Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2014, la SAS Résidence Notre Dame, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 novembre 2013 ;
2°) de lui accorder la décharge et le remboursement demandés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts et le paragraphe II de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 portent atteinte à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de même qu'à l'article 6 paragraphe 1 de cette même convention.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Résidence Notre Dame ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment ses articles 34 et 61-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ;
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 et notamment son article 39 ;
- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 et n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Résidence Notre Dame relève appel du jugement du 7 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge et au remboursement de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises, augmentée de 1 % au titre des frais de gestion, qu'elle a acquittée au titre des années 2011 et 2012 dans les rôles de la commune de Parignargues ;
Sur les dispositions applicables de l'article 1600 du code général des impôts :
2. Considérant que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont il est demandé la décharge et le remboursement, a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; que le paragraphe I de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, un nouvel alinéa aux termes duquel : " La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette dernière " ; que le paragraphe II du même article 39 a prévu que le nouvel alinéa relatif aux modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises précité était applicable " aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;
3. Considérant que, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que les dispositions contestées ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et que le législateur avait ainsi méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; qu'après avoir visé les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012, le Conseil constitutionnel a décidé, en application de l'article 62 de la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision et que le moyen d'inconstitutionnalité ne pouvait être invoqué qu'à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 ; que, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2011 de finances rectificative pour 2012 ;
4. Considérant qu'en application des dispositions rétroactives de l'article 39 de la loi du 16 août 2011 de finances rectificative pour 2012, les dispositions de l'article 1600 du code général des impôts telles que modifiées trouvent à s'appliquer aux droits acquittés par la requérante dont la réclamation a été présentée à l'administration fiscale le 24 juillet 2012 ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " ;
6. Considérant qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ;
7. Considérant que l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est issu d'un amendement parlementaire adopté en commission à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2012 ; que le législateur a entendu éviter que la présentation de l'amendement n'incite les contribuables à contester leur imposition avant la publication de la loi ; qu'il résulte de ces circonstances qu'à la date à laquelle elle a présenté sa réclamation, le 24 juillet 2012, la société requérante ne pouvait faire état d'une espérance légitime d'obtenir la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige en se prévalant de l'absence de définition des modalités de recouvrement de cette taxe ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
8. Considérant que la requérante soutient qu'elle a été privée, de par l'intervention rétroactive du législateur, des garanties d'un procès équitable prévues à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel " 1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ;
9. Considérant que ces stipulations ne peuvent, toutefois, être utilement invoquées par la SAS Résidence Notre Dame, à qui aucune pénalité n'a été infligée, pour contester les droits en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Résidence Notre Dame n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Résidence Notre Dame est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Résidence Notre Dame et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré à l'issue de l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller.
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
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N° 14MA00140 2