Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2018, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision de remise méconnait les articles 4 et 5 du règlement UE n° 604/2013 ;
- elle est insuffisamment motivée en application de l'article 18.1 b) du règlement n° 604/2013 UE ;
- elle méconnait l'article 18.1 b) du règlement UE n° 604/2013 et est privée de base légale ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en remet à son mémoire en défense de première instance.
La présidente de la Cour a désigné M. C... Portail, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 6 mars 2018, le préfet de l'Hérault a ordonné la remise aux autorités allemandes de Mme E..., ressortissante biélorusse, responsables selon lui de la demande d'asile. Mme E... interjette appel du jugement du 4 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges qui n'appellent pas de précision en appel.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. /4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Aucune disposition ne prévoit l'indication obligatoire de la qualité et de l'identité de l'agent préfectoral recevant l'étranger en entretien individuel. En l'espèce, la seule circonstance que le procès-verbal ne comporte pas d'informations relatives à l'identité et la qualité de la personne ayant conduit l'entretien ne suffit pas à démontrer qu'il ne se serait pas déroulé dans des conditions conformes aux dispositions précitées, ni que la requérante aurait été privée d'une garantie alors que le moyen tiré du défaut de mention du nom est inopérant. Et le préfet justifie d'une convocation du 11 décembre 2017 qui mentionne l'existence d'un " entretien conduit par l'agent HK de la préfecture de Montpellier (34) réalisé en langue russe par le biais d'un interprète le 11 décembre 2017 " Il produit aussi à la procédure le résumé de cet entretien individuel. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 5 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 auraient été méconnues.
3. En troisième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
4. En l'espèce, l'arrêté attaqué vise le règlement UE 604/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et mentionne que le fichier Eurodac fait apparaître des empreintes identiques à celles relevées par les autorités néerlandaises le 11 juillet 2017 et par les autorités allemandes le 30 mars 2016. Ce faisant la décision attaquée comportait les éléments de droit et de fait permettant à l'intéressée de comprendre les raisons pour lesquelles l'Allemagne avait été identifié par le préfet de l'Hérault comme l'Etat-membre responsable de sa demande d'asile. Si la requérante soutient que la détermination de l'Etat-membre responsable serait erronée, notamment en application de l'article 13 du règlement UE du 26 juin 2013 précité qui constitue un des critère hiérarchisé de détermination de l'Etat-membre responsable énoncé au chapitre III du règlement du 26 juin 2013, pour les premières demandes de prise en charge, une telle critique qui concerne le bien-fondé des motifs demeure sans incidence sur la réalité de la motivation de la décision contestée, qui est une demande de reprise en charge.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : "Obligations de l'Etat-membre responsable : 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de:/ [...]b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; [...] / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat-membre ". Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a déposé une demande d'asile en Allemagne le 30 mars 2016. Si la requérante soutient qu'elle relève du d) de l'article 18 précité du règlement UE du 26 juin 2013 car sa demande d'asile aurait été rejetée par les autorités allemandes qui auraient émis à son encontre une mesure d'éloignement elle n'en justifie pas. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'article 18 b) du règlement UE du 26 juin 2013 pour décider son transfert vers l'Allemagne.
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Notification d'une décision de transfert : 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. " Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre le 1 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Toutefois en l'espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier que le 18 janvier 2018 l'Allemagne a accepté de reprendre en charge l'intéressé. Le moyen selon lequel la décision attaquée serait privée de base légale doit par suite également être écarté.
7. En sixième et dernier lieu, la circonstance que l'époux de Mme E..., également demandeur d'asile, serait susceptible d'être affecté en Allemagne dans un autre centre d'accueil pour demandeurs d'asile que la requérante n'est pas en elle-même de nature à établir que la décision attaquée a portée une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, où siégeaient :
- M. Portail, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Gougot, premier conseiller,
- M. Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
N° 18MA04012 2