Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de Me C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont émis leur avis du 12 juillet 2018 sans la convoquer ;
- le préfet ne démontre pas que le traitement que nécessite son état de santé lui serait effectivement accessible dans son pays d'origine, alors au demeurant que sa pathologie psychiatrique est directement liée aux évènements traumatisants qu'elle y a vécus ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante tunisienne née le 22 octobre 1960, relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 4 et 7 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 que la convocation de l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de son état de santé à un examen médical par le médecin rapporteur ou par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'est qu'une faculté et non une obligation. Dès lors, la circonstance que ces médecins n'ont pas usé de cette faculté n'a pas été de nature à entacher leur avis d'irrégularité.
3. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose qu'un médecin spécialisé dans les pathologies dont est affecté l'étranger siège au sein du collège de médecin.
4. En troisième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 31322, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. En l'espèce, ni les certificats médicaux produits par Mme D..., qui ne se prononcent pas sur la disponibilité en Tunisie des soins que requièrent ses pathologies respiratoire et psychiatrique, ni l'attestation de la " Pharmacie centrale en Tunisie ", dont l'authenticité est, au demeurant, douteuse, selon laquelle l'un des médicaments qui lui sont prescrits en France ne serait pas disponible en Tunisie, ne permettent de contredire l'avis du 12 juillet 2018 par lequel le collège de médecins de l'OFII a estimé qu'elle aurait effectivement accès à un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. L'attestation médicale du 21 décembre 2018 n'est pas davantage de nature, eu égard notamment à l'imprécision des termes avec lesquels est décrite la nature de la pathologie de la requérante, à établir l'existence d'un lien entre cette pathologie et les faits de maltraitance qu'elle allègue avoir vécus en Tunisie. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, la résidence habituelle de Mme D... en France présente un caractère particulièrement récent à la date de l'arrêté contesté. Si l'intéressée se prévaut, en outre, de la présence régulière sur le sol national de ses parents et frères et soeurs, elle ne conteste pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident, notamment, ses trois enfants, et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 57 ans au moins. Les autres circonstances qu'elle invoque, et notamment le séjour qu'elle allègue avoir passé en France entre ses 8 et 23 ans, ne permettent pas davantage de considérer que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés, respectivement, aux points 5 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
8. En dernier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'ayant pas pour objet de désigner un pays de renvoi, le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant. En tout état de cause, Mme D... n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'élément susceptible de démontrer que, comme elle l'affirme, son retour en Tunisie l'exposerait à des violences et actes de maltraitances de la part de son époux et de sa belle-famille et, incidemment, à une aggravation de son syndrome psychiatrique.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. B..., conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.
Minute signée par le président de la formation de jugement en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
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N° 19MA04675