Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et un mémoire récapitulatif en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 14 juin 2018, le 3 juillet 2018, le 2 mai 2019, le 22 mai 2019, le 24 juin 2019, le 15 juillet 2019, le 19 septembre 2019 et le 21 octobre 2019, M. A..., représenté par la SELARL BPCM, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2017 en tant qu'il n'a pas annulé l'arrêté attaqué dans sa totalité ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2015 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet ;
3°) de condamner la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser une indemnité équivalente aux rémunérations dont il a été privées entre la date de son éviction illégale et celle de sa réintégration, ou à défaut, de l'indemniser du préjudice résultant de la privation de rémunération ;
4°) d'enjoindre à la commune de Villeneuve-Loubet de procéder à sa réintégration juridique et de verser aux organismes sociaux les parts salariale et patronale correspondant aux rémunérations sur un emploi identique à compter du 13 novembre 2015 et de reconstituer ses droits sociaux ;
5°) d'enjoindre à la commune de Villeneuve-Loubet de produire le contenu des dossiers qui lui ont été assignés et communiqués et de sa boîte mail, ceux de ses écrits qui auraient pour objet ou pour effet de l'avoir fait participer à l'activité politique du maire, et le recours gracieux exercé auprès du préfet des Alpes-Maritimes par un contribuable local et de justifier du signataire du recours gracieux formé par la commune ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence d'analyse de la note en délibéré et de réouverture de l'instruction ;
- le jugement est irrégulier du fait de la mise en ligne tardive d'un changement de sens des conclusions du rapporteur public ;
- le jugement est irrégulier en raison du défaut d'examen de moyens qui n'étaient pas inopérants ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il méconnaît le principe de sécurité juridique de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la commune de Villeneuve-Loubet sont irrecevables en raison du désistement de l'appel principal ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de respect des formalités prévues par les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et d'entretien préalable ;
- il méconnait les droits de la défense ;
- il constitue une sanction disciplinaire déguisée ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ne pouvait pas être licencié en raison d'une perte de confiance puisqu'il n'occupait pas un emploi de cabinet ;
- il méconnait l'article 24 de la charte sociale européenne et l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 avril 2019, le 7 juin 2019, le 1er juillet 2019, le 1er août 2019 et le 21 octobre 2019, la commune de Villeneuve-Loubet, représentée par la SCP Wagner, Willm, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2017 en tant qu'il annule partiellement l'arrêté attaqué ;
- de rejeter la requête présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance est tardive ;
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- il doit être donné acte au requérant de ce qu'il abandonne tous les moyens soulevés à l'exception de ceux relatifs à l'erreur de droit entachant le motif du licenciement et à la méconnaissance des articles 24 de la charte sociale européenne et 30 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;
- les moyens développés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte sociale européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Villeneuve-Loubet.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 octobre 2015, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet a prononcé le licenciement de M. A..., recruté par contrat à durée indéterminée en qualité de collaborateur de cabinet du maire, et sa radiation des cadres à compter du 13 novembre 2015. Par un jugement du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté en tant seulement que le licenciement a pris effet avant l'expiration du délai de quinze jours prévu contractuellement et a enjoint au maire de procéder à sa réintégration administrative pour la période du 13 au 19 novembre 2015 et de reconstituer ses droits à ce titre, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation totale de l'arrêté ainsi que ses conclusions à fin de versement des rémunérations dont il a été privé ou, à défaut, de paiement d'une indemnité équivalente. La commune de Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté attaqué de son maire et au rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur la recevabilité de la requête de première instance :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a accompli les diligences nécessaires pour connaître l'objet de l'envoi qu'il a reçu de la commune de Villeneuve-Loubet le 27 octobre 2015 dont il soutient que l'enveloppe ne contenait pas l'arrêté du 19 octobre 2015 qui était annexé au courrier de notification. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le délai de recours commençait à courir le 4 novembre 2015, date de la nouvelle notification de l'arrêté de licenciement effectuée par voie administrative, et n'était pas expiré le 5 janvier 2016, jour où la requête de l'intéressé a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
4. Il ressort des pièces du dossier que la note en délibéré produite en première instance par M. A... ne contenait pas d'éléments de droit ou de fait nouveaux sur lesquels le tribunal se serait fondé et qui n'auraient pas été communiqués ou débattus avant la clôture de l'instruction. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit, par suite, être écarté.
5. En deuxième lieu, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. Si le rapporteur public a la faculté, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, de modifier celui-ci, il lui appartient, à peine d'irrégularité du jugement, de mettre les parties à même de connaître ce changement.
