Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2014 et des mémoires enregistrés le 19 août 2014, le 28 octobre 2015 et le 21 mars 2016, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 26 décembre 2013 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il ne lui a pas accordé entière satisfaction ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions demeurant à... euros en matière d'impôt sur le revenu et de la somme de 52 430 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
3°) de lui accorder le sursis de paiement des impositions en litige.
Il soutient que :
- les pièces de la procédure d'examen contradictoire d'ensemble de sa situation fiscale personnelle ont été envoyées à une adresse à laquelle il n'habitait plus ;
- l'envoi de la proposition de rectification moins de quinze jours après l'envoi de la demande d'éclaircissements et de justifications a méconnu le délai prévu à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales ;
- l'administration supporte la charge de la preuve ;
- des crédits bancaires et des virements de compte à compte n'ont pas été pris en considération ;
- l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales n'était pas applicable ;
- les achats qui ont servi de base à la reconstitution ont été effectués à titre privé ;
- la reconstitution de ses recettes est sommaire ;
- une méthode alternative de reconstitution doit être retenue ;
- les sommes qui ont été qualifiées de recettes professionnelles ne peuvent pas être regardées comme des revenus d'origine indéterminée ;
- les dégrèvements successifs opérés par l'administration fiscale montrent la faiblesse de la position qu'elle a initialement retenue.
Par des mémoires en défense enregistrés le 22 juillet 2014 et le 26 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de M. E.sa charge à concurrence de la somme de 55 916
Il soutient que :
- les prétentions de M. E... ne sont recevables qu'à hauteur de 48 875 euros en ce qui concerne les cotisations d'impôt sur le revenu des années 2007 et 2008 et 51 167 euros en ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ;
- la demande de sursis de paiement n'est pas recevable ;
- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté le 21 octobre 2015 par le ministre chargé du budget.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2007 et 2008, M. E... a fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée après la découverte, par l'administration fiscale, d'une activité qualifiée d'occulte ; que M. E... demande à la Cour d'annuler le jugement du 26 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la recevabilité des conclusions de M. E... :
2. Considérant que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige s'élèvent, en droits et pénalités, à 34 874 euros au titre de l'année 2007 et à 14 001 euros au titre de l'année 2008 ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige s'élèvent à 35 998 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 et à 15 169 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 ; que les conclusions de la requête de M. E... sont, en ce qu'elles excèdent ces montants, irrecevables ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, que M. E... soutient que l'examen contradictoire d'ensemble de sa situation fiscale personnelle serait irrégulier du fait de l'envoi des pièces de procédure par l'administration fiscale à une ancienne adresse située au 3970 du chemin du Carreau de Lanes à Nîmes à laquelle il ne résidait plus ; que, toutefois, il ne conteste pas avoir mentionné cette adresse sur sa déclaration des revenus de l'année 2009 souscrite en 2010 et sur sa déclaration des revenus de l'année 2011 souscrite en 2012 ; qu'il a réceptionné, le 14 janvier 2010, l'avis de vérification de sa situation fiscale personnelle à cette même adresse ; qu'il n'est pas contesté que les courriers adressés par l'administration fiscale le 18 janvier 2010, le 17 mars 2010, le 14 avril 2010 et le 29 mai 2010 ont été retournés revêtus de la mention " non réclamé " et que la demande de justifications adressée le 20 juillet 2010 a été retournée avec la mention " refusé " et non pas " N'habite pas à l'adresse indiquée " ; que, si M. E... soutient que la personne ayant refusé ce dernier courrier n'avait pas qualité pour ce faire, il ne l'établit pas ; qu'en outre, le contribuable ne produit aucun courrier par lequel il aurait informé l'administration fiscale du changement d'adresse qu'il invoque ; que s'il indique que le conciliateur du Gard lui a adressé le 7 décembre 2009 un courrier à l'adresse du 2 de la place Avogadro à Nîmes, chez sa mère chez laquelle il indique résider, et que le contrôleur s'est présenté le 21 janvier 2010 à cette même adresse, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'il aurait averti, à une date d'ailleurs non précisée, l'administration fiscale de son changement de domicile ; que, dans ces conditions, les pièces de procédure dans leur ensemble y compris l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2010 doivent être regardées comme ayant été régulièrement envoyées à M. E... à l'adresse du 3970 du chemin du Carreau de Lanes à Nîmes ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " (...) Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " et qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 " ;
