Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2014 et le 11 octobre 2016, M. A..., représenté par Me Pech de Laclause, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 15 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier en réparation des préjudices subis ;
2°) de porter à la somme de 155 982,50 euros le montant de l'indemnité due en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts à compter de l'enregistrement de sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le centre hospitalier universitaire de Montpellier ne l'a pas informé des complications de l'intervention pratiquée le 5 juillet 2005 ;
- une erreur de diagnostic a été commise ;
- sa prise en charge médicale a été inadaptée et insuffisante ;
- l'ensemble des préjudices sont en lien avec les fautes commises ;
- le tribunal a insuffisamment réparé les préjudices qu'il a subis.
Par un mémoire, enregistré le 7 août 2015, la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales demande à la Cour de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité du centre hospitalier universitaire est engagée ;
- elle est fondée à intervenir en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un mémoire, enregistré le 22 août 2016, le centre hospitalier universitaire de Montpellier conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'existence du préjudice spécifique résultant d'un défaut d'information et du préjudice professionnel imputable à la faute commise par l'hôpital n'est pas établie ;
- l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux est suffisante ;
- la réalité d'un préjudice d'agrément n'est pas démontrée ;
- la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales n'est pas fondée à demander que lui soit versée de nouveau une indemnité forfaitaire de gestion.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vanhullebus, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me B...représentant la CPAM des Pyrénées-Orientales.
Une note en délibéré présentée par la CPAM des Pyrénées-Orientales a été enregistrée le 28 novembre 2016.
1. Considérant que M. A..., qui a chuté en montagne le 19 octobre 2004, a été victime d'une fracture fermée du quart inférieur du tibia qui a été traitée le lendemain à la polyclinique Saint Roch de Cabestany, par ostéosynthèse par plaque associée à une ostéosynthèse du fragment intermédiaire par vis ; que le patient, qui a présenté des douleurs et des réactions cutanées, a consulté au centre hospitalier de Perpignan, qui a posé le diagnostic d'ostéite, puis au centre hospitalier universitaire de Montpellier le 27 juin 2005, qui a confirmé le diagnostic et programmé une prise en charge chirurgicale, comprenant une première intervention dès le 5 juillet 2005 suivie de six autres jusqu'au 22 décembre 2005 ; que le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan ayant mis en évidence l'absence d'infection avant l'admission du patient au centre hospitalier universitaire, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné une expertise portant sur la qualité des soins reçus dans cet établissement public ; que M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 15 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier en réparation des préjudices qu'il a subis ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier au titre d'un manquement à l'obligation d'information :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance ;
3. Considérant que M. A..., s'il reconnaît avoir été informé par le praticien du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier du programme chirurgical indiqué, portant sur la réalisation, étalée sur plusieurs mois, de plusieurs interventions, indique ne pas l'avoir été des risques liés aux opérations prévues et n'avoir pas disposé d'un délai de réflexion d'une durée suffisante avant que ne soit effectuée la première intervention ; que l'établissement de santé, auquel il incombe d'apporter, par tout moyen, la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, ne produit aucun commencement de justification de l'accomplissement de son obligation de nature à établir que le patient a été mis en mesure de donner un consentement éclairé au programme d'interventions qui lui avait été proposé et dont la réalisation ne présentait pas un caractère d'urgence ; que dès lors, la responsabilité de l'établissement public de soins est engagée à ce titre ;
4. Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ;
5. Considérant que la seule circonstance que le droit de M. A... d'être informé des risques de l'intervention a été méconnu, n'ouvre pas droit, par elle-même à réparation ; qu'en l'absence de survenance de toute complication consécutive aux interventions chirurgicales pratiquées à tort par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, l'intéressé ne peut se prévaloir d'aucun droit à obtenir réparation de troubles, qu'il n'a pas subis, du fait qu'il n'aurait pas pu se préparer à l'éventualité de la réalisation de risques dont il n'avait pas été informé ; que M. A... n'est dès lors pas fondé à réclamer une indemnité au titre du manquement de l'établissement de santé à son obligation d'information du patient et de recueil du consentement éclairé de celui-ci ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier au titre d'une faute médicale :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté en appel que M. A... souffrait d'une dermatose d'intolérance aux implants métalliques et que le diagnostic de pseudarthrose septique du tibia posé par le centre hospitalier universitaire de Montpellier était par suite erroné ; que la prise en charge consécutive a été inadaptée ; que ces fautes engagent la responsabilité du centre hospitalier universitaire au titre de l'entier dommage subi par le requérant ;
7. Considérant que M. A..., dont le contrat de travail à durée déterminée avait pris fin avant l'accident survenu le 19 octobre 2004 et qui n'avait repris aucune activité professionnelle avant sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, ne produit aucun élément de nature à établir qu'il aurait été privé par la faute de l'établissement public de soins, d'une perte de chance sérieuse d'occuper un emploi et notamment d'être réembauché par son précédent employeur en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il suit de là que le requérant ne justifie pas avoir subi une perte de revenus et qu'il ne peut davantage prétendre être indemnisé d'une perte de pension de retraite ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A... a subi, du 4 juillet 2005 au 6 septembre 2006, une période de déficit fonctionnel temporaire total, en lien direct avec les fautes commises par le centre hospitalier universitaire, ainsi qu'une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II, du 7 septembre 2006 au 21 décembre 2006 ; que, compte tenu de la période de trois mois de déficit fonctionnel temporaire partiel qui aurait en tout état de cause résulté, même en l'absence de faute, du traitement nécessité par l'état de santé consécutif à la chute dont M. A... avait été victime, il convient, au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire directement imputables aux seules fautes de l'établissement public hospitalier, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 6 100 euros ;
9. Considérant que les souffrances endurées par M. A... doivent être évaluées à
4,5 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'en condamnant le centre hospitalier universitaire à payer à l'intéressé la somme de 10 000 euros, le tribunal administratif n'a pas insuffisamment réparé ce préjudice ;
10. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire subi par le requérant au cours de la période du 26 juillet 2005 au 19 juin 2006 en raison du port d'un fixateur externe de la jambe droite, en lui allouant la somme de 2 000 euros ; que le montant de l'indemnité accordée par le tribunal en réparation du préjudice esthétique définitif n'est pas contesté ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, que la limitation de la flexion plantaire de la cheville droite, qui est au nombre des séquelles habituelles d'une fracture de jambe opérée, ne peut être attribuée de façon directe et certaine aux fautes commises par le centre hospitalier universitaire ; qu'il suit de là que le préjudice d'agrément dont se prévaut M. A... ne peut être regardé comme imputable de manière suffisamment certaine à la prise en charge dont il a fait l'objet de la part de l'établissement public hospitalier ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser, soit portée à la somme de 21 100 euros ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
13. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales qui n'a pas demandé en appel une augmentation de la somme qui lui a été allouée en première instance au titre de ses débours, n'est pas fondée à réclamer la majoration du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à lui verser par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 septembre 2014 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Considérant, en premier lieu, que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 2 000 euros à Me Pech de Laclause, avocat de M. A... ; que, conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le recouvrement de tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat ;
15. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 15 000 euros que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 septembre 2014 est portée à 21 100 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 septembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales sont rejetés.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier versera la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me Pech de Laclause qui renoncera, s'il recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, au centre hospitalier universitaire de Montpellier et à Me Pech de Laclause.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président-rapporteur,
- M. Laso, président-assesseur,
- M. Lafay, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
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N° 14MA04687