Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2015, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 mai 2015 ;
2°) de prononcer l'annulation demandée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me B..., qui s'engage à renoncer à percevoir l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle ;
6°) en cas d'absence d'aide juridictionnelle de mettre à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros.
M. C... soutient que :
- les décisions ne sont pas suffisamment motivées ; le préfet fait valoir à tort qu'il n'a pas de situation professionnelle et qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, alors qu'il avait transmis les éléments permettant d'établir son insertion professionnelle et ses attaches en France ;
- il peut se prévaloir des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il est entré régulièrement en France en 2010, muni d'un visa de court séjour, pour visiter sa famille ; il a épousé une ressortissante française et, s'il a divorcé, c'est en raison des troubles psychiatriques de celle-ci ; il vit aux côtés de sa famille et constitue le seul soutien de sa mère très âgée, comme le prouve le certificat médical produit au dossier ;
- il a une insertion professionnelle certaine, qui n'est remise en cause que parce qu'il n'a pas de titre de séjour ;
- il peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il peut également se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2015, le préfet du département du Gard conclut au rejet de la requête de M. C....
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 octobre 2015.
Vu :
- le courrier adressé le 12 novembre 2015 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Paix.
1. Considérant que M. C..., de nationalité algérienne, demande l'annulation du jugement du 19 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 31 décembre 2014 par lequel le préfet du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait le cas échéant reconduit ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que l'arrêté du préfet du Gard refusant d'admettre au séjour M. C... vise les textes applicables à sa situation et notamment l'accord franco-algérien, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il mentionne notamment que M. C... est entré en France le 18 juillet 2010 muni d'un visa de court séjour, qu'il a épousé une ressortissante française, dont il a divorcé, que sa famille réside en France et qu'il ne fait valoir aucune insertion professionnelle ; que le préfet du Gard a donc mentionné les circonstances de fait et de droit justifiant la décision prise, qui n'est de ce fait pas stéréotypée ; que si M. C... soutient que certaines des affirmations contenues dans la décision seraient erronées, cette circonstance qui est relative au bien-fondé de la décision, est sans incidence sur la motivation de l'arrêté querellé ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation a donc à bon droit été écarté par le tribunal administratif de Nîmes ;
3. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. C... est entré en France à une date indéterminée et dans l'espace Schenghen, via l'Allemagne, le 18 juillet 2010 muni d'un visa C valable du 15 juillet 2010 au 29 juillet 2010 ; qu'il indique avoir rejoint la France le 18 juillet 2010 ; qu'il a épousé le 25 juin 2013 une ressortissante française ; que le couple a divorcé le 17 avril 2014 ; que le préfet du Gard, saisi de la demande de renouvellement de titre de séjour par l'intéressé sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, a rejeté la demande qui lui était soumise ; que si M. C..., qui ne conteste pas que la communauté de vie avec son épouse avait cessé lorsqu'il a demandé le renouvellement de son titre de séjour soutient que celle-ci souffrait de troubles psychiatriques, cette circonstance au demeurant non établie, est sans incidence sur le présent litige ; qu'en outre, M. C... est entré en France au plus tôt à l'âge de trente-cinq ans ; qu'aucun enfant n'est issu de l'union qu'il avait contractée ; que si M. C... soutient que sa famille proche se trouve en France, il n'établit pas, compte tenu notamment de ce qu'il a vécu jusqu'à une période récente dans son pays d'origine et en l'absence de production d'un livret de famille ou de toute autre pièce d'état civil, être dépourvu de tout lien dans celui-ci ; que si M. C... indique enfin qu'il est le soutien de sa mère âgée et malade, ce qu'elle atteste, il n'est pas démontré que les trois soeurs de l'intéressé et son frère, présents sur le territoire français et résidant dans le département du Gard, ne pourraient apporter à celle-ci le soutien dont elle a besoin ; que, dans ces conditions, et comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nîmes, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé porterait une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale et qu'il aurait été pris en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes raisons, le refus de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant, en troisième lieu, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; qu'ainsi, les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir, pour l'obtention d'un titre de séjour, que des dispositions de cet accord ; que, par conséquent, M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ; qu'en tout état de cause il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 4, qu'en examinant la situation de l'intéressé, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation dont il dispose même sans texte ;
6. Considérant, en dernier lieu, et ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif de Nîmes, que la circulaire du 28 novembre 2012, qui n'a aucune valeur règlementaire, ne peut être utilement invoquée par les étrangers au soutien de leur demande d'annulation des refus de titres de séjours qui leur sont opposés ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; qu'il résulte de ce qui a été dit à propos de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de celle-ci à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision ; qu'ainsi la seule circonstance que le préfet du Gard n'ait pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé M. C... qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder ce dernier comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
9. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes raisons que celles exposées au point 4, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doit donc être rejeté ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
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N° 15MA02556 2