Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars 2017 et le 7 février 2018, la SARL Polygoninox, représentée par Me A... de la SCP Alcade et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son établissement ne peut être qualifié d'industriel ;
- son activité est artisanale et la masse salariale représente un poste important de ses charges ;
- elle apporte la preuve que le rôle de l'outillage dans l'atelier de la société n'est pas prépondérant, ni quantitativement ni qualitativement dès lors que le rôle humain et du travail manuel reste essentiel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société requérante.
Une note en délibéré présentée pour la SARL Polygoninox a été enregistrée le 3 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle sur pièces de la SARL Polygoninox, qui a pour objet la vente de matériel agricole, les travaux de tuyauterie, de chaudronnerie et de serrurerie, l'administration fiscale a considéré que cette société avait une activité revêtant un caractère industriel et qu'en conséquence, la valeur locative des biens immobiliers qu'elle exploitait, passibles de taxe foncière et servant de base à la cotisation foncière des entreprises, devait être déterminée selon la méthode comptable d'évaluation propre aux établissements industriels. L'administration fiscale a, par suite, notifié des rectifications en matière de cotisation foncière des entreprises (CFE) par lettre du 25 août 2014 à la société au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement du 31 janvier 2017, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de CFE qui ont été mises à sa charge au titre des années précitées.
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1 500 du même code : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 324 AE de l'annexe III au même code : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. ". Il résulte de ces dispositions que la cotisation foncière des entreprises a notamment pour base la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle déterminée, pour les biens passibles d'une taxe foncière, suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Pour l'application de ces dispositions, revêtent un caractère industriel les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste en la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
3. La SARL Polygoninox exerce quatre activités. La tuyauterie consiste en la fabrication et la pose de tuyauterie en acier, inox ou PVC chez ses clients, essentiellement pour des producteurs agricoles ou des stations d'épuration. La chaudronnerie consiste en la découpe, le travail et la soudure du métal pour la production de biens à usage agricole. La serrurerie consiste en la fabrication de structures métalliques diverses utilisées par le secteur du bâtiment, tels que des escaliers, des garde-corps, passerelles ou menuiseries en acier ou aluminium pour fenêtres. Enfin, la société exerce l'activité de négoce de matériels de travaux destinés à un usage agricole. Pour rectifier la valeur locative des immobilisations utilisées par la société Polygoninox, passible de taxe foncière et servant de base au calcul de la cotisation foncière des entreprises, l'administration fiscale a estimé que cette dernière exerçait une activité industrielle dans le domaine du traitement des métaux et relevait que la valeur locative des immobilisations utilisées pour son activité devait être déterminée selon la méthode comptable d'évaluation propre aux établissements industriels prévue à l'article 1499 du code général des impôts.
4. Il résulte de l'instruction que la société requérante a réalisé au titre de l'exercice clos en 2013 un chiffre d'affaires net de 3 187 429 euros de production de biens et services et vente de marchandises et emploie, pour ce faire, vingt-sept personnes dont six affectées à l'étalier et quatorze aux chantiers, soit vingt personnes affectées à la production. La société occupe un bâtiment d'une superficie totale de 1 924 m² situé sur une parcelle de 5 364 m², dont 1 683 m² d'atelier de production et de fabrication contenant des installations techniques et des outillages industriels ainsi que des espaces dédiés au stockage des marchandises destinées à être transformées. Sur son site internet, la société appelante se présente comme une entreprise de transformation de biens corporels. Au titre de l'exercice 2013, le montant du matériel utilisé pour ses activités de production s'élevait à 668 135 euros sur un total d'immobilisations corporelles de 853 695 euros, soit 78 % des immobilisations corporelles.
5. Il est constant que la société requérante réalise une activité de fabrication et de transformation de pièces métalliques, notamment par découpe, pliage et assemblage. Elle exerce de ce fait une activité de fabrication de biens corporels mobiliers au regard de l'article 1499 du code général des impôts. Par ailleurs, l'appartenance de la société appelante au secteur de l'artisanat du bâtiment est dépourvue de pertinence pour déterminer si l'ensemble immobilier en cause doit recevoir la qualification d'établissement industriel. Pour se prononcer sur la pertinence de cette qualification, il convient uniquement de s'attacher à l'importance et au rôle des moyens techniques de production dans les opérations pour lesquelles l'immeuble à évaluer est principalement utilisé.
6. Si la société requérante fait valoir que l'activité principale de tuyauterie se réalise dans sa quasi-intégralité sur site chez le client et que l'unique travail de tuyauterie en atelier est la découpe à l'aide du coupe tube spécial, les opérations de stockage des longs tubes et des raccords s'inscrivent nécessairement dans le processus de production. Si la société requérante soutient que le rail-palan utilisé dans l'atelier pour la chaudronnerie serait actionné à la main par les employés et que la poinçonneuse est utilisée ponctuellement, il n'est pas sérieusement contesté que ces machines de découpe et de pliage sont nécessaires à la production des biens corporels dont s'agit. Concernant l'activité de serrurerie représentant 8,22 % du chiffre d'affaires consistant en la création manuelle de structures métalliques, il n'est pas contesté que les matériels employés de découpe, meule scie à ruban et des poses de soudure, d'un montant de 44 845 euros, qui revêtent une valeur non négligeable, sont déterminants dans le processus de fabrication et de transformation des produits. Ainsi, il résulte de l'instruction que les trois secteurs de tuyauterie, chaudronnerie et serrurerie utilisent des installations techniques, des matériels et un outillage spécifique de démultiplication de la force humaine, et que l'accomplissement des tâches du personnel affecté à l'activité réalisée au sein du bâtiment y rend nécessaire la présence des moyens techniques importants. La société requérante ne conteste pas que lesdites activités ne pourraient pas être exercées dans les mêmes conditions en l'absence de ces moyens utilisés. Si la société Polygoninox fait état d'une activité non industrielle de conception des produits qu'elle fabrique et vend ainsi qu'une activité de pose de ces produits et de négoce de matériels de travaux destinés à un usage agricole, il résulte de l'instruction que lesdites activités de conception et de pose des produits fabriqués ou finis sont étroitement liées à son activité principale de fabrication et de transformation déployée sur le site exploité par l'établissement tandis que l'activité de négoce, qui emploie un salarié et dont le matériel ne transite pas sur le site, y est marginale. Aussi, les installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre par la société Polygoninox sur le site de Rivesaltes jouent un rôle prépondérant dans l'activité qu'elle y déploie. Par suite, même si la part des opérations manuelles dans le processus de fabrication et de transformation des biens corporels mobiliers demeure importante, l'activité réalisée par la SARL Polygoninox la place dans le champ d'application de l'article 1499 du code général des impôts applicable aux établissements industriels. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les immobilisations revêtaient un caractère industriel et a retenu la méthode d'évaluation prévue à l'article 1499 du code général des impôts.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Polygoninox n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Polygoninox est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Polygoninox et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
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N° 17MA01351