Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2015 et un mémoire enregistré le 17 novembre 2015, la SARL SNDL, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 mars 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre de l'année 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'administration a réintégré, à tort, une provision pour créances douteuses à hauteur des intérêts présentant un risque de non-recouvrement pour un montant de 70 283,53 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés le 18 septembre 2015 et le 24 novembre 2015, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête et, à titre incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a réduit les bases de l'impôt sur les sociétés de la SARL SNDL au titre des années 2008 et 2009 à concurrence des sommes correspondant à la réintégration dans ses résultats imposables de profits sur le Trésor et a prononcé la décharge des impositions correspondantes.
Il soutient que :
- les conclusions de la SARL SNDL tendant à la décharge des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de profits sur le Trésor étaient irrecevables et sans objet en l'absence d'une telle réintégration ;
- le montant de la provision dont la requérante conteste la réintégration à hauteur de 70 283,53 euros n'est pas justifié ;
- le risque de non-recouvrement de la créance n'est pas justifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Société nouvelle de déménagement Lafarge (SNDL), qui exerce une activité de transport maritime, a été assujettie, à la suite d'une vérification de comptabilité, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009 ; que, par un jugement du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Bastia a entendu réduire les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la SARL SNDL au titre des années 2008 et 2009 à concurrence des sommes correspondant à la réintégration dans ses résultats imposables de profits sur le Trésor, a prononcé la décharge des impositions correspondantes et a rejeté le surplus de ses demandes ; que la société relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas accordé entière satisfaction en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ; que le ministre chargé du budget demande la réformation du jugement en tant qu'il a entendu réduire les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL SNDL a été assujettie au titres des années 2008 et 2009 ;
Sur les conclusions de la SARL SNDL :
2. Considérant qu'aux termes du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, (...) notamment : (...) : Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise ne peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, qu'à la condition que ces pertes soient subies ou ces charges soient supportées à la suite d'opérations se rattachant à la gestion normale de l'entreprise ; qu'en outre, des fonds détournés ne peuvent donner lieu à la constitution d'une provision pour perte mais doivent être regardés comme des bénéfices sociaux appréhendés par l'auteur des détournements dès lors qu'ils n'ont pu rester ignorés des principaux dirigeants ou associés ;
3. Considérant que la SARL SNDL a comptabilisé une provision pour risques et charges d'un montant de 138 965 euros sous le libellé " dépréciation des comptes courants d'associés " concernant le risque de non recouvrement d'une créance qu'elle détenait sur l'un de ses associés, auteur de détournements de fonds ; que l'administration a réintégré cette somme au titre de l'exercice clos en 2008, premier exercice non prescrit, au motif que la charge correspondante n'était pas déductible dès lors qu'elle ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une gestion normale ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des faits constatés par le tribunal de grande instance de Bastia par jugement du 7 mars 2000 statuant en matière correctionnelle que l'associé de la SARL SNDL s'était livré à des détournements de fonds et que, par jugement du 10 septembre 2009, le même tribunal, statuant en matière civile, a condamné cet associé à verser à la SARL SNDL une somme correspondant à ces détournements ; que la provision pour créance douteuse constituée par la SARL SNDL correspond à ce montant ; que la société requérante, qui conteste la réintégration de cette provision à raison des seuls intérêts de sa créance, soit 70 283,53 euros, n'établit ni même n'allègue qu'elle ignorait l'existence des détournements alors que la dénonciation au procureur de la République des faits délictueux a pour origine un signalement de l'administrateur provisoire désigné par le président du tribunal de commerce de Bastia par ordonnance de référé du 23 août 1997, à la suite d'une mésentente entre les associés ; que, dans ces conditions, eu égard également à la circonstance que l'associé auteur des détournements détenait 50 % du capital social de la société, ceux-ci ne peuvent être réputés avoir été commis à l'insu de la SARL SNDL et sont contraires à une gestion commerciale normale ; que la société n'était pas fondée à provisionner cette créance pas plus que les intérêts qu'elle produisait, lesquels ne se rattachaient pas davantage que la créance principale à une gestion normale ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la provision aux bénéfices imposables de la SARL SNDL au titre de l'année 2008 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL SNDL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions du ministre chargé du budget :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement portant sur la créance n° 1225340 relative à l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société au titre des exercices clos en 2008 et en 2009 pour un montant total de 38 218 euros est conforme aux conséquences financières notifiées à la société requérante dans la réponse aux observations du contribuable du 11 octobre 2011 par laquelle l'administration fiscale a abandonné les rectifications opérées au titre de profits sur le Trésor ; que, par suite, la demande présentée par la société devant le tribunal administratif tendant à la réduction, à concurrence des sommes correspondant à la réintégration dans ses résultats imposables de tels profits, de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009 était irrecevable ; que le jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 mars 2015 doit, dès lors, être annulé dans cette mesure ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer partiellement les conclusions de la demande de la SARL SNDL et de constater l'irrecevabilité des conclusions de la société relatives aux rectifications qui auraient été effectuées au titre de profits sur le Trésor ;
Sur les conclusions de la SARL SNDL tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par la SARL SNDL et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1300318 du tribunal administratif de Bastia du 19 mars 2015 est annulé en tant qu'il a prononcé la réduction, à concurrence de sommes correspondant à la réintégration de profits sur le Trésor, des bases imposables de la SARL SNDL à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009.
Article 2 : La demande présentée par la SARL SNDL devant le tribunal administratif de Bastia tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables de profits sur le Trésor et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société nouvelle de déménagement Lafarge et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15MA02022