Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2019, M. A... C..., représenté par Me Moulin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 17 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le magistrat désigné a méconnu le caractère contradictoire de la procédure en procédant d'office à une substitution de base légale ou de motifs de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation avant de décider de l'obliger à quitter le territoire français ;
- le préfet, en l'obligeant à quitter le territoire français, a méconnu le 2° et le 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation s'agissant de la menace à l'ordre public ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché la décision l'obligeant à quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation s'agissant de ses garanties de représentation ;
- la décision d'interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 22226 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 juin 2019, le préfet de l'Hérault a obligé M. A... C..., né en 1990, de nationalité tunisienne, à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... C... fait appel du jugement du 1er juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
3. M. A... C..., qui fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis l'âge de douze ans, démontre qu'il a été scolarisé en France de 2002 à 2007, puis qu'il s'est engagé dans la légion étrangère de 2008 à 2013. Il a été écroué en mai 2015 puis condamné en mars 2016 puis en août 2018 à des peines d'emprisonnement en raison de faits délictuels commis entre janvier 2014 et avril 2015. Les éléments qu'il produit constituent un faisceau d'indices suffisant permettant d'établir sa résidence habituelle en France depuis 2002. Par suite, alors que l'incarcération de M. A... C... ne remet pas en cause le caractère habituel de sa résidence en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 juin 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".
6. L'annulation de l'obligation faite au requérant de quitter le territoire français implique nécessairement qu'il soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... C... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... C... n'a pas demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Les conclusions tendant à l'allocation d'une somme au bénéfice de Me Moulin ne peuvent être accueillies.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1903152 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2019 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... C..., à Me Moulin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, où siégeaient :
- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 septembre 2020.
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N° 19MA03548
nc