Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, le préfet de l'Hérault demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif.
Il soutient qu'il ne s'est pas estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, M. C... A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de l'Hérault ;
2°) d'ordonner au préfet de l'Hérault, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet de l'Hérault n'est pas fondé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il aurait dû être précédé de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis du collège de médecins de l'OFII est irrégulier ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- et les observations de MeB..., substituant Me Ruffel, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant géorgien né en 1954, est entré en France en 2014. Il s'est vu délivrer plusieurs autorisations provisoires de séjour puis une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017. Le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler ce titre de séjour par un arrêté du 11 septembre 2017, par lequel il a en outre obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office. Cet arrêté a été annulé par le jugement attaqué du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Montpellier. Le préfet de l'Hérault fait appel de ce jugement.
2. Le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " " à l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " Le même alinéa ajoute que : " La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. "
3. L'article R. 313-23 du même code, pris pour l'application de ces dispositions législatives, prévoit que : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. "
4. La procédure suivie est détaillée par un arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé, pris sur le fondement de l'article R. 313-22 du même code.
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur une demande de titre de séjour présentée en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'OFII. Cet avis, qui doit se conformer au modèle figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016, est destiné à éclairer le préfet sur l'état de santé du demandeur au regard des conditions posées par le 11° de l'article L. 313-11, tout en étant établi dans des conditions de nature à préserver le secret médical vis-à-vis de l'autorité administrative. Au cas présent, il ressort des termes de l'arrêté du 11 septembre 2017 que le préfet de l'Hérault, qui d'ailleurs ne disposait pas d'autres éléments sur l'état de santé de M.A..., a suivi l'avis du 12 juin 2017 du collège de médecins de l'OFII sans s'être estimé tenu par celui-ci. C'est par suite à tort que le tribunal administratif de Montpellier a retenu qu'eu égard aux termes employés, le préfet s'était cru lié par cet avis.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de l'arrêté contesté.
7. Cet acte a été signé par M. Otheguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault en vertu d'une délégation de signature conférée par un arrêté n° 2016/I/1282 du 7 décembre 2016 du préfet de l'Hérault régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, à l'effet de signer, tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas ceux relatifs au séjour des étrangers. Contrairement à ce que soutient M.A..., cette délégation de signature n'est pas irrégulière. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit en conséquence être écarté.
8. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est par suite suffisamment motivé en application de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Aucun principe non plus qu'aucune règle n'impose à l'avis du collège de médecins de l'OFII de rappeler la qualité de médecin de ses signataires, non plus que d'indiquer le nom du médecin ayant établi le rapport transmis au collège. Enfin, l'absence de mention de la durée prévisible du traitement n'est pas de nature à affecter la régularité de l'avis émis, dès lors que le collège a retenu que M. A...pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'avis émis par le collège de médecins de l'OFII n'entache par suite pas d'irrégularité la procédure suivie par le préfet de l'Hérault.
10. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., désormais guéri du virus de l'hépatite C, a été traité pour un cancer de la thyroïde traité par isthméctomie partielle le 29 mars 2016 et souffre d'une cirrhose décompensée. Son état nécessite une surveillance par IRM hépatique et biologie hépatique tous les six mois, ainsi qu'une gastroscopie et une échographie thyroïdienne annuelles. Les certificats médicaux du praticien hospitalier qui a établi l'avis à destination de l'OFII, qui se bornent à indiquer de façon non circonstanciée que ces soins ne peuvent être prodigués dans son pays d'origine, ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, suivi par le préfet de l'Hérault, selon lequel l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie. M. A...n'est en conséquence pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault, en refusant de renouveler le titre de séjour dont il disposait en tant qu'étranger malade, aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 2, ou celles, de portée comparable, du 10° de l'article L. 511-4 du même code.
11. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles du premier alinéa de l'article R. 312-2 du même code que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un des titres mentionnés à l'article L. 312-2, y compris lorsqu'il statue sur une demande de renouvellement d'un titre de séjour. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. A...ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11. Le préfet de l'Hérault n'était par suite pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
12. En se bornant à se référer sans autre précision aux " risques encourus " en Géorgie et à son état de santé, M. A...n'établit pas que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Par une décision du 24 mai 2016, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la demande d'asile de M. A...au motif que les explications de celui-ci sur ses fonctions politiques au sein du Mouvement National Uni étaient demeurées vagues et peu circonstanciées, et qu'il n'avait été en mesure de décrire les attaques dont il déclarait avoir fait l'objet qu'en des termes sommaires. En reprenant les mêmes déclarations, M. A...n'établit pas être exposé à une menace pour sa vie ou sa liberté ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Géorgie. M. A... n'est en conséquence pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 11 septembre 2017. La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Montpellier doit en conséquence être rejetée.
15. L'Etat, qui n'est pas tenu aux dépens, n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Me Ruffel sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2019.
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N° 18MA02526
kp