Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 février 2019, la SARL BC France, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'exonération des livraisons intracommunautaires a été remise en cause ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL BC France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL BC France, qui a été constituée le 16 novembre 2010 et a pour activité le commerce de gros de composants et d'équipements électroniques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période allant du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts pour les livraisons intracommunautaires dont la société a entendu bénéficier au titre des marchandises vendues à des sociétés établies en Italie, et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2011. La SARL BC France fait appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des pénalités dont ils ont été assortis.
2. En premier lieu, aux termes du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. / L'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle (...) ". Si, pour l'application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataires présumés des personnes dépourvues d'activité réelle. Toutefois, le droit à exonération de cet assujetti ne peut alors être remis en cause que s'il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale.
3. La SARL BC France a placé sous le régime de l'exonération de l'article 262 ter du code général des impôts l'intégralité des livraisons de matériels électroniques réalisées entre novembre 2010 et octobre 2011 à destination de clients établis en Italie. Ces livraisons, correspondant à plus de cent transactions au cours de la période considérée, principalement avec les sociétés CDI Tecnology, Globo Trade, Videodigit, Globotech et Venom Distribuzione, ont représenté un montant global supérieur à 12 millions d'euros. Si la société BC France soutient qu'elle disposait des documents permettant de justifier de la réalité du transport des marchandises vers l'Italie, l'administration fait valoir sans être contredite que le principal transporteur a facturé tardivement des prestations qui ne correspondent pas aux livraisons de marchandises facturées et ressortant des lettres de voitures, et n'a été que partiellement payé. En outre, il est constant que la société disposait d'un lieu de stockage seulement constitué d'un garage situé dans le centre-ville de Menton. Par ailleurs, l'administration fait valoir qu'à la suite d'une demande d'assistance administrative internationale, les autorités italiennes ont indiqué que le siège social des sociétés CDI Tecnology et Videodigit était fictif, et qu'il résultait d'une enquête menée par les services fiscaux italiens que la société Videodigit était une société " taxi ". La société requérante ne contredit pas ces éléments par la seule production d'un document présenté comme la traduction d'un jugement du tribunal ordinaire de Rome rendu en matière pénale le 5 juillet 2018, selon lequel les résultats documentaires de la défense permettent de conclure que la société CDI Tecnology avait un siège opérationnel à Bologne et des employés, dès lors que ce jugement n'est en tout état de cause pas définitif. De même, l'administration fait valoir qu'il ressort de la base de données dénommée " TTC " que les numéros de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire des sociétés Globotech et Venom Distribuzione n'ont jamais été attribués, dès lors que cette base fait apparaître les dates d'attribution et de radiation des numéros qui ont été alloués. La SARL BC France, qui fait valoir que ces numéros étaient valides, se borne à produire des consultations de la base de données dénommée " VIES ", d'ailleurs postérieures aux premières factures, qui ne suffisent pas à contredire l'administration. Il en va également ainsi du document produit par la société requérante, présenté comme la traduction d'une décision de la commission fiscale départementale de Rome du 9 janvier 2017, qui vise des acquisitions réalisées auprès de la société Globotech au cours de l'année 2011 par une société tierce, et ne se prononce pas sur la réalité des livraisons intracommunautaires en cause. Enfin, l'administration fait valoir sans être contredite que s'agissant de la société Globo Trade, l'adresse de son siège, l'adresse de livraison mentionnée sur les factures et l'adresse de livraison des lettres de voiture sont différentes. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et considérations, l'administration établit, comme il le lui incombe, que les expéditions intracommunautaires revendiquées par la société requérante n'ont, dans leur ensemble, pas eu lieu.
4. Eu égard au nombre, à la fréquence des livraisons litigieuses, et au montant important des ventes facturées, la SARL BC France, en se bornant à vérifier la validité des numéros de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaires de ses clients, de surcroit postérieurement à l'émission des premières factures en ce qui concerne les sociétés CDI Tecnology et Venom Distribuzione, et à recueillir des informations auprès de la chambre de commerce et d'industrie italienne postérieurement à l'émission de ces factures, ne peut être regardée comme ayant pris toute mesure raisonnable en son pouvoir pour s'assurer de ce que les livraisons qu'elle effectuait, destinées à ses clientes italiennes, ne la conduisaient pas à participer à une fraude. Ainsi, l'administration établit que la SARL BC France aurait pu savoir, en effectuant les diligences nécessaires, que les livraisons intracommunautaires qu'elle facturait la conduisaient à participer à une fraude fiscale. Elle était, dès lors, fondée à remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par la SARL BC France.
5. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
6. En relevant l'importance des livraisons intracommunautaires placées à tort sous le régime de l'exonération, ainsi que les éléments, mentionnés au point 3, qui permettent d'établir que la SARL BC France ne pouvait ignorer sa participation à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration justifie du bien-fondé de l'application à cette société de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL BC France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL BC France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée BC France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 19MA00607
nc