Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 11 juillet 2020 et le 14 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Lambert, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 14 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Nice a refusé de le recruter au poste de collaborateur du groupe d'élus " Mon parti, c'est Nice " constitué au sein du conseil municipal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nice le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit, d'insuffisance de motivation et d'erreur d'appréciation ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et considéré le maire de Nice, les motifs et faits à l'origine de sa condamnation ne sont pas incompatibles avec les fonctions de collaborateur de groupe ;
- les faits reprochés, en l'occurrence une occupation de la terrasse du siège du parti socialiste à Paris en vue d'obtenir la démission du président de la République, sont intervenus dans un cadre politique et sans aucune violence ;
- il a été condamné à une peine symbolique de 500 euros d'amende avec sursis ;
- cette condamnation est intervenue plus de trois ans avant la demande de recrutement ;
- le lien de confiance inhérent au " statut " de collaborateur de groupe n'existe que vis-à-vis du seul groupe d'élus pour lequel les fonctions sont exercées ;
- il a été recruté par la commune de Nice le 31 juillet 2020 en qualité de collaborateur du groupe d'élus " Retrouver Nice ".
Par des mémoires en défense enregistrés les 28 décembre 2020 et 3 mai 2021, la commune de Nice, représentée par Me Verne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Benyhaia, représentant la commune de Nice.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération en date du 18 avril 2014, le conseil municipal de la commune de Nice a créé plusieurs postes de collaborateurs des groupes d'élus et fixé les modalités de fonctionnement de ces groupes. Le groupe d'élus " Mon parti, c'est Nice ", qui disposait d'un collaborateur à mi-temps, recruté pour une durée d'un an susceptible d'être renouvelée, a demandé, au cours de l'année 2016, que lui soit alloué un second collaborateur à mi-temps et a proposé que ce poste soit attribué à M. A... B.... Le maire de Nice, ayant été informé de la condamnation pénale mentionnée au bulletin n°2 du casier judiciaire de M. A... B..., a refusé par une décision du 14 décembre 2016 de procéder à son recrutement. M. A... B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.
2. Aux termes de l'article L. 2121-28 du code général des collectivités territoriales : " I. - Dans les conseils municipaux des communes de plus de 100 000 habitants, le fonctionnement des groupes d'élus peut faire l'objet de délibérations sans que puissent être modifiées, à cette occasion, les décisions relatives au régime indemnitaire des élus. / II. - (...) Le maire peut, dans les conditions fixées par le conseil municipal et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes. (...) ".
3. Aux termes des dispositions de l'article 110-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les agents contractuels recrutés sur le fondement du code général des collectivités territoriales pour exercer des fonctions de collaborateurs de groupe d'élus sont engagés par un contrat à durée déterminée pour une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite du terme du mandat électoral de l'assemblée délibérante concernée. (...) / La qualité de collaborateur de groupe d'élus est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent d'une collectivité territoriale (...). ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux agents contractuels de droit public des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée qui sont recrutés ou employés dans les conditions définies aux articles (...) 110-1 de la loi du 26 janvier 1984 précitée (...). ". L'article 2 de ce décret dispose que : " Aucun agent contractuel ne peut être recruté : (...) 2°) Le cas échéant : a) Si, étant de nationalité française, les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions (...). ".
4. Lorsque l'administration apprend que des mentions ont été portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire d'un agent avec lequel elle envisage de conclure un contrat de recrutement, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si, eu égard, d'une part, à l'objet des mentions en cause et à l'ensemble des motifs de la condamnation pénale dont le candidat à l'emploi public a fait l'objet, d'autre part, aux caractéristiques des fonctions auxquelles l'intéressé postule, ces mentions sont incompatibles avec l'exercice de ces fonctions.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, du jugement de condamnation du tribunal correctionnel du 25 juillet 2013 et de deux articles de presse, que les faits de violation de domicile à l'aide de manœuvres, menace, voies de fait ou contrainte commises le 26 mai 2013 pour lesquels M. A... B... a été condamné au paiement d'une amende de 500 euros avec sursis simple ont été commis avec dix-huit autres personnes en marge d'une importante manifestation contre le mariage des personnes de même sexe et ont consisté en l'occupation, sans dégradation ni violence, du toit-terrasse du siège d'un parti politique à Paris en demandant, munis de banderole, la démission du président de la République. Ces pièces révèlent également, d'une part, que le montant de l'amende infligée à M. A... B... correspond au plus faible montant des amendes infligées aux poursuivis et, d'autre part, que le paiement de l'amende est, le concernant, entièrement assorti du sursis simple en l'absence de tout antécédent judiciaire au cours des cinq années précédant les faits.
6. Eu égard, d'une part, à la nature des faits qui ont conduit à la condamnation pénale infligée à M. A... B..., qui ont été précisés au point précédent, et, d'autre part, aux caractéristiques des fonctions de collaborateur de groupe d'élus au sein d'un conseil municipal, le maire de la commune de Nice, qui ne peut utilement faire valoir qu'il n'avait pas à mener une enquête sur les faits dont s'agit, a, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur d'appréciation en estimant qu'ils étaient, à eux seuls, incompatibles avec l'exercice des fonctions de collaborateur de groupe d'élus au sein d'un conseil municipal.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... B..., est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé d'annuler la décision contestée du maire de Nice.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande à ce titre la commune de Nice. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nice le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A... B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mars 2020 est annulé.
Article 2 : La décision du maire de Nice du 14 décembre 2016 refusant de recruter M. A... B... au poste de collaborateur du groupe d'élus " Mon parti, c'est Nice " constitué au sein du conseil municipal est annulée.
Article 3 : La commune de Nice versera à M. A... B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Nice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.
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N° 20MA02244
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