Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me Robin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 janvier2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 26 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande, suivant la même astreinte, et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 75 I de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- en considérant que son entrée sur le territoire français n'a pas été régulière, le préfet a entaché son refus d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation, eu égard aux éléments de preuve de sa présence en France pendant la période de validité de son visa et du billet de bus pour le trajet Maroc-France qu'il produit ;
- en exigeant la preuve d'une date précise de son entrée en France, alors qu'il prouve sa présence pendant la période de validité de son visa, le préfet commet une erreur de droit dans l'application de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser de lui octroyer un titre de séjour ;
- en refusant de délivrer un titre de séjour au seul motif de son entrée irrégulière sur le territoire français, le préfet a omis d'exercer son pouvoir de régularisation, alors que la pathologie de son épouse justifie sa présence en France à ses côtés ;
- l'arrêté de refus en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet s'étant abstenu, à cet égard, de procéder à un examen sérieux de sa demande ;
- la mesure d'éloignement est illégal du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- en se bornant à constater l'existence d'un refus de titre pour l'obliger à quitter le territoire français, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- ladite mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité marocaine, qui a épousé une ressortissante de nationalité française le 24 août 2019 à Avignon, a présenté le 2 juillet 2020 une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française. Par arrêté du 26 août 2020, le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours, en fixant le pays de renvoi. Par jugement du 22 janvier 2021, dont
M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". L'article L. 313-2 du même code précise que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". En vertu de l'article L. 311-1 de ce code, tout étranger de plus de dix-huit ans souhaitant séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire, à tout le moins, d'un visa de long séjour.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L 211-2-1 du même code : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
4. Enfin, aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties Contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties Contractantes pendant la durée de validité du visa (...) ". L'article 22 de la même convention précise que : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Aux termes de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
" La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ".
5. Il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que le préfet ne peut délivrer lui-même un visa de long séjour au conjoint de ressortissant français que lorsque toutes les conditions qu'elles prévoient sont remplies, notamment celle d'une entrée régulière du demandeur en France. La souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
6. Pour refuser de faire droit à la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française, le préfet de Vaucluse s'est fondé sur l'unique motif tiré de ce que l'intéressé ne pouvait se voir délivrer sur place un visa de long séjour, faute pour lui de démontrer la régularité de son entrée sur le territoire français.
7. S'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapprochement du passeport et du visa Schengen de type C de l'intéressé, ainsi que du billet de transport routier produit pour la première fois en appel, que M. B... a quitté le Maroc le 17 février 2015 par voie maritime et pénétré sur le territoire espagnol le 18 février 2015, sous couvert de son visa Schengen valable du 15 février au 1er avril 2015, il ne justifie pas avoir souscrit la déclaration prévue à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, ni en être dispensé sur le fondement de l'article R. 212-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ni la prescription médicale du 20 février 2015, ni l'attestation de formation en français à compter de mars 2015 ni le relevé de compte bancaire ou la lettre de la banque postale du
18 mars 2015, qui ne sont pas de nature à établir une date d'entrée précise de l'intéressé sur le territoire français, ne peuvent compenser cette absence de déclaration. Dans ces conditions,
M. B... n'est pas fondé à prétendre qu'en refusant de lui accorder sur place un visa de long séjour, le préfet de Vaucluse aurait commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non plus qu'une erreur de droit dans la mise en œuvre de l'article
L. 211-2-1 du même code.
8. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence pour régulariser la situation du requérant doit être écarté par adoption des motifs adoptés à bon droit par le tribunal au point 6 de son jugement.
9. En troisième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... vit avec son épouse de nationalité française depuis leur mariage le 26 août 2019, les trois attestations produites par la première fois en appel, imprécises dans leur contenu et non assorties des pièces d'identité de leurs auteurs, ne permettent pas de déterminer une ancienneté plus importante de leur vie commune. Il ne résulte pas non plus des deux attestations médicales faisant état de la maladie auto-immune dont souffre son épouse et qui se manifeste notamment par des poussées inflammatoires, que cet état de santé rendrait indispensable la présence du requérant à ses côtés. Bien que présent depuis 2015 en France où vivent régulièrement ses parents, un de ses frères et sa sœur, l'intéressé a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 34 ans où il ne prétend pas ne plus disposer d'attaches familiales. Ainsi, nonobstant les formations reçues par le requérant en langue française et la promesse d'embauche dont il a bénéficié le 15 août 2020, l'arrêté de refus de titre de séjour, pris au terme d'un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé, n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, il doit en aller de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français
10. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le refus de titre de séjour en litige n'est pas entaché des illégalités dénoncées par M. B.... Celui-ci n'est donc pas fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite par le même arrêté de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de ce refus.
11. D'autre part, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêté litigieux ni des autres pièces du dossier que pour faire obligation au requérant de quitter le territoire français, le préfet de Vaucluse se serait cru lié par le constat que sa demande de titre de séjour a été rejetée. Le moyen tiré de l'incompétence négative ne peut ainsi être accueilli.
12. Enfin, aucune des considérations développées par M. B... au soutien de ses précédents moyens ne permet de considérer qu'en prenant la mesure d'éloignement en litige, le préfet de Vaucluse aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement querellé, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions liées aux frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Robin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.
N° 21MA02164 2