Par un jugement n° 1700206 du 15 janvier 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge demandée et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 14 mars 2018 et le 14 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 15 janvier 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de remettre à la charge de la SNC Terres du Sud les montants de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déchargée, à concurrence de 8 319 euros en droits et de 499 euros en intérêts de retard.
Il soutient que l'article 268 du code général des impôts, interprété conformément à l'article 392 de la directive 2006/112/CE qu'il transpose, ne permet pas d'appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit " sur la marge " lorsque les terrains vendus comme terrains à bâtir n'ont pas été acquis comme des terrains à bâtir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2018, la SNC Terres du Sud, représentée par Me A..., conclut au rejet du recours et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SNC Terres du Sud, qui exerce une activité d'achat et de vente de terrains à bâtir, a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 15 janvier 2018 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a considéré que la cession, le 10 décembre 2013, de la parcelle CM 121 issue de la division de la parcelle mère CM 20, pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 268 du code général des impôts.
2. Aux termes de l'article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 susvisée : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ". Aux termes de l'article 12 de cette directive : " 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel (...) notamment une seule des opérations suivantes : (...) b) la livraison d'un terrain à bâtir. (...) 3. Aux fins du paragraphe 1 point b), sont considérés comme "terrains à bâtir" les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les Etats membres. ".
3. Aux termes de l'article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi visée ci-dessus du 9 mars 2010 transposant le droit communautaire : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ". Le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ainsi défini s'applique aux livraisons de terrains à bâtir pour lesquelles l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ce cas, la base d'imposition est constituée de la seule marge dégagée par l'assujetti au titre de l'opération d'achat-revente, c'est-à-dire la différence entre le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent et les sommes que le cédant a versées pour l'acquisition du terrain.
4. Il résulte des dispositions précitées du code général des impôts et de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition. En particulier, contrairement à ce que soutient le ministre, en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l'article 268 du code général des impôts, dès lors que les terrains cédés correspondent à des terrains à bâtir.
5. La SNC Terres du Sud a acquis le 18 décembre 2012 un bien immobilier composé d'un local à usage commercial et d'un terrain attenant, référencé au cadastre à la section CM sous le numéro 20. Cette acquisition, auprès de particuliers n'ayant pas la qualité d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, ne lui a pas ouvert droit à déduction. Elle a procédé à des divisions parcellaires et a cédé plusieurs terrains à bâtir dont la parcelle référencée au cadastre à la section CM sous le numéro 121. L'administration a remis en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge auquel la SNC Terres du Sud a entendu soumettre l'opération en cause au motif que le bien immobilier n'avait pas été acquis comme terrain à bâtir et qu'il n'avait pas fait l'objet de divisions parcellaires préalablement à son acquisition. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 268 du code général des impôts que l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en matière de livraison d'un terrain à bâtir est conditionnée au seul fait que l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Contrairement à ce que soutient l'administration, il ne résulte pas de ces dispositions, qui sont claires, que la division parcellaire ferait obstacle à l'application de ce régime de taxe sur la valeur ajoutée ou que celle-ci serait réservée, en cas de revente de terrains à bâtir, aux achats de biens constitués exclusivement de tels terrains. La circonstance que l'article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 définit les terrains à bâtir comme étant des terrains nus ou aménagés est sans incidence sur l'application de ces dispositions. Dès lors, le fait pour la SNC Terres du Sud d'avoir procédé, après division cadastrale, à la vente d'un terrain à bâtir issu d'une acquisition portant initialement sur un immeuble bâti et son terrain d'assiette ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 268 du code général des impôts. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que l'opération en litige devait être imposée sur le prix de vente total du bien cédé.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge, en ce qui concerne la parcelle référencée au cadastre à la section CM n° 121, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SNC Terres du Sud au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SNC Terres du Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SNC Terres du Sud la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SNC Terres du Sud.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
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N° 18MA01276
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