Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2018, MmeC..., représentée par la SCP B. Guillon, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 10 septembre 2018 en tant que sa demande tendant à ce que la mission confiée à l'expert porte sur la détermination des conditions dans lesquelles elle a été prise en charge par le centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis a été rejetée ;
2°) statuant en référé, de faire droit à l'entièreté de sa demande de première instance.
Elle soutient que le défaut d'information sur les risques encourus n'a pas été exploré ; que tant les hématomes qu'elle a présentés que la migration du dispositif de stérilisation dont elle a été victime interrogent sur les conditions de l'intervention ; qu'il est donc nécessaire que la question de l'origine du dommage soit établie de manière contradictoire et opposable tant vis-à-vis de l'ONIAM que du centre hospitalier.
Par deux mémoires, enregistrés les 5 et 15 octobre 2018, le centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis, représenté par MeE..., conclut au rejet de la demande d'expertise et, à titre subsidiaire, à ce que l'ordonnance soit confirmée.
Il soutient qu'une expertise a déjà été diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Provence-Alpes-Côte d'Azur, soit dans un cadre présentant les mêmes garanties de sérieux et d'indépendance qu'une juridiction ; que, s'agissant de la détermination des conditions dans lesquelles Mme C...a été prise en charge, sa demande n'aurait pu s'analyser que comme une demande de contre-expertise dépourvue de caractère d'utilité en tant que telle, mais le juge des référés ayant considéré que sa demande devait s'analyser comme ayant pour seul objet de compléter la première expertise s'agissant de l'évaluation de ses préjudices, du fait de l'écoulement d'un délai de deux ans et de la possible consolidation de son état dans l'intervalle, la présente demande d'expertise " étendue " est donc nouvelle en appel.
Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), représentée par Me de la Grange, ne s'oppose pas à l'expertise sollicitée mais demande qu'il lui soit donné acte de ses protestations et réserves.
Il soutient que le juge des référés a mésinterprété la requête de Mme C...qui avait bien sollicité une mesure d'expertise complète ; qu'une telle demande présente un caractère d'utilité dès lors qu'il n'a pas pu participer à l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation et faire valoir ses observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes, d'une part, du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Par l'ordonnance attaquée du 10 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, à la demande de MmeC..., désigné un collège d'experts aux seules fins d'évaluer le préjudice corporel qu'elle a subi, à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée au centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis le 16 janvier 2014. Mme C...fait appel de cette ordonnance en tant que la mission confiée aux experts ne porte pas sur la détermination des conditions dans lesquelles elle a été prise en charge par ce centre hospitalier.
3. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment du rapport de l'expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux s'il existe, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée (cf. CE, 4.10.2010, n° 332836).
4. Il ressort des termes de la demande présentée par Mme C...devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille que celle-ci visait notamment à apporter " tout éclairage : - sur l'indication opératoire / - l'information donnée à la patiente (...) / - le geste chirurgical ayant conduit à la formation de 3 hématomes très volumineux / - l'attentisme du centre hospitalier dans la prise en charge notamment de 2 volumineux hématomes (...) ". Par suite, le juge des référés s'est mépris sur la demande de la requérante en estimant qu'elle n'avait pour objet que de compléter l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Provence-Alpes-Côte d'Azur afin de fixer la date de consolidation de son état et d'évaluer le préjudice corporel qu'elle avait subi du fait de ces complications. La requérante est donc recevable à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle doit être regardée comme ayant rejeté une partie de ses conclusions.
5. Pour justifier l'utilité de cette nouvelle mesure d'expertise, la requérante fait valoir, d'une part, que l'information qui lui a été donnée sur les risques de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet n'a pas été explorée par les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, d'autre part, que, si les hématomes qu'elle a présentés sont constitutifs d'un aléa thérapeutique, l'absence de traitement actif de ces hématomes a pu être constitutif d'une carence du centre hospitalier et, surtout, que ce rapport ne s'est pas prononcé sur l'éventuelle migration des dispositifs de stérilisation qui lui ont été implantés. Si le rapport des experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation donne un avis utile, contrairement à ce que soutient la requérante, sur les deux premiers points, tel n'est pas le cas sur le troisième point. Par ailleurs, il est constant qu'alors que ce rapport conclut à la survenue d'un aléa médical de nature à justifier l'indemnisation de ses conséquences dommageables par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, celui-ci n'a pas participé à cette mission d'expertise et n'a pu ainsi faire valoir, de façon contradictoire, ses observations.
