Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 septembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision d'éloignement est illégale dès lors qu'il a introduit une demande d'asile ;
- il remplit les conditions pour une admission au séjour au titre de l'asile ;
- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît également les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- un délai de départ volontaire aurait dû lui être accordé ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la délivrance le 8 août 2018 d'une attestation de demande d'asile a emporté abrogation de la mesure d'éloignement qui ne présente par conséquent plus aucun caractère exécutoire ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 13 septembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans avec signalement dans le système d'information Schengen.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. ". Aux termes de l'article L. 743-4 du même code : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour. ".
3. Il résulte expressément des dispositions de l'article L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance de l'attestation de demandeur d'asile prévue à l'article L. 741-1 du même code n'emporte pas abrogation d'une mesure d'éloignement prise antérieurement à la demande d'asile mais fait seulement obstacle à l'exécution de cette mesure d'éloignement jusqu'à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile se soient prononcés, pour les rejeter, sur les demandes d'asile. Par suite, la délivrance, le 8 août 2018, d'une attestation de demandeur d'asile n'a pas eu pour effet d'abroger la décision portant obligation de quitter le territoire français dont M. B... a fait l'objet. Par ailleurs, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions pour une admission au séjour au titre de l'asile en raison de la délivrance de cette attestation.
4. En deuxième lieu, la demande d'asile de M. B..., postérieure à l'obligation de quitter le territoire français en litige, est sans incidence sur la légalité de cette dernière. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en prenant la mesure d'éloignement contestée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B... soutient qu'il serait exposé, en cas de retour en Algérie, à des risques de mauvais traitements de la part de ses anciens associés, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et la gravité des risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans ce pays. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes : a) La peine de mort ; b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ". L'article L. 731-2 du même code dispose : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, prises en application des articles L. 711-1, L. 712-1 à L. 712-3 et L. 723-1 à L. 723-3. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient qu'à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile, de se prononcer sur le droit des intéressés à l'octroi de la protection subsidiaire. Par suite, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué qui porte obligation de quitter le territoire français, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont relatives au bénéfice de la protection subsidiaire.
8. En cinquième lieu, M. B..., qui ne s'est pas vu reconnaître la qualité de réfugié, ne peut utilement invoquer, à l'encontre de l'arrêté attaqué, la méconnaissance du principe de non-refoulement garanti par l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
9. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision attaquée, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de prendre l'arrêté en litige.
10. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en juin 2018, à l'âge de quarante-six ans, après avoir construit sa vie familiale et professionnelle en Algérie, où résident sa femme et ses enfants. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé et de ses attaches familiales dans son pays d'origine, et alors même qu'il s'exprime bien en français et que son père et ses demi-frères et soeurs résident régulièrement en France, l'arrêté attaqué, lequel n'est pas entaché d'erreur de fait, n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
12. Enfin, si le requérant se prévaut de sa situation familiale, cette circonstance ne permet pas d'établir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
4
N° 18MA05352
jm