18MA02317, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen par le préfet de l'existence éventuelle de circonstances humanitaires pouvant faire obstacle à l'édiction d'une décision d'interdiction de retour ;
- compte tenu de la durée de sa présence en France, la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devait être saisie ;
- la décision attaquée porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement, compte tenu de son état de santé ;
- l'obligation de quitter le territoire français est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation, en raison de son état de santé ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018 le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
II°) Par une requête, enregistrée le 16 mai 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 18MA02316, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 décembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'État due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables pour lui ;
- il reprend les moyens invoqués dans l'affaire enregistrée sous le n° 18MA02317.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 26 mars 2018
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 20 mars 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 30 septembre 2016 M. A..., ressortissant marocain, sur le fondement de sa vie privée et familiale et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par une requête enregistrée sous le n°18MA02317 M. A... interjette appel du jugement du 8 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n°18MA02316 il demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement ;
Sur la jonction :
2. Les affaires enregistrées sous les no 18MA02316 et 18MA02317 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions en annulation :
3. Il ressort des pièces du dossier que de 1987 à 2000 M. A... a passé chaque année plusieurs mois en France pour y travailler en qualité de salarié saisonnier agricole. Puis il s'est maintenu sur le territoire national et produit des bulletins de salaire pour une activité d'ouvrier de 2001 à 2012, qui couvrent des périodes supérieures à 6 mois par an, à l'exception de l'année 2005, où il ne démontre avoir travaillé que 23 jours, et des années 2011 et 2012 où il justifie respectivement de 3 mois et demi et 5 mois et demi d'activité. Sa présence sur le territoire national de 2001 à 2012 est en outre corroborée par diverses autres pièces au dossier. A compter de 2012, le requérant produit pour chaque année, notamment, des courriers émanant d'organismes privés, une " déclaration de recette " émanant de comptable public du centre des finances publiques de Cavaillon, des relevés d'opérations financières ainsi que la copie intégrale de ses passeports vierges pour les périodes courant du 10 mai 2010 au 10 mai 2015 puis du 27 mai 2015 au 27 mai 2020. Eu égard à leur nature et à leur nombre, ces pièces démontrent que l'intéressé était aussi présent en France de 2012 et jusqu'à la date des décisions contestées. Agé de 67 ans à la date des décisions en litige, et désormais à la retraite, M. A... est ainsi présent en France depuis presque trente ans. Par suite, et alors même que son épouse et ses enfants demeurent au Maroc, euégard notamment à la durée de sa présence en France et au fait qu'il y a travaillé sur des périodes allant parfois jusqu'à onze mois par an pendant presque 25 ans, le requérant est fondé à soutenir qu'en édictant à son encontre les décisions contestées, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur l'ensemble des moyens de la requête, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une interdiction de retour de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un tel titre de séjour à M. A... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
7. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1705730 du 8 décembre 2017, les conclusions de la requête n° 18MA02316 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 décembre 2017 et les décisions du 20 mars 2017 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et interdiction de retour pour deux ans sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me C..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête 18MA02316.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me C.au Maroc, eu
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
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N° 18MA02316 - 18MA02317