Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 octobre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 30 août 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée d'instruction de son dossier, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en fait ;
- il contrevient aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à sa date d'édiction, le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'était pas définitif ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 (11°) et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle et familiale eu égard tant à son état de santé qu'à ses liens familiaux ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire, mais des pièces en réponse à la mesure d'instruction effectuée en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative après la clôture de l'instruction intervenue le 9 avril 2020.
Un mémoire présenté pour M. C... a été enregistré le 20 novembre 2020, soit après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement du 30 août 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 mai 2019 déclarant rejeter sa demande d'asile et portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile (...) qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français (...) jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé (...) et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement (...). ". Aux termes de l'article R. 723-19 du même code, issus du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 : " (...) III. - La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Le préfet des Bouches-du-Rhône a produit un extrait de la base de données "Telemofpra ", relative à l'état des procédures de demande d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions citées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des mentions de ce document que la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2019 rejetant la demande de M. C... n'est pas certaine, dès lors que ce document indique d'une part une date de notification au 11 juillet 2019 et, d'autre part, dans le tableau reprenant l'historique des décisions de l'Office, une date de notification au 3 avril 2019 et l'absence de retour du pli à l'Office. Dans ces conditions, en l'absence de preuve d'une notification antérieure à la date à laquelle a été pris l'arrêté contesté, le requérant est fondé à soutenir que celui-ci est intervenu en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 743-1 et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 30 août 2019 et de l'arrêté du 13 mai 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, et dès lors qu'aucun des autres moyens de la requête n'est de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté contesté, le présent arrêt implique seulement que le préfet réexamine la situation de M. C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de procéder à ce nouvel examen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de cet examen, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros qui sera versée à Me A..., conseil de M. C..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 30 août 2019 et l'arrêté du 13 mai 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de cet examen.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me A..., conseil de M. C..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.
Minute signée par le président de la formation de jugement en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
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N° 19MA04459
kp