5. Considérant qu'il résulte de la proposition de rectification du 5 août 2010 que celle-ci fonde les redressements assignés au contribuable non pas sur l'absence de réponse à la demande de justification qui lui a été adressée le 20 juillet 2010 et qu'il a d'ailleurs refusée mais sur les seules informations recueillies dans le cadre de l'exercice du droit de communication exercé par l'administration fiscale auprès des banques et de certaines entreprises, qui ont révélé l'exercice par M. E... d'une activité professionnelle ; que le moyen par lequel M. E... reproche à l'administration fiscale de lui avoir adressé la proposition de rectification du 5 août 2010 alors que la demande de justifications ne lui avait été adressée que le 20 juillet précédent et que le délai de réponse qui lui était imparti n'était pas expiré, ne peut, par suite, qu'être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le contribuable n'ayant transmis à l'administration fiscale aucun de ses relevés bancaires, celle-ci a exercé, comme il a été dit au point précédent, son droit de communication auprès des établissements bancaires et auprès de professionnels du bâtiment ; qu'il est apparu que M. E..., qui déclarait ne plus avoir d'activité professionnelle, portait régulièrement des sommes sur ses comptes bancaires pour des montants cumulés de 120 205 euros en 2007 et de 50 147 euros en 2008, en provenance de professionnels du bâtiment et d'une compagnie d'assurances ; que l'analyse des débits bancaires a, quant à elle, révélé que M. E... avait effectué des achats réguliers de matériaux au cours de ces deux années ; que le vérificateur en a déduit que M. E... qui avait par ailleurs dirigé l'EURL AMT Façades, spécialisée dans le domaine du bâtiment, jusqu'à sa cessation d'activité au 31 décembre 2006, avait continué d'exercer cette activité à titre occulte ; que si M. E... conteste cette analyse, il ne produit, exception faite de trois sommes d'un montant cumulé de 23 579 euros perçues en 2007, pas davantage d'explication en appel qu'en première instance sur l'origine des sommes perçues par lui et portées sur ses comptes bancaires et sur l'emploi de fonds auprès des entreprises de bâtiment ; que, par suite, l'administration fiscale établit que M. E... a exercé au cours des années 2007 et 2008 une activité occulte, dans le secteur du bâtiment ; que l'activité occulte ayant été découverte au cours de l'examen de situation fiscale personnelle, l'administration n'était pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour tirer les conséquences de cette activité sur la situation fiscale du contribuable ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
7. Considérant que les impositions ont été régulièrement établies selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée et selon la procédure d'évaluation d'office prévue au 1° de l'article L. 73 du même livre en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux ; que le requérant supporte, en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition ;
8. Considérant que l'administration fiscale a déterminé la taxe sur la valeur ajoutée collectée par le contribuable par référence aux sommes inscrites au crédit de ses comptes bancaires et appliqué, à défaut de toute précision sur les travaux effectués, un taux de 19,6 % ; que la taxe sur la valeur ajoutée déductible a été déterminée à partir des factures obtenues dans le cadre du droit de communication auprès de l'entreprise FIC, seules factures ayant pu être prises en compte à défaut de tout autre justificatif ; que le chiffre d'affaires a été déterminé à partir des encaissements sur les comptes bancaires ; que M. E... soutient que cette reconstitution serait excessivement sommaire et produit, en cours d'instance devant la Cour, certains justificatifs des sommes figurant sur ses comptes bancaires et différentes factures ;
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. E... a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 :
9. Considérant, d'une part que, s'agissant des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires, M. E... établit, par les documents qu'il produit, que les sommes versées par la compagnie d'assurance Pacifica sur le compte CRCA pour des montants de 7 500 euros le 10 avril 2007, 8 000 euros le 18 mai et 8 079 euros le 11 juin 2007 sont consécutives à un sinistre privé survenu le 11 mai 2007 à son domicile et ne constituent pas des recettes professionnelles ; que la somme de 8,66 euros versée par la même compagnie d'assurance n'est, en revanche, pas justifiée ; que, s'agissant du règlement de la somme de 2 400 euros par l'entreprise AMT Façades créditée le 4 juin 2007, l'origine non professionnelle n'est pas établie ; que les ventes de meubles alléguées pour 3 000 euros et le prêt qui aurait été consenti