Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2017 du préfet des Hautes-Alpes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à l'existence d'une menace pour l'ordre public ;
- le préfet des Hautes-Alpes n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- en mentionnant qu'il était écroué à la maison d'arrêt de Nice, le préfet des Hautes-Alpes a entaché son arrêté d'erreur de fait ;
- la seule condamnation pénale dont il a fait l'objet ne saurait caractériser à elle seule une menace de trouble à l'ordre public ;
- compte-tenu de sa parfaite insertion dans la société française, l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2019, le préfet des Hautes-Alpes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- le requérant ne bénéficie plus d'une protection internationale depuis le 25 juin 2019.
Par une décision du 21 juin 2019, M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant irakien né le 16 avril 1996 auquel l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire le 24 février 2016, s'est vu délivrer le 27 juin 2016 un titre de séjour d'un an sur le fondement de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 8 novembre 2017, le préfet des Hautes-Alpes a refusé de renouveler ce titre de séjour. M. E... relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit : / 1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ; (...) ". L'article L. 313-3 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 24 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 : " (...). / 2. Dès que possible après qu'une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille un titre de séjour valable pendant une période d'au moins un an et renouvelable pour une période d'au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent. ".
4. Il s'ensuit que les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sauraient permettre à l'autorité préfectorale de refuser le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée à un étranger au titre de la protection internationale que lorsque de telles raisons impérieuses sont caractérisées, sauf à méconnaitre les dispositions précitées de la directive du 13 décembre 2011.
5. Enfin, aux points 73 à 75 de sa décision C-373/13 du 24 juin 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé qu'une décision de retrait du droit au séjour, dès lors qu'elle ne saurait entraîner ni la perte de la protection internationale ni, a fortiori, le refoulement de l'étranger, ne présuppose pas l'existence d'un crime particulièrement grave. Pour autant, ainsi que l'a rappelé la Cour dans son arrêt C-33/07 du 10 juillet 2008, la notion d'ordre public suppose l'existence, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du jugement du 21 décembre 2016 du tribunal correctionnel de Nice, qu'entre les 10 octobre et 20 décembre 2016, M. E... a aidé à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers dans un état partie à la convention Schengen. Toutefois, eu égard à leur nature et à leur caractère isolé, ces faits ne permettent pas de caractériser de menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public et, par suite, de démontrer que des raisons impérieuses liées à la sécurité nationale ou à l'ordre public justifient le retrait du titre de séjour de l'intéressé.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2017.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qui sera versée au conseil de M. E..., sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800177 du tribunal administratif de Marseille du 23 avril 2019 et l'arrêté du 8 novembre 2017 du préfet des Hautes-Alpes rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour de M. E... sont annulés.
Article 2 : Sous réserve que cet avocat renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, l'Etat versera à Me B... la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A... E..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- M. C..., conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020
Minute signée par le président de la formation de jugement en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
N° 19MA04006