Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, Mme C... épouse D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête de Mme C... épouse D... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France en 2015 selon ses déclarations, Mme C... épouse D..., ressortissante marocaine née le 22 juin 1981, a demandé le 23 mai 2019 à se voir délivrer un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 20 juin 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que Mme C... épouse D... résidait en France depuis trois ans à la date de l'arrêté attaqué. A cette date, elle était mariée depuis trois ans à M. D..., l'un de ses compatriotes qu'elle a épousé le 11 juin 2016 à Montpellier et qui, titulaire d'une carte de résident, réside en France en situation régulière depuis 2010. Le couple a en outre donné naissance à deux enfants, nés respectivement les 16 avril 2017 et 24 septembre 2018. Enfin, si la situation de Mme C... épouse D... relève en principe de la procédure de regroupement familial, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard aux revenus de son époux, l'issue de cette procédure serait incertaine, de telle sorte que la séparation des époux, en principe nécessaire au respect de cette procédure, ne se limiterait pas nécessairement à une période brève ainsi que le fait valoir le préfet. Dans ces conditions, Mme C... épouse D... est fondée à soutenir que la décision de refus de séjour qui lui a été opposée a porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont, par voie de conséquence, également illégales, aucun autre moyen n'étant mieux à même de régler le litige.
4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, Mme C... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2019. Il y a lieu, par suite d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation retenu, implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... épouse D.... Il y a lieu dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un tel titre de séjour à la requérante dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme C... épouse D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1909697 du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2020 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... épouse D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme G... H..., présidente assesseure,
- M. F... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.
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N° 20MA02508
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