à Mme A... pour 4 000 euros et remboursé ne sont pas justifiés ; que l'origine privée de virements des comptes personnels vers un compte joint n'est pas établie ; que M. E... n'établit pas davantage que la somme de 4 800 euros portée au crédit de son compte personnel à la Caisse d'Épargne n'aurait pas une origine professionnelle, la production d'un relevé de compte de la société AMT Façades du 23 juin 2006 établissant qu'il a consenti un prêt à cette société ne suffisant pas à établir un lien avec la somme de 4 800 euros ; que l'origine de trois autres sommes de 20 000 euros, 1 700 euros et 2 000 euros demeure inconnue ; que la vente d'un véhicule pour un montant de 9 000 euros n'est pas prouvée ; que le caractère non professionnel de virements internes pour 2 000 euros et 600 euros n'est pas établi ; que le caractère non imposable de la somme de 4 000 euros versée par M. B... C...et des sommes de 2 000 euros et de 2 528 euros qui aurait été réglées par la société Arnaud Façades pour un chantier réalisé en 2006 n'est pas justifié ; qu'il en résulte que M. E... est seulement fondé à demander, comme il a été dit au point 6, que ses bénéfices industriels et commerciaux soient réduits de la somme de 23 579 euros au titre de l'année 2007 ;
En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à M. E... pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 :
10. Considérant que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, imputable sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée et permettant de déterminer la taxe sur la valeur ajoutée due, a été établi par le vérificateur à partir des factures établies par le fournisseur FIC et adressées à M. E... ; que les factures d'achat produites au cours de la procédure d'appel ont, pour la plupart, été prises en compte par le vérificateur ; que, s'agissant des factures qui n'ont pas été prises en considération par l'administration fiscale, doivent être exclues celles qui ne comportent pas l'adresse complète ou la dénomination exacte de M. E..., ou qui sont raturées soit les factures figurant en pièces 38 pour 90,15 euros, 39 pour 218,27 euros, 45 pour 66,94 euros, 48 pour 64,92 euros, 49 pour 92,61 euros, 51 pour 181,70 euros, 67 pour 191,28euros, 70 pour 32,32 euros, 71 pour 65,99 euros, 73 pour 32,83 euros et 78 pour 120,85 euros ;
11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, doit seule être prise en compte pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de l'année 2007 la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures du fournisseur FIC du 3 avril 2007 pour 2,93 euros, du 4 avril 2007 pour 2,44 euros, du 6 avril 2007 pour 4,07 euros, du 13 avril 2007 pour 20,94 euros et du 6 septembre 2007 pour 17,57 euros soit un total pour l'année 2007 de 47,95 euros ; que, s'agissant de l'année 2008, doit être acceptée la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures du 20 mai 2008 pour 5,46 euros, du 7 août 2008 pour 21,60 euros, du 11 août 2008 pour 11,81 euros et du 8 août 2008 pour 6,93 euros soit un total pour l'exercice 2008 de 45,80 euros ; que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible doit donc être majoré de 47,95 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et de 45,95 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008 ;
12. Considérant que M. E... qui ne propose aucune autre méthode sérieuse de reconstitution n'établit pas que celle effectuée par l'administration fiscale serait excessivement sommaire ou radicalement viciée ; qu'enfin, les dégrèvements prononcés en cours d'instance devant le tribunal administratif de Nîmes ne peuvent être regardés comme constituant une prise de position de l'administration fiscale au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits et pénalités correspondant à une diminution de 23 579 euros des bases de ses bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2007 et a refusé de prendre en compte la taxe sur la valeur ajoutée déductible pour un montant de 47,95 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 et de 45,95 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 ; qu'il y a lieu également de rejeter les conclusions de M. E... tendant au sursis de paiement des impositions en litige, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit une procédure de sursis de paiement des impositions contestées durant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel ;
D É C I D E :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assigné à M. E... au titre de l'année 2007 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est réduite d'un montant de 23 579 euros.
Article 2 : M. E... est déchargé, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible par M. E... est majoré de 47,95 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et de 45,95 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008. Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 est réduit en conséquence.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 décembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 14MA00681