6. L'indication du changement du sens des conclusions du rapporteur public, qui avait tout d'abord conclu au rejet pur et simple de la demande avant de se raviser pour conclure à la satisfaction partielle des prétentions du requérant, a été mentionnée sur l'application Sagace la veille de l'audience, qui s'est tenue le 20 octobre 2017 à 9 heures 45. Si le conseil de M. A... n'a pas pris connaissance de cette modification avant l'audience bien qu'une notification lui ait été adressée en ce sens dans le cadre de l'application Sagace, la modification du sens des conclusions, dans un sens plus favorable que celui initialement mentionné n'a pu avoir d'incidence ni sur l'appréciation de l'intérêt pour le requérant ou son conseil d'assister à l'audience ni sur la préparation des observations à y présenter ou l'opportunité d'envisager de présenter, après l'audience, une note en délibéré. Dans ces conditions, la communication d'une modification du sens des conclusions la veille de l'audience a été sans incidence sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Nice.
7. En troisième lieu, le tribunal après avoir considéré que le licenciement de M. A..., collaborateur de cabinet, étant motivé par la perte de confiance liée aux comportements inappropriés de l'intéressé, a écarté par voie de conséquence les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 et du caractère disproportionné de la sanction. Par ailleurs, au point 22 du jugement, le tribunal a considéré que les agissements du maire et de la directrice générale des services n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral. Ce faisant, les premiers juges ont écarté au fond le moyen tiré par le requérant de ce que son licenciement était une mesure de rétorsion en raison de sa volonté de ne pas subir les agissements de ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur les moyens en cause, ni ne les ont écartés comme inopérants.
8. En dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu par M. A..., qui demandait au tribunal de saisir le Conseil d'Etat d'une interprétation de l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 138 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, une demande d'avis est une simple possibilité pour le juge. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison de sa méconnaissance du principe de sécurité juridique de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
9. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Nice par M. A.... Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales : " Le présent décret s'applique aux personnes recrutées en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée susvisée en qualité de collaborateurs directs d'une autorité territoriale. ". Aux termes de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions ". Compte tenu de la liberté dont bénéficie l'autorité territoriale pour mettre fin aux fonctions de ses collaborateurs de cabinet en application des dispositions susmentionnées de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, il appartient seulement au juge de vérifier qu'un tel licenciement ne repose pas sur un motif matériellement inexact, erroné en droit ou entaché de détournement de pouvoir.
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du contrat signé le 29 mai que, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... a été recruté au sein du cabinet du maire en qualité de collaborateur direct. D'autre part, il ressort de ces mêmes pièces que son licenciement a été motivé par la rupture des liens de confiance entre le maire et lui-même à la suite notamment d'un échange de courriels du 13 août 2015 dans lequel M. A... demandait à être nommé directeur de cabinet ou, à défaut, à être licencié pour perte de confiance. Ces courriels contenaient par ailleurs des menaces de provoquer des désordres s'il n'obtenait pas gain de cause. Eu égard à leur teneur, de tels propos étaient susceptibles d'affecter la relation de confiance personnelle qui doit nécessairement exister entre un maire et un collaborateur de cabinet et, par suite, à fonder légalement son licenciement, dont le motif n'est pas utilement contesté par le requérant, qui a lui-même demandé à être licencié sur un tel fondement et qui ne peut utilement soutenir devant la juridiction que cette mesure trouverait sa véritable cause dans la demande de protection fonctionnelle qu'il aurait présentée au maire en vue de faire cesser les agissements de harcèlement moral qu'il subissait de la part de la directrice générale des services. Il suit de là que M. A... n'est fondé à soutenir ni que le motif de son licenciement est entaché d'une erreur de droit ni que son licenciement constitue une sanction disciplinaire déguisée.
12. En troisième lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 et des droits de la défense. Il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent en appel aucun développement nouveau ou élément déterminant, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 et 10 de leur jugement.
13. En quatrième lieu, les stipulations de l'article 24 de la charte sociale européenne, dont l'objet n'est pas de régir exclusivement les relations entre les Etats et qui ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers, peuvent être invoquées utilement par M. A... pour contester la décision de licenciement pour perte de confiance.
14. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 11 que M. A... a été licencié pour perte de confiance à la suite de la dégradation de ses relations professionnelles avec le maire de la commune de Villeneuve-Loubet. Eu égard aux relations de confiance qu'un collaborateur de cabinet doit nécessairement entretenir avec l'élu qui l'a recruté, afin notamment que le bon fonctionnement de la commune puisse être assuré, le motif de licenciement pour perte de confiance constitue un " motif valable " au sens des stipulations de l'article 24 de la charte sociale européenne. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de la violation de ces stipulations.
15. En dernier lieu, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision de licenciement est injustifiée au sens des stipulations de l'article 30 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui dispose que tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales, dès lors que la décision contestée n'a pas été prise pour mettre en oeuvre le droit de l'Union européenne.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice n'a annulé la décision prononçant son licenciement qu'en tant qu'elle a revêtu un caractère rétroactif et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le présent arrêt, qui rejette la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à fin d'injonction par M. A... doivent donc être rejetées. Les conclusions d'appel incident par lesquelles la commune de Villeneuve -Loubet se borne à contester la recevabilité de la demande présentée en première instance par M. A... doivent également être rejetées pour les motifs exposés au point 2.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Villeneuve-Loubet.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Villeneuve-Loubet une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Villeneuve -Loubet.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.
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N° 18MA02797