Par un jugement n° 1700994, 1701473 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA02198, le 15 mai 2019, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge des amendes fiscales contestées et d'accorder le versement d'intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- l'amende prévue au IV de l'article 1736 est contraire aux articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en application de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration était prescrit s'agissant de l'année 2009 ;
- à titre subsidiaire, l'amende infligée doit être limitée à 1 500 euros au titre de l'année 2009, la France ayant conclu avec la Suisse une convention d'assistance administrative depuis l'avenant du 27 août 2009 ;
- le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce doit donc s'appliquer pour l'amende infligée au titre de l'année 2009 ;
- l'administration fiscale ne pouvait appliquer une amende par sous-compte mais seulement une amende par relation bancaire " de base ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Une réponse au moyen d'ordre public présentée pour M. et Mme B... a été enregistrée le 9 septembre 2019.
Une réponse au moyen d'ordre public présentée par le ministre de l'action et des comptes publics a été enregistrée le 11 septembre 2019.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA04066, le 15 mai 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge des amendes fiscales contestées et d'accorder le versement d'intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- l'amende prévue au IV de l'article 1736 est contraire aux articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en application de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration était prescrit s'agissant de l'année 2009 ;
- à titre subsidiaire, l'amende infligée doit être limitée à 1 500 euros au titre de l'année 2009, la France ayant conclu avec la Suisse une convention d'assistance administrative depuis l'avenant du 27 août 2009 ;
- le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce doit donc s'appliquer pour l'amende infligée au titre de l'année 2009 ;
- l'administration fiscale ne pouvait appliquer une amende par sous-compte mais seulement une amende par relation bancaire " de base ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et son avenant conclu le 27 août 2009 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration fiscale a infligé, d'une part, à M. B... des amendes d'un montant total de 14 500 euros sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2009 à 2012, et d'autre part, à M. et Mme B... des amendes d'un montant total de 75 000 euros sur le même fondement au titre des années 2009 à 2013, à raison du défaut de déclaration de comptes à l'étranger. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des amendes ainsi mises à leur charge.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 19MA02198 et n° 19MA04066 sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur le bien-fondé de l'amende :
En ce qui concerne le droit de reprise de l'administration :
3. Aux termes de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales : " Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants. / Pour les autres amendes fiscales, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. / La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu'elles pourront être éventuellement appliquées ".
4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) ". L'article 344 A de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable, dispose que : " (...) II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) / III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. (...) ".
5. Les appelants se sont vus infliger, au titre de l'année 2009, l'amende prévue par le IV de l'article 1736 du code général des impôts pour non déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger, qui ne concerne ni l'assiette ni le paiement d'impositions. Il y a dès lors lieu d'appliquer, conformément aux dispositions de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales, un délai de prescription de quatre ans à compter de l'année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises. Le fait générateur des amendes infligées à raison de comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger au cours de l'année 2009 s'est produit en 2010, année au cours de laquelle le délai de déclaration des comptes expirait. Par suite, la prescription n'était pas acquise lorsque l'administration a notifié le 23 décembre 2014 la proposition de rectification mentionnant l'infliction des amendes en cause. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la prescription édictée par l'article L. 188 du livre des procédures fiscales était acquise s'agissant des amendes infligées au titre de l'année 2009.
En ce qui concerne les autres moyens :
6. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 11 de l'avenant du 27 août 2009 modifiant la convention fiscale du 9 septembre 2006 signée entre la France et la Suisse, et par lequel les deux pays ont conclu une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires, que les modalités d'échanges de renseignement ainsi mis en place ne sont applicables qu'à compter du 1er janvier 2010. Le service était donc fondé à fixer à 10 000 euros par compte non déclaré le montant de l'amende assignée à M. et Mme B... au titre de l'année 2009.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi.
8. Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " (...) IV. - Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ". En vertu des dispositions de l'article L. 152-2 du code monétaire et financier, les personnes physiques domiciliées en France sont soumises aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, et encourent, en cas d'infraction à ces dispositions, une amende de 750 euros.
9. Par sa décision n° 2017-692 QPC du 16 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé, en premier lieu, que l'article L. 152-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction précitée, est contraire à la Constitution à compter du 1er janvier 2009, date à laquelle la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificatives pour 2008 est entrée en vigueur, en deuxième lieu, que la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité intervient à compter de la date de publication de sa décision et en troisième et dernier lieu, que la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la même date.
10. Il résulte de l'instruction que les amendes litigieuses ont été infligées à M. et Mme B..., après le 1er janvier 2009 et que la présente instance était en cours à la date de la décision du Conseil constitutionnel. Il ne peut, dès lors, être fait application à la présente instance des dispositions de l'article L. 152-5 du code monétaire et financier eu égard à la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 février 2018. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration disposait d'un choix discrétionnaire pour infliger à raison d'un même manquement des amendes de montants très inégaux selon qu'elle se fondait sur les dispositions du code monétaire et financier ou sur celles du IV de l'article 1736 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que l'existence de deux amendes de montants inégaux constituait une discrimination prohibée par les stipulations des articles 14 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " (...) II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. (...) ".
12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont utilisé trois comptes bancaires distincts dotés chacun d'un numéro différent au sein de la banque Crédit Suisse. Si les requérants font valoir qu'ils disposaient d'une unique " relation bancaire " et que les différents sous-comptes ne devaient pas être pris en compte pour déterminer le montant des amendes, ils ne produisent aucun élément permettant de considérer qu'un seul compte aurait été ouvert ou que ces trois comptes auraient fonctionné selon les modalités propres à un compte unique. Les trois comptes en cause constituent ainsi des comptes à déclarer au sens des dispositions de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts. Dès lors, l'administration était fondée à infliger aux requérants l'amende sanctionnant l'omission de déclaration de chacun de ces comptes pour chacune des années en litige.
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
13. Les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont, en vertu de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". En l'absence de litige né et actuel sur la liquidation et le paiement des intérêts moratoires entre le comptable et M. et Mme B..., les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
15. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
16. D'autre part, aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance. Par suite, les conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.
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N° 19MA02198, 19MA04066
nc