Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 mai 2016 et 19 décembre 2016, l'association Les Amis de Pablo Romero, représentée par la SCP ALCADE et associés agissant respectivement par Me B...et par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 mars 2016 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ;
- son activité est sans but lucratif au regard de la loi fiscale et des termes de l'instruction du 18 décembre 2006 référencée 4 H-5-06 ;
- la prescription en matière de taxe professionnelle n'a pas été régulièrement interrompue ;
- les recettes de l'exploitation de sa " bodega " sont exonérées en application du c. du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts comme le prévoit également le paragraphe 40 de la documentation administrative BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-20 ;
- la méthode de détermination de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés est sommaire ;
- l'intégralité de ses charges n'a pas été prise en compte.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'association Les Amis de Pablo Romero ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que l'association Les Amis de Pablo Romero relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et, enfin, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 à la suite d'une vérification de comptabilité ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " et qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
3. Considérant que, s'agissant des rectifications opérées en matière d'impôt sur les sociétés, la proposition de rectification du 16 décembre 2011 mentionne l'impôt concerné, les années d'imposition, le montant des rectifications opérées et leur fondement juridique ; qu'elle expose, notamment dans son annexe, la méthode retenue par le service pour reconstituer le résultat imposable et indique que les charges et produits, dont les montants sont précisés, retenus pour déterminer ce résultat correspondent aux valeurs comptables inscrites au bilan de l'association ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté ;
Sur le principe de l'assujettissement de l'association requérante à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la taxe professionnelle :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. (...) " ; qu'aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : / (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ; qu'aux termes de l'article 256 du code précité : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; que l'article 261 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, prévoit que : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : / 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. (...) / b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) / c. les recettes de six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l'année à leur profit exclusif par les organismes désignés au a et b ainsi que par les organismes permanents à caractère social des collectivités locales et des entreprises (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1447 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / II. Toutefois, la taxe n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa " ;
5. Considérant qu'en application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe professionnelle que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration, qui n'a pas remis en cause la gestion désintéressée de l'association Les Amis de Pablo Romero, a relevé que celle-ci ouvrait, durant les deux ferias annuelles qui ont lieu à Nîmes, une " bodega " et proposait, à d'autres personnes que ses membres ou leurs ayants-droit, des prestations de restauration rapide et des ventes de boissons dans des conditions similaires et dans la même zone géographique d'attraction que d'autres entreprises à caractère commercial ; qu'elle a également relevé que les tarifs pratiqués par l'association étaient similaires à ceux pratiqués par les autres établissements proposant les mêmes prestations et exploités commercialement dans l'agglomération nîmoise et qu'aucune modulation des tarifs n'était pratiquée en fonction de la situation des bénéficiaires de ces services ; que, dès lors, une telle activité présentait un caractère lucratif ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment de la seule production par l'association requérante d'un document recensant les différentes manifestations culturelles qu'elle a organisées, lesquelles ont présenté un caractère limité, que son activité non lucrative aurait été prépondérante ; qu'il résulte au contraire de l'instruction qu'au cours des années en litige, les ressources de l'association provenaient à plus de 80 % de l'exploitation de la " bodega " ; que, de même, il ressort tant de la proposition de rectification du 16 décembre 2011 que des fiches dénommées " synthèses de résultats ", produites par la requérante, que les frais liés au fonctionnement de la " bodega " représentaient l'essentiel des dépenses supportées par l'association et que, comme l'a relevé le tribunal administratif, l'exploitation de cette " bodega " mobilisait environ quatre-vingts bénévoles durant les ferias alors que les manifestations et autres événements culturels ainsi que la gestion du centre culturel n'étaient animés au cours des années en litige que par environ trente bénévoles ; qu'ainsi, l'activité lucrative de l'association Les amis de Pablo Romero présentant un caractère prépondérant, c'est à bon droit que l'administration l'a assujettie à la taxe sur la valeur ajouté, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'association Les Amis de Pablo Romero n'entrait pas dans le champ d'application du a. ou du b. du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ; que, par suite, elle ne peut prétendre au bénéfice des dispositions du c. du 1° du 7 du même article et bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes de six manifestations de bienfaisance ou de soutien ;
9. Considérant, en troisième lieu, que l'association requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des énonciations de l'instruction fiscale du 18 décembre 2006 référencée 4 H-5-06, relative au régime fiscal des organismes sans but lucratif ni, en tout état de cause, de celles des bulletins officiels des finances publiques publiés sous les références BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-20, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;
Sur la prescription des impositions à la taxe professionnelle :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle (...) peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " et qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, préalablement à la mise en recouvrement des cotisations de taxe professionnelle en litige, l'association Les Amis de Pablo Romero a reçu une lettre modèle 751 du 16 décembre 2011 l'informant de ce que l'administration envisageait de l'assujettir à la taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009 ; que ce document énonçait les motifs pour lesquels l'administration estimait que l'association devait être soumise à cet impôt, désignait l'imposition, l'année et le montant des bases que l'administration entendait retenir et comprenait, en annexe, un tableau précisant suffisamment, par année, la valeur des immobilisations ; que, par suite, quel que soit le bien-fondé de sa motivation, cette lettre a interrompu la prescription en application de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales et le délai de reprise dont disposait l'administration, qui n'était pas expiré lorsque les cotisations de taxe professionnelle ont été mises en recouvrement ;
Sur les bases de l'impôt sur les sociétés :
12. Considérant qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification du 16 décembre 2011 que le service, pour déterminer les résultats imposables de l'association requérante à l'impôt sur les sociétés des années 2008, 2009 et 2010, a retenu l'ensemble des produits et des charges qui étaient inscrits dans ses écritures comptables ; que la méthode ainsi retenue par le service ne présente pas un caractère sommaire ; que si l'association soutient que le service n'aurait pas pris en compte la totalité des charges qu'elle a supportées et notamment les amortissements pratiqués, elle ne l'établit pas par la seule production d'une fiche dite de synthèse de résultats dès lors que le montant des charges retenu par le service au titre de l'année 2008 est supérieur à celui, ressortant des propres calculs de la requérante, mentionné sur ladite fiche et que les montants des charges pris en compte par le service pour les années 2009 et 2010 correspondent à ceux dont se prévaut la requérante, l'administration ayant seulement minoré le montant de ces charges de celui de la taxe sur la valeur ajoutée déductible pour le montant déterminé après contrôle dans la proposition de rectification ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés des années 2009 et 2010, que l'association Les Amis de Pablo Romero n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Les Amis de Pablo Romero est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Les Amis de Pablo Romero et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
N° 16MA01966 6