Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2015 et un mémoire enregistré le 12 octobre 2015, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2015 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Marseille, le revenu issu du rachat de ses actions par la SAS Ceres présente un caractère exceptionnel au sens de l'article 163-0 A du code général des impôts ; le revenu tire son caractère exceptionnel de l'opération elle-même, qui est non pas une distribution de bénéfices mais un rachat de titres par une société ; le rachat par une société de ses propres actions est, pour la jurisprudence, exceptionnel, à la différence d'une distribution de bénéfices qui peut se reproduire ;
- en ce qui la concerne, les rachats de parts ne sont intervenus que deux fois en six ans entre 2006 et 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de Mme D....
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 15MA02142 du 25 février 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de Mme D....
Par une décision n° 399150 du 19 mars 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 25 février 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Les parties ont été informées, le 17 mai 2018, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.
Par deux mémoires, enregistrés les 13 juin et 24 septembre 2018, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour ;
1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2015 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est la nature de l'opération ou les circonstances de son intervention et non sa qualification fiscale qui déterminent le caractère exceptionnel ou non du revenu ; en l'espèce, l'opération de rachat de ses propres actions par la société émettrice présente intrinsèquement un caractère exceptionnel et aléatoire, eu égard aux conditions statutaires d'agrément et de réalisation de ce rachat et ne confère pas un droit normal et attendu aux associés, contrairement aux mises en distribution des bénéfices de l'exercice ;
- la circonstance que ce type d'opération soit susceptible de se renouveler ne suffit pas à la qualifier de revenu susceptible d'être recueilli annuellement au sens de l'article 163-0 A du code général des impôts ;
- la circonstance qu'elle bénéficie d'autres revenus, qu'il s'agisse de dividendes ou de revenus professionnels, est sans incidence sur la qualification du produit du rachat par la société Ceres de ses propres titres.
- la situation doit être appréciée du point de vue du contribuable concerné, et non des autres associés.
Par deux mémoires, enregistrés les 23 mai et 11 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision 2014-404 QPC du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a demandé à la Cour d'annuler le jugement du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008. Mme D... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la Cour du 25 février 2016 rejetant sa requête. Par décision du 19 mars 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt ainsi que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 mars 2015 et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. (...) ".
3. Le 12 janvier 2006, Mme D... a reçu de son père, par voie de donation à titre gratuit, trois mille sept cent quarante actions de la société par actions simplifiée Ceres. Le 15 juin 2006, la société Ceres a racheté mille cinq cent vingt de ces actions à Mme D... et a procédé consécutivement à une réduction de son capital. Le 19 septembre 2008, la société Ceres a procédé au rachat à Mme D... de mille cinq cent cinquante-cinq actions, suivi d'une réduction de son capital. Estimant que le gain qu'elle avait réalisé à l'occasion du rachat opéré le 19 septembre 2008 constituait un revenu exceptionnel, Mme D... a opté pour son imposition selon le système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts, option que l'administration fiscale a remise en cause à l'occasion d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle.
4. L'opération de rachat en litige est intervenue lors de l'assemblée générale extraordinaire du 19 septembre 2008 dans les conditions prévues à l'article 8 des statuts de la société Ceres, qui prévoit le rachat par celle-ci des actions qu'un associé envisage de céder, lorsqu'aucun autre associé ne souhaite les acquérir et que la cession à un tiers n'est pas souhaitée. Contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, le gain résultant d'une telle opération ne constitue pas un revenu distribué, mais, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision 2014-404 QPC du 20 juin 2014, une plus-value de cession, qui n'a pas la même nature que les distributions de dividendes auxquelles a pu procéder la société Ceres au profit de ses associés, dont Mme D..., au cours des années 2011 à 2016. En outre, il résulte de l'instruction que si le rachat effectué en 2008 a généré pour Mme D... une plus-value de 567 575 euros, les parts reçues en donation, évaluées à 535 euros l'unité, ayant été rachetées au prix unitaire de 900 euros, tel n'a pas été le cas en 2006, le rachat, intervenu au prix unitaire de 535 euros, ne lui ayant procuré aucun gain. Toutefois, il est constant que Mme D... dispose encore de six cent cinquante-cinq actions de la société Ceres. Il n'est fait état d'aucune circonstance particulière, telle qu'une modification statutaire ou des difficultés financières de cette société, qui s'opposerait à un nouveau rachat de parts. L'opération réalisée par Mme D... peut ainsi être amenée à se reproduire. D'ailleurs, la société Ceres a pratiqué le rachat de parts au profit de plusieurs de ses associés au cours de la période 2007-2008. Dans ces conditions, la plus-value réalisée par la requérante doit être regardée comme un revenu susceptible d'être recueilli annuellement au sens des dispositions précitées de l'article 163-0 du code général des impôts. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'imposition de ce revenu selon le mécanisme du quotient prévu par les dispositions précitées de l'article 163-0 A du code général des impôts
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- M. A...et Mme Courbon, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
N° 18MA01463 5