III. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulon, sous le n° 1802737, d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le maire de la commune de La Garde a substitué à la sanction de mise à la retraite d'office qu'il lui avait infligée le 28 mars 2018, celle de l'exclusion temporaire de fonction pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis et d'enjoindre à cette autorité de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par jugement n° 1801655, 1802137 et 1802737 du 2 août 2019, le tribunal administratif de Toulon a prononcé la jonction de ces trois requêtes et un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 mars 2018 portant mise à la retraite d'office de Mme A..., a annulé l'avis du 15 juin 2018 du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et a rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties dans ces trois instances.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) à titre principal :
- d'annuler ce jugement du 2 août 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2018 du maire de la commune de La Garde ;
- d'enjoindre au maire de la commune de La Garde de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement du 2 août 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Toulon a annulé l'avis du 15 juin 2018 du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Garde la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la matérialité des faits et leur nature fautive n'est pas établie ;
- la sanction n'est pas proportionnée aux faits reprochés ;
- le conseil de discipline a la possibilité de minorer la sanction proposée par la collectivité.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 septembre 2019 et le 16 juin 2020, la commune de La Garde, représentée par la société d'avocats Houlliot, C..., Lecolier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour Mme A... a été enregistré le 26 novembre 2020 après la clôture immédiate de l'instruction intervenue le 17 septembre 2020 en application du dernier alinéa de de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme A..., et de Me C..., représentant la commune de La Garde.
Une note en délibéré présentée pour MmeDurand a été enregistrée le 12 février 2021.
Une note en délibéré présentée pour la commune de la Garde a été enregistrée le 16 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 mars 2018, le maire de la commune de La Garde a prononcé, à titre disciplinaire, la mise à la retraite d'office à compter du 13 avril 2018 de Mme A..., infirmière en soins généraux hors classe, directrice de la halte-garderie " Les Gardinous ". Par un avis du 13 avril 2018, le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, saisi par Mme A..., a émis l'avis qu'une sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis lui soit infligée. Au vu de ce dernier avis, le maire de La Garde a, par un nouvel arrêté du 2 juillet 2018, décidé d'infliger à Mme A... la sanction d'exclusion temporaire de six mois dont trois mois avec sursis.
2. Par jugement du 2 août 2019, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 mars 2018, d'autre part, annulé l'avis du 15 juin 2018 du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et, enfin, rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties. Mme A... relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation, à titre principal, en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 juillet 2018 du maire de la commune de La Garde et, à titre subsidiaire, en tant qu'il prononce l'annulation de l'avis du 15 juin 2018 du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. La commune conclut au rejet de la requête.
3. Aux termes, d'une part, de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes, d'autre part, de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Deuxième groupe : abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours (...). Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) ". Aux termes de l'article 91 de la même loi : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. / L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.
Sur les conclusions présentées à titre principal :
4. Il est notamment reproché à Mme A... d'avoir, le 7 septembre 2017, enfermé dans les locaux de la halte-garderie un enfant qui était sous sa garde et sa surveillance, de ne pas avoir respecté les horaires d'ouverture de l'établissement et de s'être absentée sans autorisation dans l'après-midi. Il lui est également reproché l'absence de mise en place d'une procédure de pointage fiable des enfants à leur sortie de la structure et de contrôle de la présence des enfants au sein de la halte-garderie et d'en avoir exclu des enfants alors qu'ils étaient en période d'adaptation.
5. En l'absence de dispositions législatives contraires, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.
6. En premier lieu, les images extraites de la vidéo surveillance installée devant la halte-garderie permettent d'établir que le 7 septembre 2017, Mme A... a fermé les locaux de la structure avant l'heure réglementaire - 17h30 - en y laissant un enfant de 21 mois qui dormait dans le dortoir. Contrairement à ce soutient Mme A..., de telles images, extraites d'un système de vidéo-surveillance disposé sur la voie publique, constituent des éléments de preuve qui, n'ayant pas été obtenus par des stratagèmes ou des procédés déloyaux, peuvent légalement être utilisés pour établir la réalité des faits retenus à son encontre. En tout état de cause, le grief tiré de l'oubli d'un enfant dans la halte-garderie est suffisamment établi par les nombreuses attestations produites par la commune et, plus particulièrement celles émanant du directeur de la police municipale, du directeur adjoint des services, de la directrice générale adjointe des services en charge de la Petite Enfance, de la cheffe du service Petite Enfance et de l'adjointe administrative de ce service. Mme A..., qui s'est absentée du service sans y avoir été autorisée pour assister aux obsèques de la mère d'une de ses collègues, ne peut utilement soutenir qu'un tel manquement à ses obligations de directrice de la structure s'expliquerait par la circonstance qu'elle était perturbée par les obsèques auxquelles elle s'est rendue, ou par un problème d'organisation du service Petite Enfance. Elle ne peut par ailleurs utilement se prévaloir de ce qu'un des agents placés sous sa responsabilité ne s'est pas acquitté de ses fonctions ni tenter de minimiser le manquement qui lui est reproché en soutenant qu'il ne s'agit que d'un incident involontaire qui est demeuré sans conséquence en ce qui concerne l'enfant oublié dans la halte-garderie.
7. En deuxième lieu, les comptes rendus d'entretiens de l'ensemble des agents affectés à la halte-garderie dans le cadre de l'enquête administrative établissent que Mme A..., qui n'utilisait pas les badges électroniques mis à sa disposition par le service Petite Enfance, n'avait mis en place ni un système fiable de pointage permettant de contrôler l'entrée et la sortie des enfants, ni une procédure de contrôle de la présence des enfants pendant leur temps d'accueil dans la structure.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier d'attestations de parents, que Mme A... a interrompu la période d'adaptation de trois enfants sans respecter la procédure prévue par le règlement intérieur.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les faits retenus à l'encontre de Mme A... doivent être regardés comme établis. De tels faits, qui constituent des manquements aux obligations professionnelles de la directrice de la halte-garderie, présentent un caractère fautif de nature à justifier une sanction disciplinaire.
10. Alors même que certains parents des enfants accueillis lui ont manifesté leur confiance et qu'elle n'avait jamais été sanctionnée, les manquements mentionnés ci-dessus sont à eux seuls de nature à justifier, sans erreur d'appréciation, que soit infligée à Mme A... une sanction du quatrième groupe. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la sanction du troisième groupe que lui a infligée le maire de La Garde par son arrêté contesté du 2 juillet 2018 est d'une sévérité excessive au regard des fautes qui lui sont reprochées ni, par suite, que c'est à tort que par son jugement attaqué, le tribunal a refusé d'annuler cet arrêté.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 10, que les faits reprochés à Mme A... sont établis, qu'ils sont fautifs et de nature à justifier que lui soit infligée une sanction relevant du quatrième groupe. C'est donc à bon droit que, par des motifs qui ne sont pas utilement critiqués, les premiers juges ont annulé comme entaché d'erreur d'appréciation l'avis du 15 juin 2018 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a proposé que soit substituée à la sanction du quatrième groupe de mise à la retraite d'office initialement infligée à Mme A..., la sanction du troisième groupe d'exclusion temporaire de fonctions de six mois, dont trois mois avec sursis.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel de Mme A... doit être rejetée en toutes ses conclusions.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de La Garde sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de La Garde présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à la commune de La Garde et au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme F..., présidente-assesseure,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021.
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N° 19MA041407