Par un jugement n° 2003545 et 2100485 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de son recours
n° 2003545 et a rejeté le surplus des conclusions de ce recours et le recours n° 2100485.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2021, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour
portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", et à défaut de procéder au réexamen de sa demande, après consultation de la commission du titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au bénéfice de Me Ruffel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- du fait de sa présence en France depuis plus de dix ans, la commission du titre de séjour aurait dû être consultée par le préfet avant de prendre l'arrêté en litige, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le préfet ne pouvait s'en dispenser en considérant, sans erreur de droit, que la totalité de son séjour était en situation irrégulière ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il ne justifiait pas de sa résidence habituelle en France avant 2010, compte tenu de la période à prendre en compte, et entre 2016 et 2019, compte tenu du nombre de justificatifs produits ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2021, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille, le 9 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- et les observations de Me Brulé, substituant Me Ruffel, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité marocaine et déclarant être entré en France au cours de l'année 2004, a déposé une première demande de titre de séjour le 2 juin 2014 qui a été rejetée par le préfet du Gard le 31 décembre 2014, et qui lui a valu une obligation de quitter le territoire français du même jour. Par jugement du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté son recours dirigé contre ces décisions et, par arrêt du 20 septembre 2016, la Cour a rejeté son appel contre ce jugement. Le 16 janvier 2020, M. B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour. Par un premier recours, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Gard a rejeté cette demande. Par un second recours, M. B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par jugement du
6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir joint ces deux demandes, a prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la première et a rejeté la seconde. M. B... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 2 décembre 2020.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". L'article L. 313-14 du même code ajoute que : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
3. Si M. B... prétend résider habituellement en France depuis 2007, et en tout état de cause depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige, et soutient qu'en conséquence, sa demande de titre de séjour aurait dû donner lieu à consultation de la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces produites en première instance et en appel que, pour les années 2010 et 2011, il n'en justifie que par la production de documents de nature médicale, propres à n'établir seulement qu'une présence ponctuelle sur le territoire français, et de pièces relatives à l'ouverture de droits sociaux. L'attestation établie par l'association " Les resto du cœur "
le 16 mars 2010, dont l'intéressé ne se prévaut d'ailleurs pas à ce titre, selon laquelle il y intervenait en tant que bénévole au service manutention depuis 2007, s'avère trop imprécise quant à ses périodes d'activité au cours des années correspondantes et partant sur le caractère continu de sa résidence en France. Il en va de même des attestations d'élection de domicile et d'accueil de jour d'une structure d'accueil, en date du 5 février et du 20 octobre 2010.
Quant à elle, compte tenu de sa date d'établissement en 2019, l'attestation de la Croix-Rouge aux termes de laquelle M. B... aurait été reçu en avril 2010 pour une demande d'aide médicale d'Etat ne saurait, à elle seule, établir la présence de l'intéressé en France à cette dernière date. Ainsi, M. B... ne justifiant pas de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux, ni d'ailleurs de la date exacte de son entrée sur le territoire national, c'est sans entacher sa décision d'irrégularité au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Gard a refusé son admission au séjour sans consulter la commission du titre de séjour, nonobstant la mention erronée dans son arrêté relative aux conséquences de l'irrégularité du séjour de l'intéressé.
4. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Il est constant, ainsi que l'affirme l'administration tant en première instance qu'en appel, que dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal administratif puis devant la Cour, relative à la légalité du refus de titre de séjour opposé le 31 décembre 2014, M. B... a déclaré être célibataire et sans enfant, sans faire état d'un concubinage stable et continu.
Au soutien de sa nouvelle demande de titre de séjour et de son recours contre l'arrêté en litige, comme de sa requête d'appel, M. B... affirme, en se bornant à produire en ce sens les attestations de son frère et de sa nièce, avoir épousé religieusement le 16 juillet 2013 une compatriote, titulaire d'une carte de résident permanent délivrée en 2016, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 16 juillet 2019 et avec qui il déclare vivre depuis le
1er juillet 2013. Si les nombreuses pièces produites démontrent une adresse commune aux intéressés depuis l'année 2013, M. B... ne livre aucune indication, non plus qu'aucun élément, de nature à expliquer la circonstance qu'avant 2019, il n'ait jamais fait mention auprès de l'autorité préfectorale ou du juge administratif de son union religieuse, dont il ne justifie pas suffisamment de la réalité, ou de sa vie commune avec une compatriote, dont il dispose pourtant de la procuration bancaire depuis le 4 décembre 2014. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait mené une relation stable et continue avec une compatriote en situation régulière avant le 16 juillet 2019, date de conclusion de leur pacte civil de solidarité. Compte tenu des conditions du séjour en France de l'intéressé, qui n'a pas déféré à la mesure d'éloignement du 31 décembre 2014, malgré le rejet de sa requête d'appel le
20 septembre 2016, de la faible durée de vie commune avec sa compagne à la date de l'arrêté litigieux, et malgré ses engagements associatifs, les deux promesses d'embauche en qualité de cuisinier et l'engagement militaire de son grand-père pour la France, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en signant cet arrêté, le préfet du Gard aurait porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il a été pris. Ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point 4 doivent donc être écartés. Pour les mêmes raisons, il doit en aller de même de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions relatives aux frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
N° 21MA036462