Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, la SARL Blue Lobster Company, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 avril 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les achats de marchandises réalisés auprès de la société Proges et enregistrés en comptabilité correspondent à des charges effectives et sont appuyés de justifications suffisantes ;
- elle peut se prévaloir de l'interprétation administrative de la loi fiscale donnée par la doctrine administrative référencée DB 4 C-122 n° 1, reprise à la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20, n° 1.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Blue Lobster Company ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Blue Lobster Company, qui a pour activité le commerce d'articles d'habillement et de chaussures, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause la déduction d'une partie des charges d'achats de marchandises réalisés auprès de la société Proges, qui est établie en Tunisie. La SARL Blue Lobster Company fait appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ainsi assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celleci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts selon lesquelles le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'estàdire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celleci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
3. Le vérificateur a constaté que la SARL Blue Lobster Company, dont la moitié du capital est détenu par la SARL JCM Confection, qui est établie en Tunisie, a pour principal fournisseur la société de droit tunisien Proges, qui est une autre filiale de la SARL JCM Confection. Il a également constaté que le montant total des factures d'achats de marchandises comptabilisées était supérieur au montant total de la valeur des marchandises déclarée sur les documents d'importation et ressortant des factures émises par la société Proges pour l'importation, dans des proportions respectives de 50 % et de 32 % au titre des années 2010 et 2011. Il a en conséquence remis en cause la déduction des charges au-delà des sommes mentionnées sur les factures déclarées en douane, soit respectivement 92 040 euros et 97 825 euros au titre des exercices clos en 2010 et 2011, au motif que, dans cette mesure, les sommes mentionnées sur les factures comptabilisées ne correspondaient pas à une charge effective et n'étaient pas appuyées de justifications suffisantes.
4. Il résulte de l'instruction que le représentant de la SARL Blue Lobster Company a reconnu, au cours de la vérification de comptabilité, que le prix des articles achetés auprès de la société Proges était déterminé au moment de la commande. Dans ces conditions, les circonstances dont la société requérante se prévaut, notamment la précipitation qu'aurait entraînée l'urgence de la livraison des articles, ne permettent pas de justifier la persistance au cours des deux années vérifiées de la mention sur les factures émises pour l'importation de valeurs systématiquement inférieures à celles mentionnées sur les factures établies ultérieurement, alors que l'intéressée était tenue, en cas de déclaration en douane d'une valeur provisoire, de régulariser cette valeur, ce qu'elle s'est abstenue de faire spontanément. La circonstance que le prix des articles mentionnés sur les factures émises pour l'importation apparaîtrait forfaitaire n'est pas suffisante pour démontrer que ce prix ne correspondrait pas à la valeur réelle des marchandises, alors que la production par la SARL Blue Lobster Company de " fiches produits " correspondant aux articles achetés auprès de la société Proges est insuffisante en elle-même pour justifier la nature et la quantité des matières premières utilisées pour la fabrication des articles, et donc le prix de vente des articles correspondants. Enfin, la circonstance que la requérante aurait réglé le prix mentionné sur les factures comptabilisées est sans incidence. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a partiellement remis en cause la déduction des charges d'achats de marchandises réalisées auprès de la société Proges.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ".
6. La SARL Blue Lobster Company n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, doctrine administrative référencée DB 4 C-122 n° 1, reprise à la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20, n° 1, qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Blue Lobster Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SARL Blue Lobster Company au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
9. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Blue Lobster Company tendant à l'application des dispositions de l'article R. 7611 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Blue Lobster Company est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Blue Lobster Company et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :
- Mme C..., présidente de la Cour,
- Mme B..., présidente assesseure,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.
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N° 19MA02752
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