Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 octobre 2021, M D..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du
13 avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de dans le délai de
deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et subsidiairement, d'enjoindre audit préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le signataire de la décision contestée est incompétent ;
- l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers est méconnu dès lors qu'il est entré régulièrement en France ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme est méconnu ;
- l'article 3-1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant est méconnu.
Une décision du 3 septembre 2021 accorde l'aide juridictionnelle totale à
M. D....
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. D... comme non fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ury.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 27 octobre 1980, ressortissant marocain, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai le 20 novembre 2014 et a été reconduit à la frontière le 14 décembre 2014. Il a déclaré être entré à nouveau en France le 30 avril 2015 en possession d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles valable du 18 avril 2015 au 1er juin 2015. Il s'est marié le 26 novembre avec une ressortissante marocaine naturalisée française le 22 juillet 2017, et de cette union est né un enfant le 24 août 2017. Il a divorcé le
11 janvier 2018. Il a fait l'objet le 2 avril 2019 d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour d'une durée d'un mois qui a été confirmée par un jugement n° 1901938 du 22 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier. Le 19 septembre 2019, il s'est remarié avec une ressortissante française et il a sollicité le 29 octobre 2020 un titre de séjour en qualité de conjoint de française. Il relève appel du jugement du 13 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté du préfet de l'Hérault n° 2020-01-725 du 18 juin 2020, régulièrement publié au recueil spécial n° 98 des actes administratifs de la préfecture le même jour, librement accessible au juge et aux parties, le préfet de l'Hérault lui a donné délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, sous réserve de certaines exceptions dont ne relève pas l'arrêté litigieux. Le second alinéa de l'article 1er de cet arrêté du 18 juin 2020 précise en outre que cette délégation comprend les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. D..., cette délégation ne revêt pas un caractère trop général et le moyen tiré du vice d'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention
" vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). ". Selon l'article L. 313-2 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce même code applicable aux faits : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...). ". Aux termes de l'article R. 211-32 dudit code, dans sa rédaction applicable au litige : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ",
et l'article R. 211-33 du même code ajoute que : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. / A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé. (...). ".
4. La souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable au litige, est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. De plus, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 3 que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français est subordonnée non seulement aux conditions énoncées par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français. Ainsi, la production d'un visa de long séjour délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées à l'article L. 211-2-1 du même code, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11. Le préfet n'est compétent pour délivrer un visa de long séjour que lorsque toutes les conditions qu'elles prévoient sont remplies, notamment celle d'une entrée régulière en France du demandeur.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un tampon sur le passeport de
M. D..., que celui-ci est entré régulièrement en Espagne (Algésiras) le 29 avril 2015, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, valable du
18 avril 2015 au 1er juin 2015. Cependant, l'intéressé étant arrivé sur le territoire national en provenance d'un Etat partie à la convention de Schengen, il était tenu, contrairement à ce qu'il soutient, de souscrire une déclaration d'entrée sur le territoire français. M. D... ne conteste pas avoir omis de souscrire la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu légalement, d'une part, considérer que M. D... ne pouvait bénéficier des dispositions précitées de l'article
L. 211-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part, à supposer que ce moyen ait été soulevé, lui refuser, en l'absence de visa de long séjour, la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions précitées du 4° de l'article
L. 313-11 du même code.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. D... soutient qu'il s'occupe de son fils né le 24 août 2017 et dont il a divorcé A... la mère le 11 janvier 2018, il ne l'établit pas par les pièces du dossier constituées de deux tickets de caisse pour des achats de vêtements et d'un unique virement destiné à la mère de l'enfant, datés de l'année 2017, ni par la production en cause d'appel de la souscription à effet du 15 juin 2021 d'un contrat d'assurance sur la vie au profit de son fils avec un versement initial de 100 euros, ainsi que d'un virement de 100 euros du 16 juin 2021, qui sont postérieurs à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, faute pour lui de disposer d'une source de revenus, il est constant que le juge aux affaires familiales l'a dispensé de contribuer financièrement à l'entretien de son fils. B... M. D... s'est fiancé en juillet 2018 avec sa seconde épouse avec qui il s'est marié le 19 septembre 2019, à la date de l'arrêté attaqué du 12 novembre 2020, la vie commune est très récente, et il ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle en France. En outre, il ressort des pièces du dossier que ses parents et quatre de ses frères et sœurs résident dans son pays d'origine. Enfin, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai le
20 novembre 2014 qui a été exécutée d'office le 14 décembre 2014, ainsi que d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour d'une durée d'un mois
du 2 avril 2019 qui a été confirmée par un jugement du 22 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier, et il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national. Dans ces circonstances, l'arrêté pris par le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs il n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation de la situation personnelle du requérant.
8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'appelant ne peut se prévaloir de ces stipulations dès lors qu'il ne démontre pas pourvoir à l'entretien de son enfant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier qui rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 septembre 2020. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
N° 21MA04031 2