Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 novembre 2017 et le 29 janvier 2019, la SARL Ambulances La Romaine, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande d'abrogation de l'arrêté préfectoral n° 2004-136-5 du 4 juin 2004 en tant que le cahier des charges annexé à cet arrêté prévoit en son article 9 une participation des entreprises de transport sanitaire tenues à la garde ambulancière du département aux frais de fonctionnement de celle-ci ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de procéder à cette abrogation sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal n'était pas tardive ;
- le préfet n'est pas compétent pour décider d'une participation financière des entreprises de transport sanitaire à l'organisation de la garde ambulancière, que celle-ci soit qualifiée d'impôt, en méconnaissance du principe constitutionnel du consentement à l'impôt tel qu'exprimé par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou de redevance pour service rendu ;
- l'arrêté litigieux est dépourvu de base légale, dès lors que les dispositions de l'article R. 6312-22 du code la santé publique sont inconstitutionnelles au regard de l'article 34 de la Constitution et de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- il viole le principe d'égalité devant les charges publiques.
La requête a été communiquée au préfet du Gard, au directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie, à l'association Sagu 30 et au ministre de la santé et des solidarités qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et notamment ses articles 34 et 37 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 87-965 du 30 novembre 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SARL Ambulances La Romaine.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Ambulances La Romaine fait appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Gard sur sa demande, réceptionnée le 10 juin 2015, d'abrogation de son arrêté n° 2004-136-5 du 4 juin 2004, en ce que le cahier des charges annexé à cet arrêté prévoit une participation des entreprises de transport sanitaire tenues à la garde ambulancière du département aux frais de fonctionnement de celle-ci.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 applicable à la date de la décision litigieuse : " l'autorité administrative est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ". Eu égard à ces dispositions, la fin de non-recevoir opposée par l'agence régionale de santé Occitanie tirée du caractère définitif de l'arrêté préfectoral du 4 juin 2004 ne saurait être accueillie s'agissant d'une demande d'abrogation de cet acte, dont, en tout état de cause, la date de publication n'est pas établie.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 6312-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté du 4 juin 2004 : " Sont déterminées par décret en Conseil d'Etat : (...) les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat dans le département organise (...) la garde départementale assurant la permanence du transport sanitaire ". Dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, ce même article prévoit la compétence de l'agence régionale de santé pour organiser cette garde. Aux termes de l'article R. 6312-19 de ce code, applicable à cette dernière date : " Les entreprises de transports sanitaires agréées pour l'accomplissement des transports mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 6312-11 sont tenues de participer à la garde départementale en fonction de leurs moyens matériels et humains (...) ". Aux termes l'article R. 6312-22 de ce code dans sa version applicable à la même date : " Un cahier des charges départemental fixant les conditions d'organisation de la garde, notamment celles dans lesquelles une entreprise de transport figurant dans le tableau de garde peut être remplacée, est arrêté par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis du sous-comité des transports sanitaires du comité départemental de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Il peut définir les modalités de participation, pendant tout ou partie des heures de garde, d'un coordonnateur ambulancier au sein du service d'aide médicale urgente et l'existence de locaux de garde communs ".
4. Il résulte de ces dispositions que la détermination par décret en Conseil d'Etat des conditions d'organisation de la garde départementale assurant la permanence du transport sanitaire a été prévue par la loi. Dans ce cadre légal, le décret n° 87-965 du 30 novembre 1987, dont les dispositions ont été ultérieurement codifiées, a, en particulier, instauré l'obligation de participation à la garde départementale des entreprises sanitaires, en fonction de leurs moyens matériels et humains et a précisé que les conditions d'organisation de la garde dans chaque département seraient fixées par un cahier des charges, arrêté par le préfet à la date de l'arrêté préfectoral du 4 juin 2004 puis par le directeur général de l'agence régionale de santé à compter du 26 juillet 2010.
5. Pour le département du Gard, il ressort de l'article 3 du cahier des charges annexé à l'arrêté préfectoral du 4 juin 2004 que l'association SAGU 30 a été chargée par le préfet de l'organisation et de la coordination, en lien avec le service médical d'urgence, de la garde ambulancière. L'article 2 de ce cahier des charges indique que toutes les entreprises de transports sanitaires, indépendamment de leur adhésion ou non à l'association SAGU 30, ont vocation à s'insérer dans ce dispositif à hauteur de leurs moyens opérationnels et humains, en réservant toutefois le cas des petites structures n'ayant pas les moyens humains suffisants pour assurer une garde et exercer, dans la continuité, leur activité quotidienne, qui peuvent être, à leur demande, exonérées de garde par le préfet après avis du sous-comité des transports sanitaires.
6. Ce cahier des charges prévoit encore, en son article 9, que : " La garde ambulancière reste une obligation afin d'assurer une permanence de transport sanitaire sur l'ensemble du territoire départemental. A cet effet, l'Association SAGU 30 joue le rôle d'interface entre la profession dans son ensemble et les services de la DDASS. Les frais de fonctionnement retenus seront répartis équitablement entre toutes les entreprises au prorata des gardes effectuées. Ils pourront concerner la location de locaux ou de matériel, les frais téléphoniques, la rémunération du coordonnateur ".
7. D'autre part, l'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
8. La contribution financière, au prorata des gardes effectuées, des entreprises de transport sanitaire agréées du Gard aux frais de fonctionnement de la garde départementale instaurée par l'article 9 du cahier des charges annexé à l'arrêté du 4 août 2004 constitue une taxe non prévue par la loi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du préfet, à la date de la publication du règlement, puis du directeur général de l'agence régionale de santé, à la date de la décision de refus d'abrogation litigieuse, qui doit être regardée comme émanant de celui-ci, pour instaurer une telle taxe, est fondé. La circonstance, à la supposer établie, que la société requérante aurait accepté les conditions du cahier des charges avant la fin de son adhésion à l'association Sagu 30 est sans influence sur l'appréciation de la légalité de celui-ci. La décision contestée de refus d'abrogation des dispositions, divisibles, de l'article 9 du cahier des charges annexé à l'arrêté préfectoral du 4 juin 2004, doit donc être annulée.
9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL La Romaine est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. La compétence pour organiser la garde départementale assurant la permanence du transport sanitaire appartient depuis le 26 juillet 2010, en application de l'article L. 6312-5 du code la santé publique, à l'agence régionale de santé, ainsi que cela a été exposé au point 4. Eu égard au motif d'annulation retenu et aux termes de l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 rappelés au point 2 et actuellement repris à l'article L. 234-2 du code des relations entre le public et l'administration, il y a lieu d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie d'abroger l'article 9 du cahier des charges annexé à l'arrêté préfectoral du 4 juin 2004 dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
11. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Ambulances La Romaine et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : La décision implicite de rejet née du silence gardé sur la demande de la SARL Ambulances La Romaine tendant à l'abrogation de l'arrêté préfectoral n° 2004-136-5 du 4 juin 2004 en tant que le cahier des charges annexé à cet arrêté prévoit en son article 9 une participation des entreprises de transport sanitaire tenues à la garde ambulancière du département aux frais de fonctionnement de celle-ci est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie d'abroger l'article 9 du cahier des charges annexé à l'arrêté préfectoral du 4 juin 2004 dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Ambulances La Romaine une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ambulances La Romaine, au préfet du Gard, au directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie, à l'association Sagu 30 et au ministre de la santé et des solidarités.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
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N° 17MA04367