6. Il résulte de ce qui précède qu'une nouvelle mesure d'expertise portant également sur la détermination des conditions dans lesquelles Mme C...a été prise en charge par le centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis présente un caractère d'utilité, au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Par suite, Mme C...est fondée à demander la réformation de l'ordonnance attaquée, afin que la mission d'expertise confiée aux experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, qu'il n'y a pas lieu de dessaisir, soit modifiée.
O R D O N N E :
Article 1er : Le docteur Gilles D...et le docteur Jean-PierreA..., désignés en qualité de collège d'experts, auront pour mission de :
- procéder à l'examen médical de Mme B...C... ; se faire communiquer tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics, à la suite de son admission au centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis, le 16 janvier 2014 ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ;
- décrire l'état initial de Mme C...avant l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet ;
- donner son avis sur les traitements, interventions et soins prodigués au regard notamment des données acquises de la science ; donner, en particulier, son avis sur la pertinence du diagnostic, de l'indication chirurgicale et du choix du dispositif médical concernant le traitement de l'incontinence d'effort, sur le choix du dispositif médical concernant la stérilisation, sur le geste chirurgical pratiqué, sur les causes des hématomes dont elle a été victime, sur la pertinence des soins apportés à ces hématomes ainsi que sur la réalité d'une migration du dispositif implanté en vue d'une stérilisation, et, le cas échéant, sur ses causes et sur la pertinence des soins qui y ont été apportés ;
- préciser la forme et le contenu de l'information donnée à la patiente sur les risques encourus s'agissant des deux indications de l'intervention ;
- déterminer dans quelle mesure l'état actuel de Mme C...est imputable aux séquelles de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet ; donner son avis sur le point de savoir si ces complications ont un rapport avec son état initial ou l'évolution prévisible de cet état ou si elles sont la conséquence d'une erreur ou d'un retard de diagnostic, d'un non respect des règles de l'art ou encore d'un aléa thérapeutique ; le cas échéant, préciser la part respective de ces complications, imputable à son état initial ou à l'évolution prévisible de cet état, aux conséquences d'une erreur ou d'un retard de diagnostic, d'un non respect des règles de l'art ou d'un aléa thérapeutique ;
- le cas échéant, déterminer l'ampleur de la chance qu'elle aurait perdue de voir son état de santé s'améliorer ou d'éviter de le voir se dégrader ;
- déterminer si l'état de santé de Mme C...est consolidé et, dans l'affirmative, en préciser la date ; dans l'hypothèse où l'état de santé de santé de Mme C...ne serait pas consolidé, préciser à quelle échéance, il pourrait l'être ;
- déterminer, à la date de l'expertise, la durée des périodes d'incapacité temporaire totale ou partielle, le déficit fonctionnel temporaire et, le cas échéant, permanent, si son état est consolidé, les souffrances physiques et psychiques endurées, le préjudice esthétique résultant de l'altération de son apparence physique, le préjudice sexuel et le préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer certaines activités sportives et de loisir, consécutifs aux complications dont elle a fait l'objet, en distinguant, le cas échéant, pour chacun de ses chefs de préjudice, la part imputable aux conséquences d'une erreur ou d'un retard de diagnostic, d'un non respect des règles de l'art ou d'un aléa thérapeutique ou en précisant, le cas échéant, la perte de chance que ces conséquences lui auraient fait subir au regard de ces chefs de préjudice ;
- préciser si le déficit fonctionnel temporaire ou permanent dont Mme C...est atteinte justifie l'assistance par une tierce personne, et, si oui, selon quel volume horaire ;
- décrire, s'il y a lieu, les soins futurs et les moyens techniques palliatifs qui pourraient être nécessaires à MmeC....
Article 2 : L'expertise aura lieu en présence de MmeC..., du centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.
Article 3 : Le collège d'experts déposera son rapport dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 4 : L'ordonnance n° 1800454 du 10 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...C..., au centre hospitalier intercommunal d'Aix et Pertuis, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à MM. D... etA..., experts.
Fait à Marseille, le 24 octobre 2018
N° 18MA043342
LH