Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août 2018 et le 25 septembre 2018, et un mémoire enregistré le 20 décembre 2018, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, M.C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande, dans un délai de deux mois, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A...en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen selon lequel le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être composé de trois médecins, à l'exclusion du médecin qui a établi le rapport ;
- le refus de séjour est entaché d'incompétence de son auteur ;
- il a été pris suite à un examen insuffisant de la situation personnelle de l'intéressé ;
- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII et ce faisant a entaché sa décision d'erreur de droit ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'avis du médecin de l'OFII qui ne mentionne pas la qualité de médecin de deux de ses signataires est irrégulier au regard de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cet avis est également irrégulier dès lors qu'il ne mentionne ni la durée prévisible du traitement ni les éléments de procédure ;
- la procédure est irrégulière, à défaut de pouvoir vérifier que le médecin qui a établi le rapport ne faisait pas partie du collège de médecins de l'OFII ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2018 le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gougot,
- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant, M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 9 novembre 2017, le préfet du Gard a rejeté la demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade que lui avait présenté le 2 mai 2017 M.C..., ressortissant arménien, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C...interjette appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nîmes a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'avait pas à répondre au moyen selon lequel le collège des médecins doit comprendre trois médecins instructeurs à l'exclusion de celui qui a établi le rapport, dès lors que ce moyen n'était pas invoqué par M. C...en première instance. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'omission à statuer sur ce point.
3. D'autre part, les motifs du jugement permettaient de comprendre les raisons pour lesquelles le tribunal a écarté le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, le refus de séjour est signé par M. François Lalanne, secrétaire général de la préfecture du Gard, bénéficiaire d'une délégation de signature qui lui a été consentie par arrêté du préfet du Gard le 3 novembre 2017, régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut, par suite, qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, les moyens tirés du défaut d'examen personnel suffisant de la situation de l'intéressé, de l'existence d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés, par adoption des motifs des premiers juges qui n'appellent pas de précision en appel.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...] La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé... ". L'article R. 313-22 du même code précise que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. [...] Il transmet son rapport médical au collège de médecins./ Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. [...] Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège... ". Enfin l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. [...] L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
7. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que la procédure à l'issue de laquelle l'admission au séjour lui a été refusée est irrégulière au motif qu'il n'a pas été mis en mesure de vérifier l'identité du médecin rapporteur.
8. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical que ce rapport sur l'état de santé de l'intéressé a été établi par un premier médecin le 26 juin 2017 et a été transmis pour être soumis au collège de médecins, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, qui ont émis un avis le 27 juillet 2017. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège.
9. Par ailleurs le fait que l'avis précité du 27 juillet 2017 ne mentionne pas la durée prévisible du traitement requis, en application du d) de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 demeure sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que l'avis du collège de médecins conclut que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie, la mention de la durée prévisible du traitement en France n'ayant d'utilité que lorsque le traitement nécessaire à l'état de santé du demandeur n'est pas disponible dans son pays d'origine.
10. Et le requérant ne peut utilement soutenir que l'avis du médecin de l'OFII, qui n'est pas une décision, serait irrégulier au motif qu'il ne mentionne pas la qualité de médecin de deux de ses signataires en application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui vise seulement les décisions administratives.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que par M. C...souffre de diabète déséquilibré associé à une polynévrite compliquée d'une coronaropathie, avec antécédents d'infarctus du myocarde, d'une insuffisance rénale modérée et qu'il présente un état dépressif sévère. Toutefois, s'il résulte de l'avis précité du 27 juillet 2017 que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cet avis précise aussi que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, eu égard à l'offre de soins caractéristiques du système de santé de ce pays. Le requérant, qui supporte la charge de démontrer que cet avis est entaché d'erreur d'appréciation, se borne à se prévaloir du fait qu'il a bénéficié de titres de séjour antérieurement en raison de son état de santé, mais ne produit aucune pièce afin de démontrer qu'à la date de la décision attaquée, il ne pouvait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie. Par suite, il ne démontre pas qu'en refusant de l'admettre au séjour compte tenu de son état de santé, le préfet du Gard a commis une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
12. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.
13. En deuxième lieu, le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11.
14. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté, par adoption des motifs des premiers juges qui n'appellent pas de précision en appel.
15. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
2
N° 18MA03771
fn