Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de réformer cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2015 ;
2°) statuant en référé, de porter à la somme de 300 000 euros le montant de la provision due par l'ONIAM au titre de la réparation de son préjudice corporel ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de l'ONIAM au regard des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'est pas sérieusement contestable ;
- sa créance est certaine à hauteur de la provision demandée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2015, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille conclut à sa mise hors de cause.
Elle soutient qu'aucune conclusion n'est dirigée à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, l'ONIAM conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le montant de la provision ne peut excéder 25 870,71 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
1. Considérant que M. C..., atteinte d'une cardiopathie congénitale complexe, a subi le 23 juillet 2013 à l'hôpital de la Timone à Marseille une intervention chirurgicale au cours de laquelle est survenue une complication par embolie gazeuse artérielle ayant entraîné un accident vasculaire cérébral doublé d'un oedème cérébral ; qu'une craniectomie de décompression a été réalisée le 25 juillet 2013 ; que le requérant, victime d'une hémiplégie gauche spastique, d'une atteinte cognitive et d'une altération du champ visuel, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 24 mars 2015 ; que l'intéressé a alors saisi le juge des référés de conclusions tendant à mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une provision de 300 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices qu'il a subis à la suite de l'intervention du 23 juillet 2013 ; que M. C... fait appel de l'ordonnance du 2 juillet 2015 par lequel le juge des référés a limité à 22 000 euros le montant de la provision que l'office a été condamné à lui payer ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que, dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que, dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant ;
Sur l'existence de l'obligation de l'ONIAM :
3. Considérant qu'il résulte du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que la réalisation d'une intervention de pontage entre l'aorte ascendante et l'aorte abdominale entrait dans le cadre de la correction itérative de l'interruption congénitale de l'arche aortique présentée à la naissance par M. C... ; que si le retentissement cardiaque significatif de la pathologie dont est porteur le requérant, qui présentait des signes d'insuffisance cardiaque gauche sous la forme d'une dyspnée d'effort et d'une asthénie s'aggravant progressivement, l'exposait à voir son pronostic vital engagé par la survenue d'une insuffisance cardiaque terminale ou par un accident aigu à type d'oedème pulmonaire, il ressort du rapport d'expertise que ces conséquences d'une absence de traitement de sa pathologie n'étaient pas immédiates et qu'elles n'étaient susceptibles d'apparaître qu'à moyen terme ; que dans ces conditions, les conséquences neurologiques de l'intervention du 23 juillet 2013, qui consistent en une hémiplégie gauche spastique sans aphasie avec membre supérieur non fonctionnel, limitant la marche et la gestuelle, en une atteinte cognitive et en une atteinte visuelle sous la forme d'une hémianopsie latérale homonyme, doivent être regardées comme notablement plus graves que les conséquences auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; qu'en tout état de cause, à supposer même que les conséquences de l'acte médical ne soient pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, le risque de survenue d'une embolie gazeuse importante au cours d'une intervention, réalisée comme en l'espèce sous circulation extracorporelle, est très faible, son taux estimé par l'expert étant compris entre 0,003 % et 0,007 % ; que dans ces conditions, les conséquences de l'intervention du 23 juillet 2013 doivent être regardées comme anormales ; que les conséquences neurologiques de l'acte médical sont imputables de manière directe, certaine et exclusive à la réalisation de l'intervention et ont entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique dont le taux ne sera pas inférieur à 60 % ; que, dès lors, l'existence de l'obligation de l'ONIAM n'est pas sérieusement contestable ; qu'elle n'est au demeurant pas contestée ;
Sur le montant de la provision :
5. Considérant que M. C..., qui réclame le versement d'une provision de 300 000 euros, se borne à faire état, sans autre précision, de ce que l'expert a notamment retenu qu'il présentait un état justifiant l'assistance par une tierce personne à raison de quatre heures par jour du 18 avril 2014 au 22 mai 2014 puis à compter du 9 juin 2014, qu'il avait enduré des souffrances estimées à 5 sur une échelle de 7, qu'il avait dû cesser toute activité professionnelle depuis le mois de juillet 2013, que le taux du déficit fonctionnel permanent ne sera pas inférieur à 60 % et qu'un préjudice d'agrément était justifié par l'impossibilité de reprendre des activités sportives et de loisir ;
6. Considérant qu'en l'absence de fixation de la date de consolidation de l'état de santé de M. C... depuis le dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés, seuls les préjudices temporaires et les préjudices permanents qui présentent d'ores et déjà un caractère de certitude suffisant dans leur principe ou leur étendue, sont susceptibles de donner lieu à l'allocation d'une provision ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'état de santé de M. C... a nécessité une assistance par son père à raison de quatre heures par jour, depuis son retour au domicile, le 18 avril 2014, jusqu'au 20 novembre 2014, date de la réunion d'expertise, exception faite de la période d'hospitalisation du 22 mai au 8 juin 2014 ; que le besoin en assistance est également justifié de manière suffisamment certaine au titre de la période courant du 9 juin 2014 au 24 mars 2015, date d'établissement du rapport d'expertise ; qu'il y a lieu d'allouer une provision de 17 000 euros à ce titre, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'organisme d'assurance maladie n'a pas fait état au cours de l'instruction des dépenses qu'il aurait exposées ;
8. Considérant que si les conséquences neurologiques de l'intervention du 23 juillet 2013 ont contraint M. C... à cesser l'activité professionnelle qu'il exerçait précédemment, l'importance de l'incidence professionnelle ne pourra être déterminée avec une certitude suffisante qu'une fois fixée la date de consolidation de son état de santé ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
9. Considérant que si l'expert indique que la période prévisible de consolidation de l'état neurologique du requérant est le premier trimestre de l'année 2016, le déficit fonctionnel temporaire subi par le requérant ne présente un caractère suffisamment certain que jusqu'à la date de son rapport, le 24 mars 2015 ; que le déficit fonctionnel temporaire directement imputable aux seules conséquences anormales de l'acte médical a été total du 8 août 2013 au 18 avril 2014 puis du 22 mai au 8 juin 2014 ; que l'intéressé a en outre présenté un déficit fonctionnel temporaire au taux de 75 % du 19 avril 2014 au 21 mai 2014 puis du 9 juin 2014 jusqu'au 24 mars 2015 ;
10. Considérant que M. C... a enduré des souffrances évaluées à 5 sur une échelle de 7 et a subi un préjudice esthétique temporaire estimé à 4 sur une échelle de 7 qu'il y a lieu d'indemniser dans les circonstances de l'affaire ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent d'ores et déjà prévisible ne saurait être inférieur à 60 % ; qu'ainsi, et alors même que la date de consolidation de l'état de santé du requérant n'a pas encore été déterminée, l'atteinte permanente à son intégrité physique présente un caractère de certitude suffisant ;
12. Considérant que le préjudice d'agrément résultant de l'arrêt des activités sportives de loisir précédemment exercées par le requérant ne pourra être évalué avec une certitude suffisante qu'après détermination de la date de consolidation de son état de santé ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 9 à 12 qu'il y a lieu de fixer à 215 000 euros la provision au titre des préjudices extrapatrimoniaux ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 2 juillet 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a condamné l'ONIAM à ne lui allouer que la somme de 22 000 euros ; qu'il convient de porter cette somme à 232 000 euros ;
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. C... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ORDONNE
Article 1er : La provision de 22 000 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. C... par l'ordonnance du 2 juillet 2015, est portée à 232 000 euros.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2015 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : L'ONIAM versera à M. C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C..., au Régime social des indépendants Côte d'Azur, à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Fait à Marseille, le 28 juin 2016.
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N°15MA02981