Par un jugement avant dire droit n° 1500163, 1500310, 1500562 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Bastia a ordonné une mesure d'expertise complémentaire.
Par un jugement n° 1500163, 1500310, 1500562 du 18 avril 2018, le tribunal administratif de Bastia a condamné le centre hospitalier d'Ajaccio à verser à M. E... la somme de 29 684,56 euros et a mis à la charge définitive de cet établissement les frais de l'expertise prescrite par jugements avant dire droit des 1er décembre 2016 et 5 octobre 2017.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 juin 2018, le 17 juillet 2019 et le 27 août 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du 18 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 29 684,56 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier d'Ajaccio en réparation du préjudice qu'il a subi ;
2°) de porter à la somme de 246 181,56 euros le montant de l'indemnité due ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'assistance d'une tierce personne a été justement indemnisée ;
- ses autres préjudices ont été insuffisamment évalués ;
- la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent de 20 % doivent être indemnisés ;
- l'évaluation des préjudices liés à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle doit être réservée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juin 2019 et le 2 août 2019, le centre hospitalier d'Ajaccio, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- les préjudices ont été suffisamment réparés ;
- les conclusions relatives au déficit fonctionnel permanent, à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle sont irrecevables dès lors qu'elles constituent des demandes nouvelles en appel.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud et à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... relève appel du jugement du 18 avril 2018 en tant que par celui-ci, le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 29 684,56 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'accident de voiture dont il a été victime le 24 janvier 2014.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier d'Ajaccio aux demandes relatives aux pertes de gains futurs, à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent :
2. M. E..., qui demandait dans sa requête introductive d'instance le versement d'une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice en indiquant qu'elle ne pourra être fixée qu'après expertise, a chiffré, après le dépôt des rapports d'expertise les préjudices résultant des pertes de gains professionnels actuels, de l'aide par une tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel, et a demandé au tribunal de sursoir à statuer sur l'indemnisation au titre des pertes de gains futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent dans l'attente des décisions du centre hospitalier d'Ajaccio sur l'invalidité consécutive à l'accident dont il a été victime et sur son aptitude à reprendre ses fonctions. Le tribunal n'ayant pas invité le requérant à chiffrer ces préjudices, les conclusions de M. E... présentées pour la première fois en appel et tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser les sommes 103 952 euros au titre de la perte de gains futurs, de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et de 35 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ne sont pas, contrairement à ce que soutient l'établissement de soins, irrecevables. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que ces conclusions sont nouvelles en appel doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Par jugement avant dire droit du 1er décembre 2016, les premiers juges ont considéré que le centre hospitalier d'Ajaccio devait être déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident du 24 janvier 2014 qui, ainsi qu'ils l'ont retenu à bon droit, présente le caractère d'un accident de service imputable à la faute commise par l'administration en ne respectant pas la durée de repos réglementaire.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des attestations établies par le directeur des ressources humaines du centre hospitalier d'Ajaccio, que M. E..., manipulateur en radiologie, n'a pas repris son activité professionnelle à la suite de l'accident de service et a subi une perte de revenus constituée par les indemnités des dimanche, des jours fériés et des nuits et les astreintes évaluée aux sommes de 12 354,36 euros pour la période courant du 24 janvier 2014 au 30 septembre 2017 et de 2 526,93 euros pour la période courant du 1er octobre 2017 à la date de son départ à la retraite anticipé pour incapacité. Il y a lieu de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à verser la somme totale de 14 881,29 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels dès lors que le requérant, qui avait sollicité en première instance le versement d'une somme de 12 354,56 euros, n'était pas en mesure avant le 18 avril 2018 de justifier de l'intégralité des pertes de revenus professionnels qui ne se sont révélés dans toute leur ampleur que postérieurement au jugement attaqué.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Bastia du 5 octobre 2017, que M. E... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de deux heures par jour, cinq jours par semaine du 24 juin 2014 au 24 septembre 2014. Cette aide lui a été apportée par un proche. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu pour cette période de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours sur la base du taux horaire de 13 euros calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales. Les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent ainsi être évalués pour cette période à la somme de 5 070 euros.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de ses droits à pension, que M. E... qui a été mis à la retraite prématurément, le 1er juillet 2018, à l'âge de cinquante et un ans et demi, perçoit une pension mensuelle de 1 952 euros, soit un montant annuel de 23 424 euros. Les revenus du requérant s'établissaient à 33 170 en 2012 et à 34 933 en 2013, soit un revenu annuel moyen, avant l'accident, de 34 051,50 euros. Le manque à gagner constitué par la différence entre les pensions perçues et les salaires qui auraient dû lui être versés s'il avait continué à travailler jusqu'au 1er juillet 2030, date à laquelle il pouvait percevoir une retraite à taux plein, s'élève à la somme de 127 530 pour cette période de 12 ans, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio..
7. M. E... n'a jamais pu reprendre son activité professionnelle au sein du centre hospitalier d'Ajaccio et a été mis à la retraite anticipée pour invalidité le 1er juillet 2018. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales qui s'est tenue le 23 novembre 2017, que le requérant est inapte définitivement à l'exercice de toutes fonctions. Eu égard, d'une part, à son âge et au taux de déficit fonctionnel permanent de 20 % dont il reste atteint et, d'autre part, à la faute commise par le centre hospitalier d'Ajaccio, il y a lieu d'allouer au requérant au titre de l'incidence professionnelle une somme de 20 000 euros, sous déduction de l'allocation temporaire d'invalidité perçue par le requérant.
8. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que M. E... a subi du 24 janvier au 23 mars 2014, un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 50 % et du 24 mars 2014 au 23 janvier 2017, un déficit fonctionnel temporaire partiel estimé à 25 %. Les premiers juges ont fait une évaluation suffisante de ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 4 750 euros.
9. M. E... a enduré des souffrances dont l'intensité a été estimée par l'expert à 3 sur une échelle de 0 à 7. Le tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante de ce préjudice, qui sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 4 200 euros.
10. Le taux du déficit fonctionnel permanent a été fixé par l'expert à 20 %. Compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'indemnisant par une somme de 155 000 euros.
11. M. E... a arrêté la pratique du football et de la plongée sous-marine et a des difficultés pour conduire une moto, faire des randonnées et pêcher en montagne. Les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante de la réparation du préjudice d'agrément en allouant au requérant la somme de 3 000 euros.
12. Le tribunal a fait une estimation insuffisante du préjudice sexuel du requérant, qui souffre d'une perte de libido, en évaluant ce préjudice à la somme de 1 500 euros. Il y a lieu, eu égard à l'âge du requérant et aux troubles dont il demeure atteint à cet égard, de porter le montant de cette indemnité à la somme de 5 000 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par M. E... doit être évalué à la somme totale de 339 431,29 euros. Eu égard toutefois à la circonstance que la cour ne peut accorder une somme d'un montant supérieur au total des indemnités qui ont été demandées, il y a lieu de limiter la condamnation du centre hospitalier d'Ajaccio à la somme demandée par M. E..., soit 246 181,56 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. E....
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 29 684,56 euros que le centre hospitalier d'Ajaccio a été condamné à payer à M. E... par le jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 avril 2018 est portée à 246 181,56 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia 18 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Ajaccio versera à M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au centre hospitalier d'Ajaccio, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud et à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
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N° 18MA02801