Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 avril 2019, le 30 août 2019 et le 10 janvier 2020, la SARL Tropicana, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 février 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en l'absence de présomptions suffisantes permettant d'en contester la sincérité, sa comptabilité, formellement régulière, ne peut être rejetée ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires, qui ne prend pas en compte les particularités de son activité, aboutit à des résultats incohérents et manifestement exagérés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juillet 2019 et le 9 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Tropicana ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SARL Tropicana.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Tropicana, qui exploite un bar-restaurant et une plage à Ramatuelle (Var) dans le quartier de Pampelonne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. Elle fait appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 54 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, lors du contrôle, la société a présenté les " tickets Z " de l'activité du restaurant, édités de façon biquotidienne pour l'année 2008 et quotidienne pour les années suivantes, le restaurant n'assurant plus de service en soirée. Ces tickets se limitent à globaliser les recettes et dès lors que la société n'a jamais édité de bandes de contrôle, qui récapitulent chaque opération de vente, ni n'a conservé la totalité des doubles des notes des clients, les pièces produites ne permettent pas de justifier l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations fiscales de la société. En outre, certaines anomalies, qui sont significatives, ont été constatées lors de la vérification, telle la présence notamment d'un stock final pour certains produits supérieur au stock initial et aux achats comptabilisés ou encore des achats revendus de certains produits supérieurs au montant des ventes résultant de l'exploitation des " tickets Z ". Les explications de la société tenant en particulier à l'existence de cadeaux de la part de fournisseurs ou à l'existence d'une comptabilité particulière pour les situations de " privatisation " de l'activité du restaurant ou aux erreurs qu'aurait commises le vérificateur, soit ne sont pas justifiées, soit aboutissent à des résultats incohérents s'agissant du niveau de consommation des clients en cas de " privatisation ". Par suite, nonobstant le caractère formellement régulier de la comptabilité de la société, l'administration établit qu'elle présente de graves irrégularités et n'est pas probante.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) ". L'administration n'ayant pas suivi l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en ce qu'il était favorable à l'abandon de la rectification de l'activité " plage " de la SARL Tropicana, elle supporte la charge de la preuve d'établir le bien-fondé des rectifications en litige.
5. En l'espèce, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de l'activité " bar restaurant " de la SARL Tropicana, hors organisation d'événements pour lesquels le restaurant est " privatisé ", en utilisant la méthode des liquides, dont le principe n'est pas contesté. La circonstance que le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration excèderait d'environ 30 % celui constaté à compter de l'année 2011 alors qu'à partir de cette date, la caisse utilisée enregistre l'ensemble des opérations et la société conserve la totalité des doubles des notes des clients n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la méthode de reconstitution. De même, le fait que les coefficients de marge ressortant des déclarations fiscales de la société pour les années en litige et pour les années ultérieures soient identiques aux coefficients moyens pour la profession établis par les centres de gestion agréés, contrairement aux coefficients résultant de la reconstitution opérée par l'administration, est également, en lui-même, sans incidence sur l'appréciation de la méthode de reconstitution.
6. L'administration a pris en compte l'existence de produits offerts en réduisant les chiffres d'affaires de l'activité " bar restaurant " hors " privatisations " de 1,66 %, 5,63 % et 1,67 % pour les années 2008, 2009 et 2010. Il est constant que ces taux résultent de l'exploitation des tickets Z et la société ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle un taux de 10 % devrait être retenu. La consommation du personnel a été également prise en compte lors de la reconstitution par l'administration qui a estimé que les achats de packs d'eau minérale et de bouteilles en grand format de certains sodas n'étaient pas revendus. Il ne résulte pas de l'instruction que la réduction du chiffre d'affaires en résultant serait inférieure à celle qui serait obtenue en utilisant la méthode préconisée par la SARL Tropicana consistant à retenir la consommation de deux cafés et d'un soda par jour et par employé.
7. Toutefois, la méthode de reconstitution n'a procédé à aucune réduction du chiffre d'affaires pour les pertes, le vol et la casse. Dans cette mesure, l'administration n'établit pas le bien-fondé de sa méthode et il y a lieu de réduire le chiffre d'affaires reconstitué, pour chacune des années en litige, de l'activité " bar restaurant ", hors organisation d'événements pour lesquels le restaurant est " privatisé ", d'un taux de 2 %.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Tropicana est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon ne lui a pas accordé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes, à raison d'un chiffre d'affaires reconstitué de l'activité " bar restaurant ", hors organisation d'événements pour lesquels le restaurant est " privatisé ", réduit d'un taux de 2 %.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à la SARL Tropicana au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la SARL Tropicana la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes, à raison d'une diminution de 2 % du chiffre d'affaires reconstitué de l'activité " bar restaurant ", hors organisation d'événements pour lesquels le restaurant est " privatisé ".
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1603259 du 25 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SARL Tropicana est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Tropicana et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :
- Mme D..., présidente de la Cour,
- M. A..., président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
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N° 19MA01955
nc