Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2018, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros de jour de retard et, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande sous les mêmes conditions de délais et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- l'auteur de l'acte attaqué est incompétent ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 313-13 du même code ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, notamment compte tenu des critères de la circulaire du 28 novembre 2012, et du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette illégalité manifeste de la décision a créé un trouble dans ses conditions d'existence ouvrant droit à réparation au titre du préjudice moral subi.
En application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2018.
Par mesure en date du 24 janvier 2019, la Cour a informé les parties de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'au regard de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, la requérante ne justifiant pas avoir introduit de demande préalable auprès du préfet des Bouches-du-Rhône en vue d'obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi allégué, et par suite, le contentieux n'étant pas lié, ses conclusions indemnitaires présentées dans la présente instance sont, en toute état de cause, irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 28 janvier 2019, Mme D..., représentée par Me C..., a présenté des observations en réponse à ce moyen relevé d'office.
Un mémoire présenté pour Mme D... a été enregistré le 26 avril 2019.
La requête a été communiquée au préfet Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les observations de Me C... pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions en excès de pouvoir :
1. MmeD..., née le 20 décembre 1996, de nationalité arménienne, a fait l'objet d'un arrêté du 31 octobre 2016, notifié le 8 novembre 2016, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour. La requérante relève appel du jugement n° 1701243 du 10 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et sa demande d'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive de cette décision.
2. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée par M. B... E..., fonctionnaire du bureau de l'éloignement et du contentieux, en vertu d'une délégation de signature accordée par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 31 octobre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département le 22 septembre 2016. Le signataire tenait de cette délégation le pouvoir de signer l'arrêté dont s'agit. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision en litige serait l'acte d'un fonctionnaire sans qualité pour la signer doit être écarté.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. A l'appui de sa requête, Mme D... fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire français pour la dernière fois, le 22 mai 2014, en compagnie de son frère et de sa mère et que cette dernière s'est vue délivrer un titre de séjour " étranger malade " en juin 2016. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D..., majeure âgée de vingt ans à la date de l'arrêté attaqué et célibataire et sans enfant, a vécu au moins jusqu'à l'âge de seize ans dans son pays d'origine, où réside au moins son père. Si la requérante se prévaut de l'état de santé de sa mère, qui souffre de troubles psychiatriques et est titulaire d'une allocation adulte handicapé, elle n'établit pas le caractère indispensable de sa présence auprès de sa mère. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions irrégulières de son séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la mesure attaquée. L'arrêté en litige, par suite, ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313 11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
6. Eu égard à la situation socio-professionnelle de Mme D..., sans emploi qui a été scolarisée entre 2014 et 2016, et à sa situation personnelle telle que décrite ci-dessus, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement estimé que l'admission au séjour de l'intéressée ne répondait à aucune considération humanitaire ou ne se justifiait au regard d'aucun motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Enfin, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui ne revêt pas de caractère impératif.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
8. Aux termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la requête : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
9. Mme D... ne justifie pas avoir introduit de demande préalable auprès du préfet des Bouches-du-Rhône en vue d'obtenir une indemnité. Dès lors, le contentieux n'étant pas lié, ses conclusions indemnitaires présentées dans la présente instance sont, en tout état de cause, irrecevables.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
2
N° 18MA03442