Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 mars 2021, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale précitée ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de résident de dix ans dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les stipulations de l'article 10, 1, a) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dès lors qu'il aurait dû, en application de ces stipulations, lui délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ; en effet, il réside régulièrement en France, il est marié à une ressortissante française depuis plus d'un an et leur communauté de vie n'a pas cessé ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans étant de plein droit, il n'était pas nécessaire qu'il en fasse la demande expresse ;
- s'agissant d'un cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour, il appartenait en tout état de cause au préfet d'examiner la demande présentée au regard de l'article 10, 1, a) de l'accord franco-tunisien, qui déroge aux dispositions de droit commun de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne peut prouver le dépôt d'une demande de carte de résident d'une durée de dix ans sur le fondement des stipulations de l'article 10, 1, a) de l'accord franco-tunisien, dès lors que les demandes de renouvellement de titre de séjour ne donnent pas lieu à un écrit de la part du demandeur.
Des pièces, enregistrées le 19 novembre 2020, ont été produites, à la demande de la Cour, par le préfet des Alpes-Maritimes, et communiquées.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène E..., présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien né le 8 novembre 1983, a épousé Mme G... F... le 30 janvier 2016 à Villeneuve-Loubet. En octobre de la même année, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, valable jusqu'au 26 octobre 2017, lui a été délivrée. Il a, à l'expiration de ce titre, sollicité son renouvellement et le préfet des Alpes-Maritimes lui a de nouveau délivré, le 22 mai 2018, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision en date du 22 mai 2018 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an en lieu et place d'une carte de résident d'une durée de dix ans.
2. D'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (...) ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces stipulations et dispositions que dès lors que la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans à un ressortissant tunisien en qualité de conjoint de français est prévue au a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable à l'appui d'une telle demande d'admission au séjour, s'agissant d'un point déjà traité par cet accord. En revanche, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", d'une durée de validité d'un an, en ce qu'elle n'est pas prévue à cet accord, intervient dans les conditions prévues par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En outre, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou d'une stipulation d'un accord bilatéral régissant le droit au séjour des ressortissants de l'Etat concerné, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
6. M. D... soutient, comme en première instance, qu'il aurait dû se voir délivrer de plein droit un titre de séjour d'une durée de dix ans sur le fondement des stipulations précitées, au point 3 du présent arrêt, du a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'en atteste le récépissé de demande de titre de séjour signé par l'intéressé produit en première instance, que ce dernier a présenté, en septembre 2017, une demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire, d'une durée de validité d'un an, qui lui avait été délivrée le 27 octobre 2016 sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non une demande de délivrance du titre de séjour d'une durée de validité de dix ans mentionné à l'article 10 de l'accord franco-tunisien. Par suite, le préfet, qui n'avait pas l'obligation d'examiner d'office la demande de M. D... sur un fondement autre que celui dont il était saisi, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, n'a commis en l'espèce aucune erreur de droit, en examinant cette demande au regard des seules prescriptions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :
- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme B... et Mme H..., premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
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N° 20MA03818
mtr