Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 avril 2017 M. B... D..., représenté par la SELAS LLC et associés, agissant par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 16 février 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance est recevable, car enregistrée dans le délai de recours contentieux ;
- il bénéficie d'un permis de construire tacite et la décision de refus attaqué doit donc être regardée comme un retrait du permis tacite obtenu, qui a été prise sans procédure contradictoire, en méconnaissance de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;
-il bénéficiait de deux certificats d'urbanisme qui ont cristallisé les dispositions d'urbanisme qui lui étaient applicables et le maire ne pouvait donc lui opposer de nouvelles dispositions d'urbanisme ; et la décision de non-opposition à déclaration préalable qu'il a obtenue le 20 décembre 2013 cristallisait les dispositions d'urbanisme qui lui étaient applicables en application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2018, la commune de Mandelieu-La-Napoule, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la demande de première instance est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
La présidente de la Cour a désigné M. E... Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gougot,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me G... de la SELAS LLC et associés, représentant M.D..., et de Me F..., de la SELARL Plénot-Suares-Blanco, représentant la commune de Mandelieu-la-Napoule.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 septembre 2012 en application de l'article L. 401-1 b) du code de l'urbanisme, le maire de la commune de Mandelieu-la-Napoule a délivré à M. C... un certificat d'urbanisme opérationnel indiquant comme réalisable l'opération consistant dans la construction de deux villas avec piscine et un garage sur un terrain situé lieudit " Gavelier " et cadastré AH 36 et 37 de 3 623 m². Puis le 20 décembre 2013 il ne s'est pas opposé à la déclaration de division du terrain en trois lots , A, B et C d'une superficie respective de 1 058 m², 2 323 m² et 242 m². Après avoir vendu le lot B à M. D..., M. C... a obtenu le 14 avril 2014 un permis de construire pour la construction d'une villa avec piscine sur le lot A. C'est dans ce contexte que le maire de la commune de Mandelieu-la-Napoule a, par arrêté du 20 mai 2014 refusé d'accorder à M. D... un permis de construire aux fins d'édification de cinq logements répartis sur deux bâtiments et de deux piscines sur le lot B. Celui-ci interjette appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme irrecevable pour tardiveté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative alors en vigueur: " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Et selon l'article R. 424-10 du même code : " La décision accordant ou refusant le permis [...] est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal... ". Et aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré... ". La preuve de la notification régulière d'une décision, qui incombe à l'administration, peut en l'absence d'accusé de réception résulter, soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance conformément à la réglementation postale d'un avis d'instance prévenant le destinataire que le pli est à sa disposition au bureau de poste.
3. En l'espèce, pour démontrer la notification régulière de la décision de refus en litige, la commune de Mandelieu-la-Napoule se prévaut d'une copie de la preuve de dépôt tamponnée du 20 mai 2014 libellée à l'adresse de M. D..., d'un courrier des services postaux du 1er août 2014 selon lequel le courrier adressé le 20 mai 2014 à M. D... avait été égaré mais qui précise qu'au vu de l'historique informatique, un avis de passage a été remis dans la boîte aux lettres de M. D... le 21 mai 2014, et joint une copie de cet historique qui mentionne à la date du 21 mai 2014 : " avisé site externe à Mandelieu ". Toutefois M. D... de son côté se prévaut d'une attestation du service des postes du 20 septembre 2014 selon laquelle la lettre recommandée a été perdue et l'intéressé n'a reçu aucune preuve de distribution, ni avis de passage. Si par courrier du 12 février 2015 les services postaux ont indiqué que l'attestation délivrée à Mr D...par l'intermédiaire d'un collaborateur selon laquelle M. D... n'avait pas reçu d'avis de passage aurait été faite à tort alors que le journal informatique fait état d'un avis de passage, aucune copie de cet avis de passage n'est toutefois produite. Par ailleurs l'attestation du directeur du service de l'urbanisme dont se prévaut la commune de Mandelieu-la-Napoule ne revêt pas de caractère suffisamment probant. Dans ces conditions, en l'absence de mentions précises, claires et concordantes des pièces de l'administration postale, la commune de Mandelieu-la-Napoule ne peut être regardée comme ayant régulièrement notifié la décision de refus attaquée. Le délai de recours contentieux n'ayant dans ces conditions pas été déclenché, c'est par suite à tort que le tribunal a estimé que la demande de première instance était irrecevable car tardive.
4. Le requérant est donc fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur les conclusions en annulation du refus de permis de construire :
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. En premier lieu, la commune de Mandelieu-la-Napoule ne peut utilement soutenir que la demande de première instance serait irrecevable à défaut d'accomplissement des formalités de notification de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, cette disposition n'étant pas applicable aux recours dirigés contre les décisions de refus de permis de construire.
6. En second lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3, M. D... ne peut se voir opposer l'irrecevabilité de sa demande de première instance pour tardiveté, à défaut de justification de la notification régulière du refus de permis de construire.
Sur la légalité du refus de permis de construire :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de :/ [...] b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ;/ c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Et selon l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois lorsque le projet [...] est situé dans un secteur sauvegardé. ". L'article R. 424-1 du même code dispose aussi que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas :/ [...] b) Permis de construire [...] tacite. ". Enfin l'article R. 424-10 du même code précise que : " La décision [...] refusant le permis [...] est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal... ". En l'espèce, ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3, la commune de Mandelieu-la-Napoule ne justifie pas avoir notifié régulièrement de décision de refus à M. D..., dans le délai de quatre mois suivant le dépôt de sa demande de permis de construire, sur un terrain situé en site inscrit. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que le refus de permis de construire qui lui a été opposé doit être regardé comme une décision de retrait du permis tacite qu'il a obtenu, qui a été prise en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en vertu de laquelle les décisions de retrait d'une décision créatrice de droit n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
8. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. En l'espèce, il est constant que l'arrêté attaqué n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, M. D... n'ayant pas été mis en mesure de présenter ses observations sur le retrait du permis tacite qu'il avait obtenu. Ce faisant, M. D... a effectivement été privé d'une garantie. L'irrégularité de la procédure entache par suite d'illégalité l'arrêté attaqué.
9. En deuxième lieu, l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ;/ b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus./ Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ". Si la règle énoncée à l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme confère à la personne à laquelle un certificat d'urbanisme a été délivré le droit de voir sa demande de permis de construire, examinée au regard des dispositions d'urbanisme mentionnées dans ledit certificat, en revanche, l'administration ne peut utilement invoquer le fait que le projet présenté par M. D... dans sa demande de permis de construire serait différent de celui objet du certificat opérationnel du 17 septembre 2012 précité, sans se fonder sur le fait que son projet méconnaitrait les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords.
10. En troisième et dernier lieu, le maire de la commune de Mandelieu-la-Napoule ne pouvait davantage, pour refuser le permis en litige se fonder sur la délivrance d'un permis de construire accordé à M. C... le 14 avril 2014, une telle circonstance ne constituant pas, à elle seule, un motif d'illégalité du projet de M. D....
11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de la décision contestée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté de refus de permis de construire du 20 mai 2014.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Mandelieu-la-Napoule dirigées contre M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule la somme de 2 000 euros, à verser à M. D... en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 février 2017 et l'arrêté de refus de permis de construire du 20 mai 2014 sont annulés.
Article 2 : La commune de Mandelieu-la-Napoule versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à la commune de Mandelieu-la-Napoule.
Copie en sera adressée au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, où siégeaient :
- M. Portail, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Gougot, premier conseiller,
- M. Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
N° 17MA01650 2