Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire enregistrés au greffe de la cour d'appel de Marseille respectivement le 13 mai 2013, le 10 septembre 2013 et le 21 juillet 2015, Mme A..., représentée par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2013 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 1er septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Six-Fours-les-Plages a délivré un permis de construire à M et Mme F... ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit dans l'appréciation de la compétence du signataire de l'acte attaqué dès lors que la commune ne justifie pas de l'inscription de la publication de l'arrêté de délégation au registre chronologique des arrêtés du maire institué par l'article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales ;
- le tribunal a commis une erreur de droit dans l'appréciation de l'application de l'article R. 141-2 du code de la voierie routière en estimant que la construction projetée ne saurait être considérée comme un ouvrage d'art au sens de ces dispositions ; le tribunal aurait dû faire application de ces dispositions qui garantissent l'affectation à la circulation routière de la voie publique surplombée par tout ouvrage et ne sauraient dès lors autoriser une construction privée ne respectant pas un tirant d'air d'une largeur d'au moins 4,30 mètres ;
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur de droit dans l'appréciation de la portée de la délibération du 27 avril 2011 autorisant l'occupation temporaire du domaine public ; cette délibération est illégale en ce qu'elle ne prévoit ni de durée, ni les conditions de son renouvellement ; qu'elle ne constitue pas un titre approprié au sens de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ; qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 2121-1 du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique dès lors que la réalisation du projet litigieux fera obstacle à la libre circulation de la voie pour certaines catégories de véhicules ;
- les pétitionnaires ne disposent pas d'un titre approprié d'occupation du domaine public au sens des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, une procédure de déclassement de la voie publique aurait été nécessaire préalablement à la délivrance du permis de construire ;
- l'arrêté attaqué est entaché par voie d'exception de l'illégalité des dispositions de l'article UI-6 du plan d'occupation des sols de la commune en ce qu'il autorise l'enjambement d'une voie publique par un ouvrage privé, en violation des dispositions des articles L. 2121-1, L. 2123-1 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 141-2 du code de la voierie routière ; que cet arrêté est contraire pour le même motif à la réglementation nationale d'urbanisme, la dite règlementation ne comportant aucune disposition d'effet équivalent à celle de l'article UI-6 ; que la déclaration d'illégalité de l'article UI-6 n'entraîne pas l'illégalité de la totalité du plan d'occupation des sols mais seulement l'obligation pour la commune de neutraliser volontairement la mise en oeuvre de cette disposition ;
- les dernières écritures produites par M. et Mme F... à l'appui d'une note en délibéré, postérieures à la clôture d'instruction, doivent être écartées du débat dès lors qu'elles contiennent des circonstances de fait et une argumentation juridique qui auraient pu être invoquées avant la clôture de l'instruction ;
- l'intégration parmi les voies communales de la rue de la maternelle, en partie surplombée par la construction litigieuse, et donc sa domanialité publique ne souffre d'aucune contestation dès lors, qu'étant affectée à la circulation générale et située dans une partie urbanisée de la commune, elle appartient bien au domaine public communal, tel que cela ressort de la succession des extraits cadastraux produits ; que la circonstance qu'un procès-verbal de bornage ait été signé par le maire en 2010 est sans incidence sur le présent litige dans la mesure où ce document révèle seulement la limite de la propriété publique mais en aucun cas de sa domanialité et que seule la mise en place d'une procédure d'alignement de l'article L. 112-1 du code de la voierie routière permet de déterminer et de rendre opposable la limite du domaine public routier des propriétés riveraines.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2014, la commune de Six-Fours-les-Plages, représentée par son maire en exercice, par Me Perez, avocat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 mai, 10 juin, 12 juin et 22 juin 2015, M. et Mme F... , représentés par Me Guilbert, avocat, concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire si par extraordinaire la cour de céans juge illégal le permis de construire querellé d'annuler partiellement le permis de construire délivré le 1er septembre 2011 uniquement s'agissant de la partie d'ouvrage construite en surplomb de la voierie communale, à la condamnation de Mme A... à leur payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils font valoir que :
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;
- leur projet de construction a été bloqué pendant deux ans provoquant un préjudice moral dont il est demandé réparation ;
- le projet autorisé en surplomb de la voie publique ne nécessite pas de déclassement préalable de la voie publique communale, au même titre que les balcons en saillie sur la voie publique et bénéficie d'une autorisation de surplomb de voirie par délibération du conseil municipal devenue définitive ;
- après recherches effectuées auprès des services de la commune, il apparaît que la portion de parcelle surplombée par la construction litigieuse n'appartient pas au domaine public communal dès lors qu'aucun plan d'alignement ou plan annexé à une délibération portant classement de la rue de la maternelle des Playes aurait été produit au débat, qu'un acte du 5 décembre 1957 établit que les terrains anciennement cadastrés section E n° 298 et 299, actuellement n° CX 108 et 110, terrain d'assiette de la construction en litige, est en réalité desservis par une voie privée, et qu'en 2010 la commune a participé à un procès-verbal de bornage de la voie, ce qui nécessairement établit la domanialité privée.
