Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier et 10 mai 2021, M. A..., représenté par Me Bazin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, Me Bazin, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal a insuffisamment répondu au moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire n'était pas motivée ;
- le premier juge a insuffisamment motivé son jugement sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur de droit en appliquant à sa situation un raisonnement applicable aux couples de même nationalité ;
- statuant sur la légalité de la décision portant interdiction de retour, le premier juge a commis une erreur dès lors que cette interdiction est prononcée pour une durée de quatre mois et non de six ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa cellule familiale ne peut se reconstituer à l'étranger ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'interdiction de retourner en France :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 5 août 2021, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mahmouti a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 11 juin 1987, relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français, fixé à trente jours le délai de départ volontaire et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la décision par laquelle l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français doit, en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, doit être motivée. En jugeant que la décision du préfet de l'Hérault comportait les considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement, le tribunal a, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé sa décision.
3. En deuxième lieu, il ressort du jugement attaqué que la première juge a suffisamment motivé son jugement sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer même établie, que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit, est, en tout état de cause, sans incidence sur sa régularité dès lors que cette erreur n'affecterait, si elle était établie, que le bien fondé du jugement et non sa régularité.
4. En dernier lieu, s'il est vrai que le jugement attaqué mentionne à tort, en son point 24, que la durée de l'interdiction de retourner en France dont fait l'objet le requérant est prononcée pour une durée de six mois au lieu de quatre, ainsi que l'a décidé le préfet, il fait également référence, dans ses visas et dans son point 26 à la durée telle que l'a fixée le préfet. Dans ces conditions, l'erreur commise par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier doit être regardée comme une simple erreur de plume restée sans incidence sur la régularité de son jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, la décision du préfet de l'Hérault comportait les considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement. En outre, la circonstance que l'arrêté attaqué ne mentionne pas, dans ses visas, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas de nature à faire regarder ledit arrêté comme insuffisamment motivé.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. A... expose qu'il vit en concubinage avec Mme C..., ressortissante camerounaise, avec qui il a eu un enfant né en France le 9 mai 2018 et soutient qu'il lui serait impossible de reconstituer sa cellule familiale à l'étranger et en particulier au Cameroun du fait, d'une part, qu'il ne serait pas autorisé à y entrer en sa seule qualité de concubin d'une ressortissante de cet Etat et, d'autre part, que son enfant, né de parents non mariés, ne peut être considéré comme ressortissant de cet Etat. Toutefois, la circonstance que les intéressés sont de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, eu égard à la faible durée de séjour de M. A... sur le territoire français et compte tenu de ce que sa compagne a elle aussi vu sa demande d'asile rejetée et fait l'objet d'une mesure d'éloignement, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, en l'espèce, le préfet a obligé les deux parents de l'enfant à quitter le territoire français et la décision attaquée n'emporte donc pas, par elle-même, la séparation de l'enfant de ses deux parents.
8. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit lui aussi être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code précité, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
10. En premier lieu, comme l'a exactement jugé le tribunal, la décision fixant à trente jours le délai qui a été accordé à M. A... pour quitter volontairement le territoire, qui est le délai de droit commun, n'avait pas, en l'absence de demande particulière en ce sens qu'il aurait adressée au préfet, à faire l'objet d'une motivation spécifique.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour prendre la décision attaquée.
12. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que le délai de départ volontaire octroyé par le préfet de l'Hérault était insuffisant pour trouver une solution qui n'ait pas pour conséquence de le séparer de sa compagne et de leur enfant, le requérant ne démontre pas que la décision fixant le délai de départ volontaire aurait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
13. En quatrième lieu, la décision contestée, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer l'enfant de M. A... de l'un ou l'autre de ses parents, ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant.
14. En dernier lieu, et compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne l'interdiction de retourner en France :
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code précité, dans sa rédaction alors applicable : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
16. En premier lieu, la décision litigieuse fait référence notamment à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a indiqué que le requérant est arrivé en France en 2018, qu'il ne justifie pas d'attaches familiales en France et qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine, qu'il n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision, dont les motifs attestent de la prise en compte par l'autorité préfectorale, au vu de la situation de l'intéressé, des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 précité est suffisamment motivée.
17. En deuxième lieu, M. A... ne démontrant pas l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, il n'est donc pas fondé à soutenir que celle lui interdisant de retourner sur le territoire français serait, par voie de conséquence de cette prétendue illégalité, illégale.
18. En troisième lieu, eu égard à sa durée de seulement quatre mois, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
19. En quatrième lieu, la décision contestée, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer l'enfant du couple de l'un ou l'autre de ses parents, ne peut être réputée porter atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant.
20. En dernier lieu, et compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. A....
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
22. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... sollicite au titre des frais qu'il aurait exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.
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N° 21MA00150
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