Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Mathieu, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 26 août 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 24 juin 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Mathieu au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de visa du mémoire et des pièces complémentaires déposés le 20 août 2020 ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure ;
- il n'est pas motivé en droit ni en fait ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-4, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'est pas établi qu'il est majeur.
La requête a été communiquée au préfet des Hautes-Alpes qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mahmouti a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 26 août 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 juin 2020 du préfet des Hautes-Alpes l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée à ce titre par M. B... dès lors que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été accordé par décision du 11 décembre 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires. (...) ".
4. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a omis de viser le mémoire présenté le 20 août 2020 par M. B... et n'y a pas répondu, alors que celui-ci se prévalait de la copie de son extrait de naissance qu'il produisait pour la première fois. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille est entaché d'irrégularité.
5. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et d'évoquer la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme A... C..., sous-préfète, secrétaire général de la préfecture des Hautes-Alpes, titulaire d'une délégation à cette fin qui lui a été régulièrement consentie par arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 24 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que cet arrêté a été pris par une autorité incompétente.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale (...), il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu (...) à fin de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. (...) L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; 2° Du droit d'être assisté par un avocat (...) ".
8. Les conditions d'interpellation et de retenue, dont il appartient au seul juge judiciaire de connaître, sont sans incidence sur la légalité de la décision du préfet obligeant l'intéressé à quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. B... ne peut pas utilement soutenir que lors de son audition à la suite de son interpellation les services de police lui ont fait renoncer à la désignation d'un interprète et d'un avocat alors qu'il prétend ne pas parler français et n'avoir pas été en en mesure de comprendre les questions qui lui ont été posées. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté comme inopérant.
9. En troisième lieu, l'arrêté contesté vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les principales dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables au litige. Il mentionne également les conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé. Il indique par ailleurs que sa minorité ne peut pas être retenue. Ainsi, alors même que l'arrêté viserait à tort l'accord franco-marocain, il comporte de façon suffisamment circonstanciée l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, sans que le requérant puisse utilement faire valoir qu'il ne mentionnerait pas tous les éléments relatifs à sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
10. En quatrième lieu, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes n'a pas mentionné tous les éléments relatifs à sa situation ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la demande de M. B... ni une erreur de droit.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".
12. M. B..., entré irrégulièrement sur le territoire national, est dépourvu de document d'identité. S'il déclare être né le 2 février 2004, il ressort des pièces du dossier qu'il a d'abord déclaré à son arrivée en France être né le 2 octobre 2004. Par ailleurs, le rapport d'évaluation établi le 22 janvier 2020 par le pôle cohésion sociale et solidarités du département des Hautes-Alpes conclut que les éléments recueillis aux termes du processus d'évaluation de M. B... ne plaident pas en faveur de la minorité de l'intéressé. Si, par une requête enregistrée le 14 février 2020, l'intéressé a saisi le juge des enfants en sollicitant d'être confié au service de l'aide sociale à l'enfance des Hautes-Alpes en sa qualité de mineur étranger isolé sur le territoire français, il ne produit pas le jugement qui a été rendu par le juge des enfants et ne justifie pas avoir fait l'objet d'une mesure de placement. En outre, la mise en place d'un hébergement provisoire d'urgence à son bénéfice par le jugement du 3 avril 2020 du tribunal administratif de Marseille n'est pas de nature à établir sa minorité. Si le requérant a produit en première instance un extrait d'acte de naissance photographié avec son téléphone portable, ce document d'état civil, dépourvu de photographie et qui n'a pas été authentifié par les services du consulat de Guinée, est insuffisant pour justifier de l'identité de l'intéressé. Dans ces conditions, le préfet des Hautes-Alpes a pu estimer, sans commettre d'erreur, que M. B... n'était pas mineur de dix-huit ans à la date de la décision contestée et n'entrait, par suite, pas dans le champ d'application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du préfet des Hautes-Alpes du 24 juin 2020. La demande présentée par M. B... au tribunal administratif de Marseille doit, dès lors, être rejetée en toutes ses conclusions. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'admission provisoire de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement du 26 août 2020 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 3 : La demande présentée au tribunal administratif de Marseille par M. B... et ses conclusions tendant à ce que l'Etat supporte les frais exposés à l'occasion de l'instance d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.
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N° 20MA03703