Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 juillet 2019 et le 27 mars 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable formé contre le titre de perception du 14 avril 2016 et, par voie de conséquence, d'annuler ce titre de perception ;
3°) de le décharger de l'obligation de payer la somme de 10 097,66 euros ramenée en cours d'instance à la somme de 5 008,15 euros ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
5°) à tout le moins, de lui verser une indemnité égale à la somme réclamée au titre de la réparation de son préjudice financier ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ni le titre de perception en litige, ni la lettre du 29 juillet 2015 à laquelle il fait référence, ne mentionnent les bases de liquidation de la créance ;
- les sommes réclamées sont partiellement prescrites ;
- la créance litigieuse est incertaine et infondée ;
- l'administration a commis des fautes et il subit un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2020, la ministre des armées conclut à ce que le montant dû par M. B... soit ramené à la somme de 5 008,15 euros et au rejet du surplus de la requête.
Elle fait valoir que M. B... s'est d'ores et déjà acquitté du paiement d'une somme de 6 780 euros et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 10 097,66 euros présentées par M. B... devant la Cour en ce qu'elles sont nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui était adjudant-chef dans l'armée de terre, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 mai 2014. Par une lettre du 29 juillet 2015, le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde, après avoir fait recensé divers " trop-versés " et " moins-versés ", l'a informé que le bilan présentait, à la date du 30 mai 2015, un montant à rembourser de 10 097,66 euros, en lui indiquant qu'un titre de perception serait ultérieurement émis à son encontre. M. B... a formé le 14 octobre 2015 un recours contre cet acte devant la commission des recours des militaires, recours qui a été implicitement rejeté. Un titre de perception a été émis à l'encontre de l'intéressé en date du 14 avril 2016 pour un montant arrondi à 10 098 euros. Saisi par M. B... d'un recours contre ce titre, le ministre de la défense, en s'abstenant d'y répondre, a laissé naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. B... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet du recours administratif préalable formé à l'encontre de la lettre du 29 juillet 2015, d'autre part, à l'annulation du rejet implicite du recours formé contre le titre de perception du 14 avril 2016, et, enfin, à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis. M. B... relève appel du jugement du 20 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande, excepté en ce que cette demande tendait à l'annulation de la lettre du 29 juillet 2015, l'intéressé admettant expressément dans ses écritures d'appel le bien-fondé du rejet de ces conclusions par le tribunal au motif de leur irrecevabilité, et demande à la Cour, à titre principal, d'annuler le rejet implicite du recours formé contre le titre de perception du 14 avril 2016 et par voie de conséquence d'annuler ce titre, de le décharger de l'obligation de payer la somme de 10 097,66 euros, ramenée en cours d'instance à la somme de 5 008,15 euros, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence, et demande enfin " à tout le moins " que l'Etat soit condamné à lui verser " une indemnité égale à la somme réclamée au titre de la réparation de son préjudice financier ".
Sur la recevabilité :
2. Les conclusions présentées devant la Cour par M. B... à fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 10 097,66 euros, qui sont distinctes de celles tendant à l'annulation du titre de perception fondant cette obligation, sont nouvelles en appel et sont en conséquence irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur la légalité du titre de perception du 14 avril 2016 :
3. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". L'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.
4. D'une part, le titre de perception émis le 14 avril 2016 à l'encontre de M. B... indique, en faisant référence à une lettre du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) datée du 29 juillet 2015 ayant arrêté sa situation après analyse de son dossier, que l'intéressé est redevable d'un trop-versé " au titre de diverses indemnités pour une période comprise entre le 31 juillet 2013 et le 30 mai 2015 " pour un montant de 11 768,00 euros, d'un trop-versé " au titre de de la prime de service des sous-officiers pour une période comprise entre le 30 juin 2013 et le 30 mai 2015 " pour un montant de 75,27 euros, d'un moins-versé " au titre des cotisations salariales pour une période comprise entre le 30 septembre 2011 et le 30 mai 2015 " pour un montant de 1 179,10 euros, et d'un moins-versé " au titre de la solde de base et diverses indemnités pour une période comprise entre le 30 septembre 2011 et le 30 mai 2015 " pour un montant de 566,51 euros, soit " un trop-perçu résiduel de 10 097,66 euros arrondi selon la règle en vigueur ". Le titre précise que " les montants des éventuels trop-versés prescrits sont exclus des montants notifiés en tenant compte des délais légaux de prescription ". D'autre part, la lettre du CERHS du 29 juillet 2015 à laquelle fait référence le titre de perception en litige contient des tableaux qui se bornent à indiquer, par types d'éléments de rémunération, des montants globaux censés correspondre à des trop-versés ou des moins-versés, pour des " périodes de référence " s'étalant sur plusieurs années. Ces deux pièces, qui n'indiquent pas les éléments de calcul sur lesquels s'est fondée l'administration pour arrêter ces montants, ne comportent pas les indications susceptibles de mettre leur destinataire à même de discuter les bases de la liquidation de sa dette. Ainsi, et alors, au surplus, qu'il n'est pas contesté que M. B... n'a jamais obtenu, en dépit des diverses démarches qu'il a entreprises auprès de son administration, la moindre explication susceptible de justifier les sommes réclamées, l'intéressé est fondé à soutenir que le titre de perception en litige est insuffisamment motivé, faute de comporter l'indication des bases de liquidation de la somme pour le recouvrement de laquelle il a été émis.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre des armées sur le recours préalable qu'il a formé contre le titre de perception du 14 avril 2016 et, par voie de conséquence, à l'annulation de ce titre.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires :
6. M. B... n'établit pas les préjudices qu'il invoque et qui résulteraient du comportement fautif, selon lui, de l'administration à son égard. Il y a lieu, dès lors, de rejeter ses conclusions indemnitaires.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre des armées sur le recours préalable qu'il a formé contre le titre de perception du 14 avril 2016 et, par voie de conséquence, à l'annulation de ce titre.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le titre de perception du 14 avril 2016 émis à l'encontre de M. B... et la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre des armées sur le recours préalable qu'il a formé contre ce titre sont annulés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
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N° 19MA03324
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