Vu la décision en date du 1er septembre 2015 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de Mme Muriel Josset, présidente-assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. d'Hervé, président de la 1ère Chambre.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voierie routière ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 1er décembre 2015.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Féménia, première conseillère,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me D... représentant Mme A..., de Me B... substituant Me Perez représentant la commune de Six-Fours-les-Plages, et de Me Guilbert représentant Mme F....
1. Considérant que par arrêté du 1er septembre 2011, le maire de la commune de Six-Fours-les-Plages a délivré à M et Mme F... un permis de construire pour la construction d'une maison de village d'une surface hors oeuvre nette de 233 m² sur des parcelles cadastrées CX 108 et CX 110 dans le hameau des Playes ; que Mme A... interjette appel du jugement en date du 14 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2011 :
2. Considérant que Mme A... soutient en appel que les pétitionnaires ne disposent pas d'un titre approprié d'occupation du domaine public au sens des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme pour construire en surplomb de la rue de la maternelle qui constitue une voie publique ;
3. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière, dont les dispositions sont issues de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales. " ; qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 susvisée : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : 1°) les voies urbaines (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, sans que soit nécessaire l'intervention de décisions expresses de classement, font partie de la voirie urbaine et appartiennent au domaine public communal, les voies, propriétés de la commune, situées dans une agglomération qui étaient, antérieurement à l'intervention de l'ordonnance du 7 janvier 1959, affectées à l'usage du public ; qu'elles continuent d'appartenir au domaine public communal tant qu'une décision portant désaffectation n'est pas intervenue ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que la voie du hameau des Playes dénommée " rue de la maternelle " et anciennement désignée " la rue de quartier " dans les actes notariés versés au dossier, située en agglomération et desservant au moins deux parcelles, a été, dans le passé, antérieurement à l'intervention de l'ordonnance du 7 janvier 1959 précitée, et alors même qu'elle constitue une impasse, ouverte à la circulation générale du public ; qu'au demeurant, la commune elle-même a considéré qu'il s'agissait d'une voie appartenant au domaine public communal dès lors qu'elle a institué une redevance au titre de l'occupation du domaine public par la construction en litige située en partie en surplomb de cette voie ; que, dès lors, et nonobstant la circonstance que la commune ait participé à la réalisation d'un bornage amiable en 2010 concernant les propriétés du hameau, la voie dénommée " rue de la maternelle " appartient au domaine public de la commune de Six-Fours-les-Plages ;
5. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-1 du même code : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-1 du même code : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. " ; qu'aux termes de l'article L. 2123-1 du même code : " Les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 gèrent ou font gérer leur domaine public, dans les conditions fixées par les lois et les règlements en vigueur " ; qu'aux termes de l'article L2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. " ; que l'article L. 2122-2 de ce code dispose : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire " ; que l'article L. 2141-1 dispose : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement." ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction en litige enjambe la voie publique communale " rue de la maternelle " ; que compte tenu de l'emprise définitive sur le domaine public que constitue l'habitation ainsi projetée par M. et Mme F..., cette construction ne pouvait pas faire l'objet d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public prévue par l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme et telle que délivrée par la délibération du conseil municipal en date du 27 avril 2011 ; que les intimés ne peuvent utilement se prévaloir de l'article UI-6 du plan d'occupation des sols de la commune qui prévoit d'admettre les constructions en surplomb de la voie publique communale, avec l'accord de la commune, dès lors que les dispositions en cause ne peuvent légalement prévoir une occupation définitive du domaine public sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, dès lors, en application des dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques, aucune autorisation d'édifier un bâtiment en surplomb de la voie publique ne pouvait être accordée sans qu'il ait été préalablement procédé au déclassement de cette portion du domaine public communal ; qu'aucune procédure de déclassement ni aucune délibération du conseil municipal de Six-Fours-Les-Plages donnant son accord à une telle procédure n'est intervenue ; que, par suite, Mme A... est fondée à soutenir que l'arrêté du 1er septembre 2011 par lequel le maire de Six-Fours-Les-Plages a délivré à M. et Mme F... un permis de construire est entaché d'illégalité ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. " ; qu'en l'état du dossier soumis à la cour aucun autre moyen soulevé par Mme A... à l'appui de ses conclusions n'est susceptible d'entraîner l'annulation dudit arrêté ;
8. Considérant enfin qu'au regard des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que les vices affectant le projet de construction puissent être régularisés par un permis de construire modificatif, compte tenu de ce qu'ils affectent l'ensemble du bâtiment ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; qu'il y a donc lieu d'annuler ce jugement et l'arrêté en litige du 1er septembre 2011 ;
Sur les conclusions indemnitaires de M. et Mme F... :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel (...) " ;
11. Considérant que l'action de Mme A... contre le permis de construire du 1er septembre 2011, dont elle obtient l'annulation, n'excède pas la défense des intérêts légitimes de la requérante ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire soit condamnée à verser aux époux F...et à la commune de Six-Fours-les-Plages quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mars 2013 et l'arrêté du 1er septembre 2011 du maire de Six-Fours-les-Plages sont annulés.
Article 2 : La commune de Six-Fours-les-Plages versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme F... sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Six-Fours-les-Plages et de M. et Mme F... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à M. et Mme E... et Nadège Wicky-Demaria et la commune de Six-Fours- les-Plages.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
- Mme Josset, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Féménia, première conseillère,
- M. Gonneau, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.
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N° 13MA01857